Le titre I du projet de loi Elan : l’urbanisme et l’aménagement enrichis et assouplis

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Au mois de septembre 2017, le gouvernement avait présenté sa stratégie pour le logement, annonçant un nouveau texte d’ici la fin de l’année. Chose promise, chose due, un avant-projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dit ELAN) a été présenté le 12 décembre 2017.

Jusqu’au 8 février dernier, ce texte a ensuite été soumis à une conférence de consensus, première en son genre, associant les parties prenantes, les élus locaux, les parlementaires des deux chambres et le gouvernement[1].

Le gouvernement s’est ainsi nourri des propositions issues de cette conférence et a élaboré un nouveau texte, qu’il a transmis au Conseil d’État la semaine dernière.

On retrouve dans cette dernière mouture l’ensemble des objectifs de la stratégie logement annoncée à la rentrée et, plus particulièrement, la recherche de l’encouragement de l’acte de construire, par la création de nouveaux outils, par la simplification des normes et par la facilitation de la libération du foncier public.

Le premier titre de ce projet de loi est ainsi explicitement intitulé « Construire plus, mieux et moins cher ». Comment atteindre cet objectif ? Les mesures évoquées sont diverses.

De nouveaux outils pour une plus grande implication de l’État dans les opérations d’aménagement

Tout d’abord, est inventé un nouveau type de contrats dits de « projets partenarial d’aménagement » (ci-après PPA), conclus entre l’État et l’EPCI compétent. L’idée sous-jacente est de passer d’une logique de procédures à une dynamique de coopération au service des projets. Néanmoins, le texte ne précise nullement ce qu’on pourra y trouver. Seules sont mentionnées les possibilités que les communes concernées et d’autres collectivités ou sociétés publiques ou privées puissent signer ces contrats.

De nouveaux types d’opérations d’aménagement sont également créés, les grandes opérations d’urbanisme (ci-après GOU), qui correspondent à des opérations dont la dimension ou les caractéristiques nécessitent un engagement conjoint de l’État et de l’EPCI compétent, qui sera inscrit dans le projet partenariat d’aménagement sus-évoqué. À l’intérieur de ces GOU, le Président de l’EPCI sera compétent pour délivrer les autorisations d’occuper le sol et la création des opérations d’aménagement serait réputé d’intérêt communautaire. Un autre intérêt de ces GOU est la possibilité laissée aux communes de confier la réalisation d’équipements publics relevant de sa compétence à l’EPCI à l’initiative de l’opération, lequel assurera l’entière maitrise d’ouvrage des travaux. Plus encore, si un équipement public est requis au sein de cette GOU, mais que la commune compétente refuse de le réaliser, l’EPCI pourra s’affranchir de son accord et en assurer la maîtrise d’ouvrage, après avoir reçu l’accord du préfet.

Les opérations d’intérêt national, déjà connues et reconnues, font également l’objet d’une définition bienvenue, qu’on attendait depuis longtemps. Si elle ne révolutionne rien, son existence, ainsi que le regroupement des dispositions les concernant au sein d’une sous-section, permettent de mieux en discerner les contours.

Encore assez flous, ces nouveaux outils vont en tout cas clairement dans le sens d’une plus grande implication de l’État dans l’aménagement de son territoire. Ce retour de l’État aménageur était déjà visible dans la loi relative au statut de Paris créant la nouvelle SPLA-IN (Loi n 2017-257). Il l’est sans ambiguïté dans l’actuel projet de loi. Notons à cet égard la possibilité désormais ouverte aux EPA et à Grand Paris Aménagement d’intervenir en dehors de leur périmètre de compétence, par exemple pour conduire les études préalables à la formation des contrats de PPA.

L’allègement à la marge des procédures de ZAC

Le projet de loi prévoit aussi, dans une certaine mesure, un allègement des procédures de ZAC : modulation de la participation des constructeurs au financement des équipements publics ; possibilité que l’ensemble des enquêtes qui portent sur les projets, plans ou programmes d’une ZAC ou d’une GOU soient conduits par une seule et même commission d’enquête ; nécessité que l’étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables soit produite en même temps que l’étude d’impact de l’opération.

Surtout, il prévoit que la modernisation du régime juridique des ZAC sera poursuivie par ordonnances pour accélérer l’aménagement et l’équipement de ces zones et simplifier et améliorer les procédures applicables en leur sein (sont évoqués : l’adaptation des modalités de participation du public, adaptation de la procédure de création, amélioration des dispositifs de financement des équipements publics).

Favoriser la libération et la mobilisation du foncier

Poursuivant cet objectif constant de libération du foncier et en lien avec les nouveaux outils susmentionnés, le projet de loi prévoit la possibilité pour l’État de céder à l’amiable son domaine privé pour contribuer à la mise en œuvre des opérations prévues par un PPA.

Favoriser la transformation de bureaux en logements

L’idée est également de favoriser la réutilisation de bâti disponible à usage de bureaux pour en faire de nouveaux logements en facilitant ces transformations.

Simplifier et améliorer les procédures d’urbanisme

Un autre point important de ce projet de loi reste l’indémodable simplification des normes et des procédures d’urbanisme. L’idée explicitement mise en avant par le gouvernement est que « l’´État ne doit plus dire aux professionnels tout ce qu’ils doivent faire, mais fixer des objectifs à atteindre et faire confiance à ceux qui construisent ». Le texte prévoit ainsi diverses mesures en ce sens, sans toutefois rien révolutionner.

