Les apports de la loi ALUR en matière d’urbanisme opérationnel

Monique AmbalMonique Ambal
Avocat
DS Avocats

 
Laura Ceccarelli-LGLaura Ceccarelli-Le Guen
Avocat
DS Avocats

I) Quelles sont les modifications apportées par la loi au régime du PUP et pour quelles améliorations ?

Pour les appréhender, nous devons nous souvenir que le PUP a été créé par l’article 43 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, (articles L. 332-11-3 et L. 332-11-4 du Code de l’urbanisme), pour palier les inconvénients du PAE aujourd’hui disparu. Il était en effet beaucoup reproché à celui-ci, notamment, de relever d’une décision unilatérale de la collectivité de réaliser un programme d’équipements publics pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers de constructions à édifier sur un secteur déterminé, sans que la dite collectivité n’ait de certitude sur le nombre et le calendrier de réalisation de ces constructions et donc de la part du coût des équipements susceptible d’être pris en charge par leurs constructeurs.

Le PUP ne procède plus d’un dispositif unilatéral mais contractuel, fondé sur l’engagement d’un opérateur (aménageur, constructeur ou simple propriétaire de terrain) de financer tout ou partie du coût des équipements publics nécessaires pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier, que la collectivité compétente en matière de PLU s’engage à réaliser ou à faire réaliser. Le montant de la participation de l’opérateur – dans les limites du principe de proportionnalité -, les modalités de son versement – qui ne peut toutefois pas prendre la forme de réalisation de travaux – le calendrier de ce versement et les garanties qui y sont apportées sont librement définies dans la convention. En contrepartie de la participation versée, les constructions sont exonérées de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement.

Le PUP connaît, depuis sa création, un certain succès. Il n’est toutefois pas, aujourd’hui, exempt de critiques.

Il pâtit en effet du fait que le programme des équipements publics sur lequel il porte soit défini en considération d’opérations ponctuelles et non pas de projets plus globaux tenant compte d’opérations futures.

Certains lui reprochent également de donner à l’engagement de la collectivité publique de réaliser des équipements publics, un socle purement contractuel dont la finalité est la satisfaction de projets privés qui ne font pas l’objet de concertation auprès de la population.

Il semble clair que le législateur, à travers le dispositif mis en place par l’article 78 de la loi ALUR, souhaite répondre à ces critiques, d’une part en créant un mécanisme de PUP financé par des opérations échelonnées dans le temps, d’autre part en inscrivant le PUP dans une véritable démarche de projet urbain concerté.

Le premier apport de la loi tend à améliorer le dispositif dans le cas où les équipements vont être potentiellement utiles aux habitants de plusieurs opérations d’aménagement successives, mais dont une seule est définie, afin de faciliter le développement progressif de ces secteurs d’urbanisation et le démarrage des premières opérations sans attendre la maturité de tous les projets, tout en préservant les finances de la collectivité.

Il se traduit par l’ajout d’un paragraphe II à l’article L. 332-11-3 II, dont le principe est de permettre à l’organe délibérant de la collectivité compétente en matière de PLU (ou le préfet dans le périmètre des OIN) de fixer les modalités de partage des coûts des équipements et de délimiter un périmètre à l’intérieur duquel les propriétaires fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui s’y livrent à des opérations d’aménagement ou de construction participent, dans le cadre de conventions, à la prise en charge de ces mêmes équipements publics, qu’ils soient encore à réaliser ou déjà réalisés, dès lors qu’ils répondent aux besoins des futurs habitants ou usagers de leurs opérations. Les conventions de PUP successives peuvent ensuite porter sur des programmes d’équipements publics différents selon les besoins en équipement des opérations qui les suscitent.

Ces nouvelles dispositions sont intéressantes dans la mesure où elles accentuent le rôle du PUP en tant qu’outil d’urbanisme de projet[1]. Mais le législateur, pour y parvenir, paraît renoncer à la souplesse et à l’adaptabilité qui faisaient la force du PUP.

Si la personne publique compétente en matière de PLU veut s’inscrire dans ce nouveau mécanisme -ceux à quoi elle n’est pas tenue – elle doit en effet, ab initio, définir un programme d’équipements publics qui s’intègre dans un projet d’aménagement d’ensemble qu’elle est bien tenue d’anticiper. On revient ainsi à la logique du secteur d’aménagement du PAE. Le danger est donc que la collectivité retombe dans la pratique, si critiquée à propos du PAE, de dimensionnement d’équipements publics dont elle assure le préfinancement par anticipation de la réalisation de constructions dont elle ne maîtrise ni le programme, ni le calendrier de réalisation.

Le second apport du texte est d’introduire un troisième paragraphe à l’article L. 332-11-3 du Code de l’urbanisme dont il ressort que : « Les personnes ayant qualité pour déposer une demande de permis de construire ou d’aménager peuvent demander à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou au représentant de l’État dans le cadre des opérations d’intérêt national qu’ils étudient le projet d’aménagement ou de construction et que ce projet fasse l’objet d’un débat au sein de l’organe délibérant. L’autorité compétente peut faire droit à cette demande. »

Cette mesure est à mettre en perspective avec un paragraphe III bis de l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme créé par l’article 82 de la loi ALUR qui permet aux pétitionnaires de permis de construire ou permis d’aménager de solliciter de la personne publique compétente pour statuer sur leur dossier  qu’elle organise, préalablement au dépôt de leur demande, une concertation « volontaire » auprès de la population.

