Le logement social

Philippe Baffert
Consultant

1) Où en est-on du projet de loi sur le logement social annoncé début septembre ?

Comme la presse s’en est fait largement l’écho, le gouvernement a eu quelques difficultés avec le Conseil constitutionnel, et le projet va devoir faire l’objet d’un nouvel examen par le Conseil d’État et les deux assemblées, de sorte que le texte ne devrait sortir qu’à la fin de l’année. Il est assez rare que le Conseil annule une loi dans sa totalité, mais ce n’est pas exceptionnel : c’est arrivé 17 fois sous la Ve République.

L’inconvénient d’une annulation totale pour vice de procédure est que le Conseil constitutionnel n’est alors pas tenu de répondre à tous les moyens développés, comme doit le faire le Conseil d’État lorsqu’il est saisi d’un contentieux d’urbanisme. Il n’a donc pas examiné les moyens de fond soulevés par les députés, qui considéraient, en particulier, que la majoration des sanctions imposées aux communes qui ne respectent pas les objectifs fixés par l’article 55 de la loi SRU, était excessive.

Le Parlement devant, selon toute vraisemblance, voter à nouveau le texte issu de la Commission mixte paritaire, mais en respectant cette fois la procédure, le Conseil constitutionnel sera saisi tout aussi certainement à nouveau et devra se prononcer sur les questions de fond.

2) Quels seront les modalités et les enjeux de la mise à disposition des terrains vacants de l’État ?

Cette mesure fait l’objet d’un accord assez général. Dans le passé, il était arrivé, à plusieurs reprises, que des terrains publics soient vendus au franc symbolique en vue de la réalisation de logements sociaux. Ce qui est nouveau, c’est que la loi précise que la décote est de droit et qu’elle peut atteindre 100 %. Cela dit, la loi reste assez floue sur le mode de calcul de la décote. Elle indique seulement que celle-ci « prend notamment en considération les circonstances locales tenant à la situation du marché foncier et immobilier, à la situation financière de l’acquéreur du terrain, à la proportion et à la typologie des logements sociaux existant sur le territoire de la collectivité considérée et aux conditions financières et techniques de l’opération ». La décote s’applique aux terrains destinés à la construction de logements. Elle s’appliquera également, mais seulement dans les communes qui ne font pas l’objet d’un constat de carence pour l’application de l’article 55, aux terrains d’assiette de certains équipements publics destinés aux habitants de ces logements. Il faudra attendre le décret en Conseil d’État pour y voir plus clair.

Si le dispositif de décote constitue une réelle amélioration, on peut regretter qu’aucune mesure ne figure dans la loi pour accélérer les procédures de cessions des terrains qui prennent parfois des années. Les administrations sont d’autant moins enclines à les accélérer que la décote leur fait perdre des perspectives de ressources budgétaires.

3) Dans quelle mesure la loi SRU va-t-elle être modifiée ? Faut-il renforcer son article 55 ?

Le projet de loi renforce considérablement les obligations créées par la loi SRU.

Le pourcentage de logements locatifs sociaux que doivent atteindre les communes de plus de 3 500 habitants en province et de plus de 1 500 habitants en région parisienne situées dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, est porté de 20 à 25 %. Hors région parisienne, la loi institue une obligation nouvelle, pour les communes de plus de 1 500 et de moins de 3 500 habitants, de disposer de 10 % de logements sociaux. Cette disposition a failli aboutir à un rejet de la loi par le Sénat. Le gouvernement a accepté qu’un décret fixe une liste des agglomérations où ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront pas, en fonction du nombre de bénéficiaires de l’allocation logement, du taux de vacance constaté dans le parc locatif social et du nombre de demandes de logements sociaux. Ce décret aura une très grande importance et devrait faire l’objet de discussions locales serrées !

Par ailleurs, la loi majore très considérablement les sanctions appliquées aux communes défaillantes.

4) D’autres mesures concernant le logement seront-elles prises rapidement, notamment dans la prochaine loi de Finances ?

La ministre a annoncé la mise en place d’un « dispositif Duflot », qui remplacerait le « dispositif Scellier », qui disparaîtra à la fin de l’année. Cela fera le huitième dispositif de ce type mis en place, avec des succès divers, depuis une trentaine d’années.

Le taux et la durée de la réduction d’impôt pourraient être plus importants que dans la précédente loi, mais des dispositions plus contraignantes seraient prévues pour inciter à de meilleures performances énergétiques et pour imposer des loyers plus bas (20 % en dessous du prix du marché). La ministre a également dit qu’elle prendrait des mesures pour que son dispositif se distingue du précédent « très coûteux pour l’État » et qui « a permis de construire un peu n’importe où, un peu n’importe quoi, à des loyers proches de ceux du marché ». Là encore, il faut attendre le vote définitif de la loi de Finances et surtout, la sortie des décrets d’application pour y voir plus clair.

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