Focus sur les Journées du BJDU

Laura Ceccarelli-Le GuenLaura Ceccarelli-Le Guen
Avocat associé
DS Avocats

1) Quelles sont les conséquences des récentes réformes en matière de participation du public sur les autorisations d’urbanisme et l’aménagement ?

La réforme des procédures de participation du public a été engagée par la publication, le 21 avril 2016, de l’ordonnance n°2016-488 et du décret n°2016-491 créant une procédure de consultation locale des électeurs pour les projets d’infrastructures ou d’équipements susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

Cette consultation locale, qui peut être organisée alors même que toutes les autorisations requises ont déjà été obtenues, fait peser une épée de Damoclès sur les projets d’envergure fortement contestés.

En effet, même si l’issue de la consultation n’est pas juridiquement contraignante, elle ouvre la possibilité à l’État, soit de confirmer son choix et de mettre en œuvre le projet, soit d’y renoncer (CE, 20 juin 2016, req. n°400364).

En outre, même dans l’hypothèse où le vote s’avère finalement favorable au projet, comme cela a été le cas pour la consultation sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (décret n°2016-503 du 23 avril 216), il ne permet pas forcément de mettre fin à la contestation.

La réforme des procédures de participation du public s’est poursuivie avec la publication de l’ordonnance n°2016-1060 du 3 août 2016, avec notamment pour objectifs de simplifier les procédures de participation du public, d’assurer leur effectivité et d’améliorer la transparence du processus d’élaboration des projets.

Elle entrera en vigueur à une date fixée par décret (non paru à ce jour), au plus tard le 1er janvier 2017, pour les procédures de participation engagées à compter de cette date.

Elle fixe les objectifs de la participation du public à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement (améliorer la qualité de la décision, assurer la préservation d’un environnement sain, sensibiliser et éduquer le public, améliorer et diversifier l’information environnementale) et confère des droits nouveaux au public (accéder à des informations pertinentes, demander la mise en œuvre d’une procédure de participation, disposer d’un délai raisonnable pour formuler des observations, être informé de la manière dont il en a été tenu compte).

Elle renforce la participation en amont (élargissement du champ du débat public et des pouvoirs de la Commission Nationale du Débat Public, encadrement de la procédure de concertation préalable…).

La principale innovation à ce stade est la création d’un droit d’initiative citoyenne auprès du préfet afin de solliciter l’organisation d’une concertation préalable pour les projets publics dont le montant prévisionnel est supérieur un montant fixé par décret, ou les projets privés recevant des subventions publiques supérieures à ce montant, qui devront faire l’objet d’une déclaration d’intention. La publication prochaine du décret d’application permettra sans doute de mieux cerner la portée de ce nouveau dispositif, dont la mise en œuvre risque de s’avérer complexe.

Enfin, elle modernise la participation en aval du processus décisionnel (dématérialisation des procédures, modernisation des enquêtes publiques, regroupement des procédures de participation du public…).

2) Quelles sont les incidences de la réforme des évaluations environnementales ?

L’ordonnance n°2016-1059 du 3 août 2016 et le décret n°2016-1110 du 11 août 2016, qui ont pour objectifs de simplifier et clarifier le régime des évaluations environnementales, d’améliorer l’articulation entre les procédures et d’assurer la conformité du droit français au droit de l’Union européenne, modifient de façon notable les évaluations environnementales des projets, plans et programmes.

Les définitions figurant dans la directive 2011/92/UE modifiée par la directive 2014/52.UE sont intégrées dans le Code de l’environnement, en particulier la notion de « projet » qui se substitue à celle de « programme de travaux ».

Le champ d’application de l’évaluation environnementale des projets (l’expression « étude d’impact » étant désormais limitée au rapport d’évaluation des incidences) est sensiblement modifié, avec une approche par projet et non plus par procédure et une augmentation notable des projets soumis à procédure de cas par cas, au lieu d’une évaluation environnementale systématique (ex : la plupart des autorisations ICPE). Pour les travaux, constructions et opérations d’aménagement, l’évolution est encore plus notable : s’ils continuent à être soumis à évaluation environnementale au cas par cas ou de façon systématique en fonction de critères liés à la surface de plancher et à la superficie de leur terrain d’assiette, ils peuvent désormais y échapper lorsqu’ils constituent les composantes d’un projet ayant fait l’objet d’une étude d’impact ou en ayant été dispensé à l’issue d’un examen au cas par cas (peu importe que le document d’urbanisme ait, ou non, fait l’objet d’une évaluation environnementale). Cette possibilité de dispense était très attendue des aménageurs, lotisseurs et constructeurs

Les nouveaux textes apportent également d’intéressantes précisions lorsque le projet relève de plusieurs rubriques, qu’il est modifié ou étendu, qu’il fait l’objet d’autorisations successives impliquant d’actualiser l’évaluation environnementale…

Ils renforcent de façon notable le contenu de l’étude d’impact, avec notamment l’obligation de décrire un scénario de référence et un aperçu de l’évolution probable de l’environnement en l’absence de mise en œuvre du projet, ainsi que la prise en compte de la vulnérabilité du projet au changement climatique et à des risques d’accidents ou de catastrophes majeurs.

