Loi ALUR et documents d’urbanisme

Isabelle CassinIsabelle Cassin
GENESIS AVOCATS

1) Quelles sont les principales évolutions en matière de planification à attendre de la loi ALUR ?

Les documents de planification que sont le SCOT et le PLU sont appelés à évoluer, tant sur la forme que sur le fond.

Concernant les SCOT, les changements les plus notables me paraissent porter sur le périmètre qui ne pourra plus coïncider avec le périmètre d’un seul EPCI à compter du 1er juillet 2014, et la compétence, étendue aux syndicats mixtes dits « ouverts » afin de faciliter au maximum l’élaboration des SCOT.

Les PLU font l’objet de nombreux ajustements, sur la compétence tout d’abord, qui sera transférée aux intercommunalités (communautés de communes et communautés d’agglomération) dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi, avec une minorité de blocage (au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population).

La structure du PLUi tenant lieu de PLH et de PDU est clarifée : les OAP seront recentrées sur les dispositions ayant un impact sur l’urbanisme et l’aménagement, comme c’était le cas dans la loi SRU, et la loi crée une nouvelle composante : le programme d’orientation et d’actions (POA), qui intégrera le volet transports et déplacements et le volet habitat. Les bilans périodiques des PLU évoluent également : il n’y a plus de distinction selon que le PLU a fait l’objet, ou non, d’une évaluation environnementale. L’analyse des résultats de l’application du PLU devra être faite tous les neuf ans, au plus tard, durée ramenée à six ans lorsque le PLU tient lieu de PLH avec un bilan intermédiaire à l’échéance triennale.

Sur le fond, on retiendra peut-être surtout la réécriture de la nomenclature du règlement avec, finalement, la suppression du COS et de la possibilité de fixer une superficie minimale des terrains constructibles, la loi ALUR parachevant ici la loi SRU, mais également avec de nouvelles possibilités comme la fixation d’une part minimale de surfaces non imperméabilisées ou éco-aménageables, afin de contribuer au maintien de la biodiversité et de la nature en ville, dans la droite ligne des lois Grenelle.

Pour lutter contre l’étalement urbain, les possibilités d’ouverture à l’urbanisation d’une zone par modification du PLU sont désormais encadrées : il faudra justifier de l’utilité de cette ouverture au regard des capacités d’urbanisation encore inexploitées dans les zones déjà urbanisées et la faisabilité opérationnelle d’un projet dans ces zones. Il faut enfin relever la caducité programmée des POS au 31 décembre 2015, sauf lorsqu’une procédure de révision a été engagée avant cette date et menée à terme dans les trois ans de la publication de la loi.

2) Quels sont les nouveaux enjeux pour les acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement et comment est-elle accueillie ?

Pour les acteurs de la planification, l’enjeu le plus aigu à l’échéance 2017 sera probablement celui du choix, ou du refus, du PLU intercommunal, pour les collectivités qui ont la possibilité légale d’exercer ce choix, ce qui n’est pas le cas des communes intégrées dans une communauté urbaine ou une métropole.

Un autre enjeu, de fond, réside dans la lutte contre l’étalement urbain et la consommation excessive des espaces naturels, agricoles et forestiers, objectif assigné aux acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement depuis la loi SRU et les lois Grenelle, renforcé par la loi ALUR. Il s’agit notamment de réussir le pari de la construction de logements pour répondre aux besoins de la population, tout en limitant les consommation de l’espace, ce qui implique une analyse fine des capacités de densité et de mutation des espaces bâtis et une politique d’urbanisme et foncière volontariste.

Ce pari nous semble ne pouvoir être pleinement gagné que si cet objectif se poursuit dans le respect du contexte urbain, quel qu’il soit, ce que la loi ALUR précise par le fait de « tenir compte des formes urbaines et architecturales ». Ce qui pose notamment la question de l’acceptabilité sociale de la densité et de ses conditions pour qu’elle soit un facteur d’urbanité. À l’exception de la problématique du PLU intercommunal, qui a fait l’objet d’un vif débat parlementaire, les dispositions de la loi ALUR sur la planification semblent plutôt bien accueillies, ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où le législateur s’est inscrit ici dans la continuité des lois SRU et Grenelle. Même la suppression du COS et des superficies minimales de terrain constructibles, sujet qui fut âprement discuté devant les assemblées lors du vote de la loi SRU, apparaît finalement consensuelle.

3) Comment le rôle du SCOT est-il renforcé ? En quoi a-t-il un rôle intégrateur ?

Le rôle du SCOT se trouve indirectement renforcé par la réécriture de l’article L.122-2 du Code de l’urbanisme qui confère des effets plus drastiques à l’absence de SCOT sur un territoire. Dans les communes concernées, non seulement les zones naturelles ne pourront être ouvertes à l’urbanisation, mais également les zones agricoles. Il en ira de même des secteurs situés en dehors des « parties actuellement urbanisées » des communes qui ne sont pas couvertes par un document d’urbanisme, la loi ALUR comblant ici un vide juridique.