Par ces dispositions, le PUP opère sa mue d’un simple mode de financement d’équipements publics nécessaires à des opérations d’initiatives privées ponctuelles vers un véritable outil d’aménagement concerté.

Toutefois, le texte ne précise pas sur quoi porte le débat organisé au sein de l’organe délibérant de la collectivité, notons-le, à la discrétion de celle ci : sur l’opportunité du projet ? Sur sa capacité à s’inscrire dans une politique d’urbanisme publique plus globale ? Sur son adéquation avec le programme des équipements publics demandés ?

Il est également muet sur les conséquences à tirer des éventuelles conclusions du débat défavorables au projet. La collectivité peut-elle en tirer argument pour refuser de signer la convention de PUP alors même que ce projet est conforme aux règles d’urbanisme ?

Il serait dommage que l’on doive attendre l’éclairage du juge pour avoir une réponse à ces questions.

II) Que penser des simplifications et des allègements dont la ZAC est assortie ?

La réalisation d’une zone d’aménagement concerté (ZAC) implique nécessairement l’obtention de plusieurs autorisations relevant de différents maîtres d’ouvrage (décision de création, autorisation au titre de la loi sur l’eau, déclaration d’utilité publique, permis de construire…), dont la plupart sont soumises à étude d’impact (systématiquement ou après un examen au cas par cas) et à enquête publique environnementale.

Ces obligations, considérablement renforcées depuis l’entrée en vigueur de la réforme des études d’impact et des enquêtes publiques le 1er juin 2012, allongent significativement les délais de mise en œuvre des opérations d’aménagement, en imposant à chaque maître d’ouvrage (collectivités locales, aménageur, promoteurs, bailleurs sociaux…) des démarches parfois redondantes.

Cette multiplication des procédures apparaît peu cohérente avec l’objectif premier de la ZAC de constituer une procédure d’aménagement opérationnel globale.

C’est la raison pour laquelle l’article 76 II du projet de loi ALUR prévoit de compléter l’article L. 122-3 du Code de l’environnement de façon à permettre au pouvoir réglementaire de fixer les conditions dans lesquelles, dans le cas d’une ZAC, « l’avis de l’autorité administrative compétente en matière d’environnement sur l’étude d’impact préalable à la création de la zone peut tenir lieu d’avis pour les études d’impact afférentes aux acquisitions foncières, travaux et ouvrages réalisés au sein de la zone ».

Un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions d’application de cette disposition, en modifiant en particulier l’article R. 122-8 du même Code, de façon à permettre à une seule autorité environnementale de dispenser, totalement ou partiellement, d’étude d’impact les autorisations ultérieures (qu’elles relèvent, ou non, du même maître d’ouvrage), lorsque l’étude d’impact initiale est suffisamment précise sur les incidences du projet.

Cette disposition simplifiera notablement la réalisation des travaux et constructions au sein des ZAC, leur donnant ainsi un véritable avantage par rapport aux opérations d’aménagement réalisées hors ZAC.

Toutefois, au stade de la création de la ZAC, il n’est souvent pas possible d’analyser de façon très approfondie les incidences du projet, qui reste encore assez imprécis. En outre, la décision de création de la ZAC est, contrairement aux autres autorisations soumises à étude d’impact, dispensée d’enquête publique environnementale, et fait l’objet uniquement d’une concertation préalable, suivie d’une mise à disposition.

Il conviendra donc d’être particulièrement vigilant dans la mise en œuvre de cette disposition pour éviter tout risque de critique au regard des obligations issues de la directive européenne n° 2011/92 du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (laquelle est d’ailleurs actuellement en cours de révision).

Par ailleurs, l’article 76 I 2e du projet de loi ALUR introduit dans l’article L. 311-7 du Code de l’urbanisme, la possibilité de mettre en œuvre une procédure de modification simplifiée pour les plans d’aménagement de zone (PAZ), encore applicables dans les ZAC anciennes, situées dans des communes n’ayant toujours pas approuvé de plan local d’urbanisme (PLU). Cette procédure allégée, dispensée d’enquête publique au profit d’une simple mise à disposition, ne pourra cependant être mise en œuvre que pour une modification du règlement ou d’une orientation d’aménagement ou de programmation ne rentrant pas dans le champ de la modification de droit commun, la rectification d’une erreur matérielle ou l’instauration des majorations des possibilités de construire visées aux articles L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2 et L. 123-1-11, alinéa 6 du Code de l’urbanisme. Dans les autres cas, il sera nécessaire de mettre en œuvre une procédure de modification normale ou bien une procédure de mise en compatibilité par déclaration d’utilité publique ou par déclaration de projet.

