Quid de l’indemnisation des désordres exclus du contrat d’assurance construction !

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Immobilier – Assurance construction – Désordres exclus du contrat – Contrats de police d’assurance – Garantie décennale –

Civ 3e, 15 septembre 2016, n° 12-26.985

La troisième chambre civile de la Cour de cassation a considéré au sein de son arrêt du 15 septembre 2016 que la garantie décennale d’un ouvrage pouvait exclure certains désordres susceptibles de rendre l’immeuble impropre à sa destination.

En effet, la Cour estime qu’un contrat d’assurance, comprenant une clause d’exclusion de la garantie pour un type de dommage spécifique, ne peut entraîner l’indemnisation du maître d’ouvrage suite à la réalisation du désordre en question.

La Cour de cassation applique strictement la convention conclue entre les cocontractants.

Fiche récapitulative de l’application des garanties décennale et biennale du constructeur de l’ouvrage

L’application de la garantie décennale

Article 1792 du Code civil :

« Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère. »

Article 1792-2 du Code civil :

« La présomption de responsabilité établie par l’article 1792 s’étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.

Un élément d’équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l’un des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »

L’ouvrage  

Le terme d’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du Code civil désigne la globalité d’une construction de caractère immobilier avec tous ses éléments constitutifs et d’équipement. Les éléments constitutifs sont ceux qui assurent l’ossature, la viabilité, les fondations, le clos et le couvert :

Les ouvrages de viabilité : les ouvrages de voiries et réseaux divers (VRD) dont la destination est la desserte privative du bâtiment (notion d’accessoire du bâtiment).

Les ouvrages de fondation : les éléments qui assurent le report au sol des charges nouvelles apportées par le bâtiment,

Les ouvrages d’ossature : les parties du bâtiment qui ont été conçues pour recevoir et transmettre aux fondations les efforts dus aux charges de toute nature,

Les ouvrages de clos et de couverts : les ouvrages fixes ou mobiles qui offrent une protection au moins partielle contre les agressions des éléments naturels extérieurs.

Les éléments d’équipement indissociables sont les ouvrages indissociablement liés aux éléments constitutifs, de manière telle que l’on ne peut détruire les uns sans endommager les autres (exemple : canalisation encastrée, chape de béton…)

Les éléments d’équipement dissociables sont les ouvrages que l’on peut détruire sans endommager les éléments constitutifs (exemple : cloison amovible, faux plafonds, porte…).

Les dommages garantis 

L’article L 242-1 du Code des assurances indique que le maître de l’ouvrage doit souscrire une assurance qui le prémunit contre les dommages de la nature de ceux dont sont notamment responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1 du Code civil.

Les dommages qui compromettent la solidité des ouvrages constitutifs de l’opération de construction. L’atteinte à la solidité de l’ouvrage implique un désordre d’une gravité certaine. Le juge judiciaire exige qu’il mette en péril la conservation de l’ouvrage. La garantie des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Les dommages affectant lesdits ouvrages dans l’un de leurs éléments constitutifs ou l’un de leurs éléments d’équipements les rendent impropres à leur destination. La notion d’impropriété doit être appréciée au regard de la première destination de l’ouvrage que lui assignaient les parties.

Les dommages qui affectent la solidité de l’un des éléments d’équipements indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couverts, au sens de l’article 1792-2 du Code civil.

Critère d’indissociabilité des équipements 

Les éléments d’équipement se divisent, d’une part, en élément d’équipement dissociable et d’autre part, en élément d’équipement indissociable. Cette distinction n’a d’intérêt que lorsqu’un tel élément est affecté dans sa solidité et l’article 1792-2 du Code civil étend la garantie décennale aux dommages affectant la solidité des éléments d’équipement indissociables de l’ouvrage.

Ainsi, la garantie décennale a vocation à s’appliquer :

En cas d’atteinte à la solidité d’un élément d’équipement mais seulement si cet élément d’équipement est indissociable (CA Paris, 16 mars 2001, n° 2000/18082)

En cas de vice affectant un élément d’équipement (dissociable ou indissociable) qui rend l’ouvrage impropre à sa destination (CA Rouen, 6 décembre 2007, n° 05/2319).

En cas de vice rendant un élément d’équipement impropre à sa destination si, et seulement si, cet élément d’équipement, installé sur un existant, est lui-même considéré comme un ouvrage (CA Versailles, 17 décembre 2012, n° 11/03095).

Le cas spécifique de l’ouvrage rendu impropre à sa destination 

Les désordres qui affectent la solidité ou le bon fonctionnement des éléments d’équipements de l’ouvrage relèvent de la garantie décennale lorsque ces éléments sont indissociables des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Lorsque les éléments sont dissociables, seule la garantie biennale est applicable.

Cependant, les dommages qui affectent les éléments d’équipement ou les éléments constitutifs d’un ouvrage et le rendent impropre à sa destination relèvent de la garantie décennale. Le fait que l’élément d’équipement soit dissociable ou non n’a pas d’importance. Dès lors que l’ouvrage est impropre à sa destination la garantie décennale est encourue, que le dommage soit un élément constitutif ou un élément d’équipement.