En termes de planification, il est prévu de mettre un terme à l’applicabilité des POS remis en vigueur par l’effet de l’annulation d’un PLU au bout d’un an après celle-ci et d’interdire toute possibilité d’évolution de ce POS pendant ce délai (alors que jusqu’ici, ces POS revenus à la vie pouvaient faire l’objet d’une révision pendant un délai de deux ans suivant la décision d’annulation). Deux séries d’ordonnances sont également prévues pour prendre toute mesure de nature législative : propre à la simplification des dispositions relatives aux obligations de compatibilité et de prise en compte des documents d’urbanisme (notamment, la réduction des documents opposables aux SCOT et aux PLU et les conditions de cette opposabilité) ; visant à clarifier et simplifier le régime juridique des schémas d’aménagement régional des régions d’outre-mer du code général des collectivités territoriales.

En termes d’autorisations de construire, certaines dispositions sont spécifiques aux projets nécessitant un avis de l’ABF. À cet égard, il doit être constaté la modification, non anodine, consistant à ce que le silence gardé par l’autorité administrative, saisie par l’autorité compétente pour délivrer les permis qui est en désaccord avec l’ABF, ait pour conséquence d’approuver ce désaccord (jusqu’ici, ce silence valait rejet – Voir L. 632-2 Code du patrimoine).

Une disposition a été beaucoup mentionnée : celle exigeant que seules les pièces nécessaires à l’instruction de la demande d’autorisation de construire puissent être sollicitées par l’autorité compétente. Elle paraît néanmoins superfétatoire, la jurisprudence étant absolument constante sur ce point depuis la réforme des autorisations de 2007, sans ambigüité.

En outre, le gouvernement s’engage pleinement dans la dématérialisation – nécessaire et attendue – des demandes et de l’instruction des permis de construire. Elle devra être effective d’ici le 1er janvier 2022 pour les communes dont la population est supérieure à un seuil qui sera défini par décret.

La question du droit de visite fait également l’objet de modifications importantes. Ce droit voit notamment sa durée augmenter significativement puisqu’il pourra désormais être exercé pendant six ans à compter de l’achèvement des travaux. Il se voit également précisé, dans ses modalités d’exercice notamment (horaires, type de lieux visités, cas de refus, etc.).

Améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme

On en arrive à l’un des points souvent évoqués comme problématique dans l’acte de construire : le contentieux de l’urbanisme. Le traitement de ce contentieux serait le mouton noir des constructeurs, souvent cité comme le véritable frein de la construction de nouveaux logements. Ne seraient ainsi blâmables que les requérants et le juge administratif. Pourtant, le Rapport Maugüé le dit clairement : « Le nombre total de recours représente de 1,2 à 1,6 % des permis » et « 50 % des permis attaqués correspondent à des constructions individuelles ». Les recours contre les permis de construire ne sont donc clairement pas le problème majeur. Néanmoins, l’attaque est facile et ce projet de loi va dans le sens d’une énième modification de ce contentieux.

Sont ainsi inventées de nouvelles obligations pour le requérant, charge à lui de s’accompagner d’un bon avocat : obligation de produire tout document permettant d’apprécier son intérêt pour agir ; obligation de confirmer le maintien de sa requête en annulation en cas de rejet de son recours en référé- suspension pour défaut de moyen propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, à défaut de quoi il sera réputé s’être désisté ; possibilité d’assortir sa demande en annulation d’une demande de suspension des effets de la décision limitée à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens ; possibilité de ne contester un permis modificatif que dans le cadre de l’instance initiée contre le permis initial.

Le juge administratif se voit également assigner une nouvelle obligation tenant à la motivation de son refus de prononcer une annulation partielle ou un sursis à exécution.

Par ailleurs, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme permettant au juge administratif de sanctionner les requérants ayant abusé de leur droit au recours est modifié pour en permettre l’assouplissement et faciliter la condamnation. Le préjudice ne serait plus soumis à l’exigence d’être excessif. En outre, seraient désormais concernés les recours qui « traduisent un comportement abusif » de la part des requérants (alors qu’auparavant il fallait que leur comportement ait excédé la défense de leurs intérêts légitimes). La nuance est mince et, si le texte est voté en l’état, le juge administratif devra faire œuvre de la plus grande attention pour définir les contours de cette nouvelle notion.

On notera enfin que, si les associations de protection de l’environnement sont présumées ne pas adopter de comportement abusif, il sera vérifié que les transactions qu’elles concluent n’ont pas pour contrepartie de somme d’argent.

En conclusion, la lecture de ce premier titre montre le retour de l’État aménageur, certes, mais dénote également l’encouragement à faire travailler ensemble les différents acteurs de l’aménagement, qu’ils soient publics ou privés, afin d’œuvrer dans le sens des projets. Peu de nouvelles obligations pour ces acteurs, mais de nouveaux outils dont ils peuvent se saisir s’ils le souhaitent. On peut également saluer la volonté de favoriser l’information des citoyens par la généralisation progressive de la dématérialisation des actes et des procédures. En revanche, les modifications apportées au contentieux de l’urbanisme apparaissent compliquer une procédure pourtant propre à protéger notre patrimoine, sans toutefois que les effets attendus de cette complexification sur la construction apparaissent véritablement probants.

Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, a annoncé que le texte serait présenté en Conseil des ministres le 4 avril prochain.

[1] Cette conférence a adopté un format original : après une conférence d’ouverture, cinq réunions thématiques, les interventions des 150 participants, 150 contributions écrites et 650 propositions législatives, réglementaires ou opérationnelles – en ligne sur conferenceconsensuslogement.senat.fr.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][ultimate_heading alignment= »left » el_class= »extra-height-bloc-citation » margin_design_tab_text= » »]

Valentine Tessier
Avocat à la Cour

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