Ils rappellent que les mesures compensatoires doivent apporter une contrepartie directe aux incidences négatives notables du projet qui n’ont pas pu être évitées ou suffisamment réduites, être mises en œuvre en priorité sur le site affecté ou à proximité, permettre de conserver globalement – et si possible – améliorer la qualité environnementale des milieux et faire l’objet d’un suivi de leur réalisation et de leurs effets.

Les projets soumis à évaluation environnementale doivent désormais être autorisés par une décision motivée, y compris ceux relevant d’un régime déclaratif ou dispensés de toute formalité, qui devront faire l’objet d’une décision prise dans un délai de neuf mois.

Enfin, des procédures communes et coordonnées sont créées afin de permettre de rationnaliser les procédures.

Trois hypothèses sont envisagées : la procédure unique des plans/programmes et des projets, qui peut être soit commune (lorsqu’une seule procédure de consultation, notamment l’autorité environnementale, et de participation du public portant sur le plan/programme et le projet est organisée) soit coordonnée (lorsque l’évaluation environnementale réalisée au titre du plan/programme peut valoir, dans certaines conditions, pour le projet) ; la procédure commune de plusieurs projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante ; la procédure commune d’évaluation environnementale d’un projet et de la modification d’un plan/programme ou de la mise en compatibilité d’un document d’urbanisme.

Ces nouvelles dispositions confèrent ainsi une plus grande souplesse au champ d’application de l’évaluation environnementale, très attendue des porteurs de projets publics et privés, tout en renforçant le contenu même de l’évaluation environnementale lorsqu’elle s’avère nécessaire.

La principale difficulté de cette réforme réside, selon nous, dans ses conditions d’entrée en vigueur.

La lecture combinée de l’ordonnance et du décret conduit en effet à identifier six dates d’entrées en vigueur successives (1er septembre 2016 pour les plans et programmes ; 1er janvier 2017 pour les projets relevant d’un examen au cas par cas ; 1er février 2017 pour les projets faisant l’objet d’une évaluation systématique pour lesquels l’autorité compétente est le maître d’ouvrage ; 16 mai 2017 pour ces mêmes projets lorsqu’ils nécessitent une autorisation délivrée par une autorité compétente distincte du maître d’ouvrage ; 15 août 2016 pour les cas n’entrant dans aucun de ceux qui précèdent ; 1er janvier 2018 pour l’obligation de mettre l’étude d’impact et les données environnementales à disposition pendant quinze ans), et soulève déjà de nombreuses interrogations, source d’insécurité juridique.

 3) Quels sont les enjeux des Journées du BJDU des 5 et 6 décembre 2016 faisant un panorama de toute l’actualité 2016 du droit de l’urbanisme ?

Depuis le 1er janvier 2016, outre les réformes des procédures de participation du public et des évaluations environnementales évoquées ci-dessus, de nombreuses évolutions sont entrées en vigueur : refonte du Livre Ier du Code de l’urbanisme, modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, définition des modalités de concertation préalable aux projets soumis à permis de construire ou d’aménager, réforme de l’autorité environnementale, modification des conditions de mise en concurrence des concessions d’aménagement…  L’objectif affiché de ces réformes est de faciliter la mise en œuvre des projets d’aménagement et d’urbanisme, tout en assurant leur sécurité juridique, notamment au regard des directives européennes. Mais cette profusion de textes nouveaux crée une certaine instabilité juridique.

En outre, comme tous les ans, la jurisprudence en matière d’urbanisme a été particulièrement abondante.

Les porteurs de projets publics et privés doivent bien appréhender ces nouveautés pour pouvoir en tirer le meilleur parti et sécuriser leurs procédures : tel est précisément l’objet des Journées d’actualité du BJDU !

Pour plus d’informations, retrouvez Laura Ceccarelli-Le Guen lors des Journées du BJDU les 5 et 6 décembre à Paris.

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