III) Quels sont les points forts de la réforme du lotissement ?

L’un des principaux objectifs de la loi ALUR, avec la facilitation de la production de logements, est la densification du tissu urbain constitué.

Pour l’atteindre, les rédacteurs du projet de loi semblent prêts à mener une bataille contre les lotissements peu denses. Partant du constat d’une part, que certaines règles particulièrement sévères issues de règlements de lotissements, voire de cahiers des charges, peuvent limiter les possibilités de construire sur les lots (taille minimale de parcelles constructibles, l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, l’obligation de réalisation d’aires de stationnement etc.) et d’autre part, que les propriétaires qui souhaitent subdiviser leur lot de taille importante (démarche dite « BIMBY ») peuvent se voir opposer le désaccord des autres colotis, ils ont décidé de revisiter les modalités de mise en concordance des documents du lotissement avec le PLU ou le document d’urbanisme en tenant lieu, ainsi que les règles de majorité nécessaires aux modifications des documents du lotissement et aux subdivisions de lots.

Si nos députés et nos sénateurs sont d’accord pour que ces dernières passent des deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie du lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins les deux tiers de cette superficie, à la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant ensemble la moitié au moins de cette superficie (nouvel article L. 442-10 du Code de l’urbanisme), ils s’affrontent dans un débat de fond sur la question de l’opposabilité des dispositions non règlementaires des cahiers des charges non approuvés qui peuvent avoir pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre les droits à construire.

Les membres de l’Assemblée Nationale prônent la restriction de cette opposabilité au document d’urbanisme par sa subordination au respect d’une formalité de publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi ALUR. Ceux du Sénat défendent, quant à eux, les relations contractuelles librement formées, quitte à maintenir en échec des politiques publiques d’urbanisme.

Tout laisse à penser que c’est au Conseil constitutionnel que reviendra la tâche de trancher ce débat.

IV) Que pouvons-nous dire sur la création des associations foncières urbaines de projet (AFUP) ?

Ici encore, les rédacteurs du projet de loi poursuivent un objectif de densification urbaine.

Selon eux, de nombreuses zones situées tant dans le cœur des agglomérations que dans leur périphérie sont délaissées par les aménageurs, lotisseurs ou constructeurs en raison de la complexité de leur structure foncière (succession de parcelles en « lames de parquet », ou imbrication de parcelles) qui rendent difficile leur aménagement. Plutôt que de laisser aux collectivités le seul choix d’intervenir au besoin par voie d’expropriation, ils ont décidé d’encourager l’association des propriétaires aux fins d’aménager leur terrain.

Il existe actuellement quatre catégories d’association foncière urbaine, les AFU de remembrement-aménagement, de groupement de parcelles, pour ouvrages d’intérêt collectif et de restauration immobilière. Elles peuvent être soit libres, (constituées sans l’intervention de l’administration, par le consentement unanime des associés), soit autorisées (constituées par un acte de l’administration, avec le consentement d’une majorité qualifiée de propriétaires), soit forcées (lorsque les deux premières catégories ne veulent, ou ne peuvent exécuter des travaux d’intérêt général, ou s’il est impossible de constituer une AFU libre ou autorisée).

L’AFU autorisée présente ce double intérêt de permettre à la fois aux collectivités de travailler avec les propriétaires privés pour valoriser certains secteurs en complément des projets urbains qu’elles réalisent sous leur maîtrise d’ouvrage, et aux propriétaires de valoriser eux-mêmes leur terrain.

Pour encourager son utilisation, le législateur s’appuie sur les principes qui la commandent pour créer l’AFUP (articles L. 322-12 à L. 322-16 du Code de l’urbanisme) dont il veut faire un véritable outil de projet associant opération de remembrement et opération d’aménagement, mais aussi d’urbanisme contractuel avec la collectivité.

L’initiative de sa création reviendra aux propriétaires fonciers sous réserve de l’accord de la collectivité ou EPCI compétent en matière de PLU (ou l’État dans le cadre d’une OIN). Ceux-ci pourront également inciter à la création d’AFUP sur un périmètre donné, en fonction du projet urbain qu’elles porteront.

Cette création, le remembrement des parcelles et l’établissement éventuel de prescriptions d’urbanisme complémentaires, feront l’objet d’une unique enquête publique. Par ailleurs, il sera possible de distraire de l’AFUP des terrains vendus lorsque les promoteurs intéressés par leur acquisition ne souhaiteront pas qu’ils restent dans l’AFUP.

Reste à savoir si les efforts déployés par le législateur (l’article 77 du projet de loi ALUR n’a pas fait l’objet de discussion devant les assemblées) seront suffisant pour donner, enfin, à l’AFU la place de choix parmi les outils de l’urbanisme opérationnel qu’elle n’a pas su conquérir jusqu’ici.

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[1] Je relèverai toutefois que, de façon surprenante, la convention de PUP « de premier rang » peut porter sur des équipements publics d’infrastructure et de superstructure, tandis que celles de « rangs successifs » ne semblent pouvoir avoir trait qu’à des équipements publics d’infrastructure

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