Permis de construire et urbanisme de projet

Isabelle CASSIN
GENESIS Avocats

1) Comment concilier permis de construire et urbanisme de projet ?

Lancée au printemps 2010 et présentée lors des séminaires de Benoît Apparu des 26 et 27 mai 2011, la démarche d’urbanisme de projet traduit une « nouvelle vision » qui vise à mettre le projet « au cœur du système ».

Pour cela, la réforme entend tout à la fois libérer et valoriser des potentiels urbains inexploités et faciliter la réalisation des projets, notamment les écoquartiers. Elle se décline nécessairement en plusieurs volets : un volet foncier, un volet planification, avec notamment une « nouvelle génération de PLU » et un volet « droit des sols », relatif aux autorisations d’urbanisme.

Sur ce dernier aspect, il s’agit d’apporter des corrections à la réforme des autorisations d’urbanisme de 2005/2007, sans remettre en cause les fondamentaux. Les ajustements visent ici à accélérer l’instruction des demandes, simplifier les procédures et revoir à la marge le champ d’application du permis. La réforme n’affecte pas le permis de construire dans son principe et ses effets. Le changement le plus profond réside peut-être dans le rapport particulier du permis de construire au PLU dans les futurs secteurs de projets. Le règlement du PLU et les orientations d’aménagement et de programmation pourraient, en effet, délimiter des secteurs de projets dans lesquels seraient précisés des objectifs prioritaires attendus en termes de forme urbaine. Il ne s’agit plus alors de règles, mais d’objectifs, ce qui est nouveau.

2) Quel est le nouveau champ d’application du permis de construire ?

Pour faciliter la densification et les petits projets en zone urbaine, il a été proposé de relever le seuil du permis de construire dans le cas de projets d’extension ou de locaux accessoires de construction existants en zone U des PLU.

Actuellement, les travaux sur constructions existantes ayant pour effet de créer jusqu’à 20 m² de SHOB sont soumis à déclaration préalable (R. 421-17 f)) ; il en va de même pour les constructions nouvelles qui créent une SHOB supérieure à 2 m² et inférieure ou égale à 20 m² (R. 421-9 a)). Au-delà, le permis de construire s’impose. Le seuil serait alors relevé à 40 m².

Pour mémoire, la notion de SHOB (et de SHON) devrait prochainement disparaître au profit d’une notion unique de « surface de plancher de la construction » calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment. Selon les travaux des séminaires sur la réforme de l’urbanisme de projet, cette réduction du champ du permis de construire au bénéfice corrélatif de l’augmentation de celui de la déclaration préalable pourrait accélérer l’instruction d’environ 50 000 projets par an.

Toutefois, les projets de décret soumis à la consultation par le ministère, et notamment le projet de décret relatif à la réforme de la surface, maintient à 20 m² de surface de plancher le seuil d’exigibilité du permis de construire dans les cas ci-dessus évoqués. Le champ d’application du permis se trouverait même étendu aux hypothèses de constructions nouvelles d’une surface de plancher inférieure ou égale à 20 m², mais dont la hauteur est supérieure à douze mètres.

3) Comment les procédures vont-elles être simplifiées ?

On trouve dans le projet d’ordonnance relative aux corrections à apporter à la réforme des autorisations d’urbanisme et dans le projet de décret soumis à la consultation par le ministère plusieurs mesures ponctuelles de simplification des procédures relatives aux permis de construire, mais aussi aux permis de démolir.

Par exemple, concernant ces derniers, le délai à l’issue duquel l’architecte des bâtiments de France serait réputé avoir émis un avis favorable sur une demande de permis de démolir relatif à un projet situé dans le périmètre de protection d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques serait réduit à deux mois au lieu de quatre. Mais finalement, le délai de quatre mois subsisterait en matière de permis d’aménager et de permis de construire et le délai d’instruction porté à six mois dans ce cas, resterait inchangé.

Une des mesures les plus notables, en termes de simplification, concerne le cas des constructions entrant en tout ou partie dans le champ de la réglementation des établissements recevant du public. Le Code de l’urbanisme et le Code de l’habitation et de la construction seraient modifiés pour prévoir que lorsque l’affectation de l’établissement recevant du public (ou d’une partie de celui-ci) n’est pas connue lors du dépôt de la demande de permis de construire, le permis peut néanmoins être délivré pour l’ensemble et doit alors indiquer qu’une autorisation complémentaire, au seul titre de l’article L. 111-8 du Code de la construction et de l’habitation, devra être demandée en ce qui concerne l’aménagement intérieur.

Précédemment, une cour administrative d’appel n’avait pas admis cette technique de la « coquille vide », considérant que le maire devait se prononcer sur la conformité aux règles d’urbanisme, à la date du permis de construire, de l’ensemble du projet immobilier en cause (CAA Versailles 29 décembre 2009, Commune de Meudon, req. n° 08VE03693).

La réforme apporte, sur ce point, un certain assouplissement, a fortiori lorsque la commercialisation de l’établissement recevant du public reste incertaine à la date du dépôt de la demande de permis de construire. Concernant les lotissements, la définition est revue pour supprimer toute référence à la période de dix ans prise en compte pour le calcul des divisions. Il est aussi expressément prévu que la demande de permis d’aménager ou la déclaration préalable portant sur un projet d’aménagement puisse ne porter que sur une partie d’une unité foncière, permettant ainsi d’adapter l’assiette foncière au projet.

4) Quels sont les éventuels nouveaux risques contentieux ?

La réforme de l’urbanisme de projet peut, dans un sens, contribuer à la réduction du contentieux dans les secteurs de projets dans lesquels la norme s’effacerait au profit de la simple définition d’objectifs prioritaires, de telle sorte que les risques de non-conformité d’un permis de construire à un PLU seraient amoindris.

Mais les recours peuvent aussi se cristalliser autour de ces secteurs, dont les conditions d’institution restent à définir, et qui pourraient être perçus comme un retour à l’urbanisme dérogatoire. Le contrôle de la compatibilité d’un permis de construire aux objectifs des orientations d’aménagement et de programmation en termes de forme urbaine et de principes d’aménagement laisse une marge d’appréciation qui peut aussi être génératrice de contentieux. La réduction du contentieux constitue un des volets de la réflexion des séminaires sur l’urbanisme de projet, étant rappelé que le Code de l’urbanisme contient déjà de nombreuses dispositions traitant du contentieux de l’urbanisme et visant à l’encadrer ou le réduire (articles L. 600-1 à L. 600-6 notamment).

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