La Cour de cassation admet l’impropriété à la destination de l’ouvrage en cas d’accident ou de risque d’accident pour les personnes ex : risque pour les circuits électriques de sorte qu’il existe un danger pour les usagers du parc de stationnement (électrocution).

L’atteinte à la sécurité des personnes dispense de toute discussion sur une éventuelle atteinte à la solidité de l’immeuble du fait d’une réalisation du risque (qui à la fois détruirait l’immeuble et causerait des dommages aux personnes).

L’impropriété à destination connaît cependant des limites, se situant  au plan de la gravité/généralisation des désordres : le simple inconfort n’est pas pris en compte par exemple. Ainsi, le juge judiciaire estime que les désordres affectant une installation de climatisation, prévue en option, qui n’entraînaient un inconfort qu’en période estivale, ne rendaient pas l’ouvrage impropre à sa destination (Civ 3ème, 10 mai 2007, n° 06-12467). De même pour le sous-dimensionnement d’une pompe à chaleur qui n’affectait que les conditions de confort de l’occupation de certaines parties de l’habitation (Civ 3ème, 10 janvier 2012, n° 11-11172).

De plus, toute défaillance ou vice d’un élément d’équipement est de nature à entrer dans le champ de l’article 1792, dès lors que l’impropriété à destination causée par le désordre ou le dysfonctionnement de l’équipement affecte l’ouvrage dans sa globalité. Autrement dit, l’ensemble de l’ouvrage doit être affecté, et non pas seulement la destination ou la conformité de l’équipement lui-même, si grave soit-elle.

Il est important de noter que la notion d’impropriété à la destination n’étant pas clairement définie, chaque situation doit être appréciée au cas par cas. Les juges apprécieront la gravité des dommages qui leur sont soumis et cette appréciation comporte une large part de subjectivité.

 

L’application de la garantie biennale

Article 1793-3 du Code civil :

« Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception. »

A défaut de l’application de la garantie décennale, on applique la garantie biennale qui impose à l’entrepreneur de réparer ou remplacer, pendant une durée minimale de 2 ans après la réception, tout élément d’équipement qui ne fonctionne pas correctement,

La garantie de parfait achèvement qui impose à l’entrepreneur de réparer tous les désordres (vices cachés et défaut de conformité) signalés au cours de l’année qui suit la réception des travaux, quelles que soient leur importance et leur nature.

Les équipements qui font l’objet de la garantie de bon fonctionnement sont définis par opposition aux éléments d’équipement de l’ouvrage qui font eux-mêmes l’objet de la garantie décennale. C’est le sens de la formule « les autres éléments d’équipement de l’ouvrage » de l’article 1792-3 du Code civil. Ce sont donc les équipements atteints d’un dommage qui affecte un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage, le dommage ne devant porter atteinte ni à la solidité ni à la destination de l’immeuble.

La notion d’élément dissociable est définie comme étant un élément dont la dépose, le démontage ou le remplacement peut s’effectuer sans détérioration enlèvement de matière de l’ouvrage.

La Cour de cassation juge cependant que « la garantie de bon fonctionnement d’une durée de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage ne concerne pas les éléments d’équipement dissociables seulement adjoints à un ouvrage existant » (Civ 3ème, 10 décembre 2003). Dans ce cas c’est la responsabilité contractuelle classique qui doit être appliquée.

La durée de la garantie biennale 

Le délai légal de deux ans est d’ordre public, à ce titre, il peut être allongé contractuellement, mais il ne peut pas être réduit. Une articulation entre la garantie de bon fonctionnement et la garantie décennale est donc possible.

Si l’élément est dissociable et que le désordre qui l’affecte rend l’ouvrage impropre à sa destination, la garantie décennale est engagée.

Si le désordre a pour effet de porter atteinte à la solidité de l’élément d’équipement seulement, et que l’élément est indissociable, alors l’action relèvera de la garantie décennale en application de l’article 1792-2 du Code civil.

L’application stricte de la garantie biennale 

Si le désordre n’a pas pour effet de porter atteinte à la solidité de l’élément d’équipement ou à la destination de l’immeuble, et que l’élément est indissociable, alors l’action relèvera de responsabilité contractuelle (dommage intermédiaire).

Si l’élément est dissociable et que le désordre a pour effet de porter atteinte à la solidité de cet élément et plus généralement à son fonctionnement, c’est la garantie biennale de bon fonctionnement qui doit être invoquée.

Si le désordre atteint un élément d’équipement qui n’est pas destiné à fonctionner ou ne relève pas du régime de la garantie de bon fonctionnement, c’est la responsabilité contractuelle qui est en cause.

Si les désordres ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendent impropre à sa destination, affectant un élément dissociable de l’immeuble, non destiné à fonctionner ils relèvent de la garantie de droit commun (Civ 3ème, 11 septembre 2003).

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