Grenelle et droit de l’urbanisme

Karine Destarac
Avocat à la Cour

1) Où en est le calendrier normatif du Grenelle ?

La loi dite Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est venue compléter le vaste débat national consacré à l‘environnement lancé en 2009. Pourtant, ce dispositif ne sera parachevé qu’à l’issue de la publication d’une série d’ordonnances et de leur décret d’application.

Exception faite des règles devant être modifiées pour Mayotte, la loi Grenelle II a prévu en effet, en son article 25, l’intervention de quatre ordonnances relatives au droit de l’urbanisme dont la publication est prévue avant le 12 janvier 2012. Cette date butoir approche et, pour autant, l’ensemble des textes annoncés n’a pas été encore publié.

Deux ordonnances sont déjà intervenues. Celle relative aux établissements publics fonciers, aux établissements publics d’aménagement de l’État et à l’Agence foncière et technique de la région parisienne a été publiée la première (ordonnance no 2011-1068 du 8 septembre 2011). Elle a été suivie par l’ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011 qui a unifié et simplifié la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l’urbanisme afin, notamment, de favoriser les constructions performantes sur un plan énergétique.

Ce devrait être très prochainement au tour de l’ordonnance relative aux corrections à apporter à la réforme des autorisations de construire, entrée en vigueur en 2007 et à son décret d’application. Ces textes tendent à modifier les dispositions relatives aux autorisations d’urbanisme, mais visent principalement les lotissements. Les dispositions nouvelles s’appliqueront à compter du 1er mars 2012 aux demandes d’autorisation déposées à compter de cette date.

Restera enfin l’ordonnance relative aux procédures des documents d’urbanisme, qui tend à modifier les procédures d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme.

L’entrée en vigueur de cette ordonnance est également fixée au 1er mars, sans toutefois affecter les procédures en cours.

2) Quels sont les chantiers majeurs de la loi Grenelle II ?

L’idée dominante est de favoriser un urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques et d’améliorer l’articulation des politiques en matière d’habitat, de développement commercial et de transport avec la qualité de vie des habitants. Ainsi, au cœur de ces objectifs environnementaux, sont principalement visées la lutte contre l’étalement urbain et la consommation foncière, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’amélioration des performances énergétiques et la préservation et la restauration de la biodiversité et des continuités écologiques.

À la lecture de ces différents enjeux, on constate que certains préexistaient au Grenelle II et sont renforcés, d’autres font leur entrée. La lutte contre la consommation de l’espace devient un enjeu majeur qui s’impose aux documents d’urbanisme. Ces derniers vont également avoir un rôle essentiel à jouer pour contribuer à protéger la trame verte et bleue.

Le Grenelle II pose aussi le principe de l’élaboration des PLU à l’échelle intercommunale. Le PLU intercommunal disposera de quelques spécificités. Certes il se distingue par sa couverture territoriale ou par la compétence et la procédure pour l’élaborer, mais il se singularise surtout par son contenu. D’une part, lorsque le PLU est intercommunal, il doit obligatoirement valoir plan local d’habitat (PLH), ce qui suppose une réflexion plus approfondie sur la cohérence des politiques relatives à l’urbanisme et à l’habitat. D’autre part, lorsque l’établissement de coopération intercommunale est l’autorité organisatrice des transports urbains, le PLU comprend obligatoirement le volet déplacement urbain, même si l’EPCI compte moins de cent mille habitants.

Enfin, le SCOT devient le document « pivot » susceptible de fixer des quotas de consommation d’espaces que les PLU devront prendre en compte. Des garanties de densité minimale pourront également s’imposer aux auteurs des PLU.

3) Dans quelle mesure la loi Grenelle II réforme-t-elle substantiellement les PLU ?

Le PLU voit son contenu s’enrichir et acquiert une vocation intercommunale susceptible de modifier les principales composantes de la planification urbaine.

Le rapport de présentation s’étoffe, en tant qu’il doit désormais procéder à une analyse de l’environnement sensiblement équivalente aux évaluations environnementales prévues par la directive européenne. Cette nouvelle exigence suscite beaucoup d’interrogations de la part des élus qui y voient un exercice difficile à exécuter.

Le projet d’aménagement et de développement durable bénéficiera désormais d’un rôle majeur au sein du PLU. Il s’agit de mener une réflexion de projet à l’échelle du territoire et de l’expliciter clairement. Les missions imposées au PLU sont complétées et étendues, lui offrant de nouvelles possibilités réglementaires.

Dans ce contexte, les constructions, travaux et aménagements devront respecter des performances énergétiques et environnementales qui auront été définies dans le PLU, ou encore prendre en compte des densités minimales fixées dans les secteurs situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés (article L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme).

Le souci d’économie d’énergie et ses incidences dans les déplacements urbains induiront également de nouvelles règles de stationnement moins contraignantes pour assurer une meilleure gestion des mobilités quotidiennes dans les secteurs situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés.

Mais le PLU doit aussi et surtout adopter une nouvelle approche pour assurer la protection de l’environnement et préserver la biodiversité. C’est précisément à cet effet que le Grenelle prévoit l’obligation, pour ce document, de contribuer à la protection et à la remise en bon état des continuités écologiques qui seront identifiées.

Les marges de manœuvre offertes au PLU se veulent plus larges pour lui permettre de remplir les missions imparties par le Grenelle II. De manière plus générale, le PLU doit concrétiser une vision de projet et revisiter le rapport entre la règle d’urbanisme et le projet opérationnel.

4) Quels sont, à vos yeux, les apports du Grenelle de l’environnement en droit de l’urbanisme ?

Soulignons qu’environ 4 300 communes en France sont encore concernées par un POS n’ayant pas fait l’objet d’une révision depuis la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains. Un grand nombre de PLU a encore des dispositions réglementaires qui ne permettent pas de respecter les objectifs du Grenelle II, notamment en maintenant des surfaces minimales de parcelle sans justification légale (article 5) ou encore en les combinant avec l’institution d’un COS faible, bloquant de fait de nombreuses opérations d’aménagement ou de constructions.

C’est pourquoi le PLU doit évoluer et la loi Grenelle II offre un cadre juridique nouveau pour y parvenir, même si les exigences sont fortes. L’élaboration ou la révision du PLU devra être l’occasion de bâtir un véritable projet de territoire et d’examiner chacune des règles existantes en se posant la question de leur légitimité, tout particulièrement au regard des objectifs de réduction de consommation d’espace. Une démarche nouvelle s’impose également pour protéger les espèces animales et végétales et leur lieu de vie, en préservant les continuités écologiques.

Nul doute que le Grenelle aboutira lentement mais sûrement à modifier en profondeur le droit de l’urbanisme, notamment par la prise en compte des politiques d’urbanisme dans les différents échelons territoriaux, à condition naturellement que cette évolution soit le fruit d’un désir commun.

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