Par ailleurs, il ne pourra être délivré d’autorisation d’exploitation commerciale dans les zones rendues constructibles après l’entrée en vigueur de la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 (et non plus seulement dans les zones à urbaniser ouvertes à l’urbanisation après cette date). L’absence de SCOT sera donc plus pénalisante. D’un autre côté, les dérogations seront probablement plus difficiles à obtenir et il faudra consulter la commission départementale de la consommation des espaces agricoles.

On peut également relever que la loi ALUR s’inscrit dans la ligne des lois SRU et Grenelle II quant au rôle intégrateur du SCOT, qui se trouve conforté. Le SCOT devra transposer les dispositions pertinentes des chartes des parcs naturels régionaux et leurs délimitations cartographiques à une échelle appropriée, afin de permettre leur déclinaison dans les PLU et les cartes communales.

Un nouveau lien est créé par la loi ALUR entre le schéma régional des carrières et le SCOT, que ce dernier devra « prendre en compte », à l’instar du schéma régional de cohérence écologique. D’une manière générale, l’obligation de mise en compatibilité d’un PLU ou d’une carte communale avec un SCOT approuvé postérieurement se trouve considérablement accélérée dans sa mise en œuvre : elle passe de trois à un an. Les nouvelles orientations d’un SCOT devront donc être intégrées très rapidement, si elles n’ont pas été anticipées, au risque, à défaut, de fragiliser la légalité d’un PLU ou de la carte communale et, par ricochet, les opérations d’aménagement et de construction.

4) Que pensez-vous de l’évolution du PLU en PLUi ? En quoi est-ce une opportunité à saisir pour les collectivités locale ?

À l’heure du renforcement de l’intercommunalité opérée par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, cette évolution apparaît plutôt naturelle.

Au 1er janvier 2014, d’après les chiffres de la DGCL, il ne reste plus que quarante-neuf communes isolées en France, dont quarante et une situées dans la petite couronne parisienne et ayant vocation à intégrer la métropole du Grand Paris.

Le PLUi se présente donc comme l’outil de planification des structures déjà existantes. Il permet de mener une réflexion sur les enjeux du territoire à une échelle pertinente, particulièrement pour les transports, les équipements, les continuités écologiques. Il permet aussi de mutualiser les ressources en ingénierie et les moyens financiers, ce qui n’est pas négligeable compte tenu de la relative complexité du document et des enjeux multiples qu’il doit hiérarchiser et traduire. La solution de compromis trouvée en Commission mixte paritaire sur la minorité de blocage ménage la volonté des élus qui voudraient néanmoins rester dans le cadre du PLU communal.

Pour plus d’informations sur le sujet, retrouvez Isabelle Cassin lors de notre formation Réforme de l’urbanisme les 20 et 21 mai à Paris

2 Commentaires

  • Bonjour
    Dans le sud-est, nous sommes confrontés à une réponse particulière de certaines communes qui ont adopté un PLU, mais considèrent que les mesures de suppression de COS par exemple ne leur sont pas applicables (ces communes disent que leur PLU est en fait toujours un POS).
    Exemple ville de Cassis (bouches du rhône).
    Voir http://www.cassis.fr/cadre-de-vie/lurbanisme/le-plan-doccupation-des-sols/
    Ce document a été révisé en 2005 (donc après la publication de la loi SRU) et sur chaque page on peut lire l’entête « PLU », mais malgré cela la ville considère que c’est toujours un POS…

    Y a t-il des critères objectifs pour savoir si la commune est en droit d’argumenter juridiquement de la sorte, ou si elle ne fait que participer à la tendance très généralisée des petites communes de notre région qui majoritairement font tout pour que la densification des centre urbains prévue par la loi au niveau national ne s’applique pas chez eux?
    Dans ce cas, il faudra certainement prévoir de les forcer par des actions juridiques. Ces communes maintiennent un déséquilibre important entre offre et demande (offre insuffisante) et un marché de l’immobilier artificiellement haut. Et après on s’étonne que le logement soit cher en France…
    Par avance merci

  • Bonjour,

    Question d’interprétation d’une disposition de la loi ALUR.

    Les POS deviennent caducs à compter du 1er janvier 2016. Toutefois, l’article L123-9 CU prévoit que « lorsqu’une procédure de révision du plan d’occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction en vigueur avant la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d’être achevée au plus tard trois ans à compter de la publication de cette même loi. »

    Peut-on en déduire que le choix est offert d’ALUR-iser ou non le PLU lorsqu’il résulte d’une révision du POS ?

    Peut-on en déduire que le délai de 3 ans pour approuver la révision du POS ne s’applique que dans le cas où le PLU n’est pas ALUR-isé ? qu’il n’y a donc pas de limite de temps pour approuver la révision ALUR-isée ?

    La doctrine (y compris la fiche explicative du ministère sur la caducité des POS) ne semble pas faire cas de ces questionnements et le délai d’approbation est généralisé sans se poser la question de ALUR-isé ou non. Pourtant, la tournure de l’article ne peut être occultée.

    Merci de me donner votre analyse sur ce point.

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