50 nuances de PLU

Fabienne CeldranFabienne Celdran
Directrice d’études/Responsable de l’Agence Ile-de-France
CITADIA Conseil

Publié en pleine trêve des confiseurs, le décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du Code de l’urbanisme est venu compléter l’ordonnance du 23 septembre 2015 procédant à la recodification « à droit constant » de la partie législative du Code. Cette modernisation, qui avait pour principale ambition de permettre une plus grande intégration de l’urbanisme de projet dans le PLU, était très attendue par les professionnels de la profession.

Passée la trêve pascale, les premiers mois de mise en application du décret permettent d’établir un premier retour, aussi subjectif que partiel, de la mise en œuvre des nombreuses nouvelles possibilités offertes aux auteurs de PLU, tant en matière de conception du document qu’en matière de rédaction. Si certains l’ont d’emblée jugé insuffisamment ambitieux, le décret du 28 décembre 2015 comporte tout de même nombre d’évolutions réjouissantes qui permettront d’aller plus loin encore dans la formalisation de PLU à forte qualité ajoutée.

Un autre PLU est possible

C’est en particulier en matière d’écriture réglementaire que le législateur a souhaité faire évoluer le PLU, en ouvrant notamment les possibilités suivantes.

Plus aucun article n’est obligatoire : l’obligation de réglementer à tout prix les articles 6 et 7 relatifs à l’implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et aux limites séparatives disparaît donc. Il est vrai qu’elle conduisait parfois à des rédactions pour le moins alambiquées dans les cas où une grande latitude d’implantation des constructions était souhaitée (« Les constructions seront implantées soit à l’alignement, soit en retrait de 0,20 m minimum »…)

Le règlement du PLU peut être organisé (mais ce n’est pas une obligation) selon trois grands axes : destination des constructions, usages des sols et natures d’activité, caractéristiques urbaine, architecturale, environnementale et paysagère et équipement et réseaux. Cette structuration permet ainsi d’exprimer plus clairement pour chaque zone ce que l’on peut faire (plus précisément ce qui est interdit et ce qui est soumis à condition), comment on peut le faire (sous quelles formes et selon quels critères de qualité urbaine au sens large), et à quelles conditions (d’équipement et de réseaux).

Le décret introduit également la possibilité d’une plus grande diversité d’expression de la règle. Il permet ainsi d’exprimer graphiquement les règles (c’est-à-dire de les représenter sur les documents graphiques, par exemple sous la forme de liserés d’implantation des constructions, ou de trames réglementant les hauteurs maximum autorisées). Si le recours à l’expression graphique de la règle n’est pas inédit, le décret permet, en tout cas, d’entériner cette pratique et de lui conférer une valeur juridique indiscutable.

Dans le même esprit, et en vertu du principe qui veut qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours, il est désormais possible de donner une valeur réglementaire aux schémas, jusque-là illustratifs, figurant dans les règlements.

La modalité d’écriture des règles est également assouplie, avec la possibilité de définir des règles qualitatives, exprimant un objectif à atteindre, plutôt que des règles normées (comme par exemple l’obtention d’un alignement visuel, ou le respect de hauteurs cohérentes à l’échelle d’un îlot). Si l’intention est louable et la possibilité offerte très intéressante pour les rédacteurs, il s’agit probablement là d’une des évolutions qui interrogent le plus les instructeurs, dans la mesure où elle conduit à introduire ce qu’on pourrait qualifier de principe de « conformité molle ».

Les constructions sont désormais classées en cinq destinations (exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipements d’intérêt collectif et services publics et autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire) et vingt sous-destinations, en fonction desquelles les règles peuvent être différentiées, au lieu des neuf que nous connaissions jusqu’à présent. Si la volonté de clarification et de précision est appréciable, la nomenclature mise en place soulève néanmoins des interrogations (pourquoi avoir regroupé l’artisanat et le commerce de détail dans une seule et même sous-destination ? Quid des installations de tourisme et de loisirs ?). Rappelons que les définitions de ces destinations et sous-destinations doivent être précisées par un arrêté ministériel, annoncé pour le deuxième semestre 2016. Ce lexique pourra, par ailleurs, être complété et précisé par les rédacteurs des PLU.

Autres possibilités offertes désormais en matière de plus grande adaptabilité des règles : la possibilité d’imposer une mixité de destinations ou de sous-destinations au sein d’une construction ou d’une unité foncière, la possibilité de définir des règles différentes pour le rez-de-chaussée et pour les étages d’une même construction, la possibilité d’établir au sein d’une même zone et d’une même destination ou sous-destination des règles différentes pour les constructions existantes et pour les constructions nouvelles, ou en fonction des dimensions des constructions. Si les possibilités offertes semblent permettre une démultiplication infinie des combinaisons de règles et donc une complexification du dispositif, gageons cependant qu’elles seront utilisées avec discernement, dans des cas spécifiques qui nécessitent un règlement à la carte.

Enfin, dans la logique de la loi ALUR dont il assure la transcription, le décret donne désormais la possibilité d’imposer, une hauteur et une emprise au sol minimum dans des secteurs préalablement délimités, et à la condition expresse de les justifier dans le rapport de présentation.

Pour ce qui concerne les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), le décret introduit une nouvelle possibilité destinée à permettre une plus grande souplesse pour certains secteurs de projet, dont les grandes intentions sont connues, mais susceptibles d’évoluer et d’être affinées, et dont la traduction réglementaire est incertaine. Certaines zones pourront ainsi seulement faire l’objet d’une OAP, dont le contenu minimum est dans ce cas imposé : qualité de l’insertion architecturale, urbaine, paysagère, mixité fonctionnelle et sociale, qualité environnementale et prévention des risques, besoins en stationnement, desserte par les transports en commun et desserte des terrains par les voies et réseaux.

Autrement dit, le décret permet de ne pas réglementer certaines zones, à condition qu’elles fassent l’objet d’une OAP « à valeur réglementaire », instaurant d’une certaine manière cette fois-ci un principe de « compatibilité dure ».

En matière de définition des zones, le décret élargit les possibilités de classement des terrains en zone à urbaniser (AU), puisqu’il supprime le critère de caractère naturel requis jusqu’à présent. Cette possibilité est particulièrement intéressante puisqu’elle permet désormais d’intégrer en zone AU par exemple des secteurs déjà urbanisés, mais nécessitant la mise en place d’une stratégie de reconquête (friches urbaines, industrielles ou commerciales).

La zone naturelle (N) peut, quant à elle, désormais intégrer des secteurs à protéger en raison de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ou de prévenir les risques notamment d’expansion des crues.

En outre, le décret donne désormais la possibilité aux (seuls) PLU intercommunaux de soumettre des zones urbaines (U), à l’exclusion stricte des autres types de zones, au règlement national d’urbanisme (RNU). Cette disposition a été introduite, de l’aveu même du ministère dans une optique de limitation des coûts d’élaboration des documents d’urbanisme à l’échelon intercommunal, en particulier en milieu rural. Peut-être permettra-t-elle également de rassurer certains élus ruraux, inquiets du niveau de contrainte potentiel imposé par un PLUi.

Last but not least, les PLU disposent désormais de possibilités renforcées en matière de prise en compte et de préservation de l’environnement, avec la protection en zone urbaine d’espaces nécessaires aux continuités écologiques (ce dispositif existe aujourd’hui déjà pour des éléments de patrimoine bâti ou naturel par exemple) ou la création d’emplacements réservés spécifiques.

Le coefficient de biotope, quant à lui, permet d’imposer une surface non imperméabilisée ou éco-aménageable minimale et d’introduire des coefficients de pondération par rapport à l’intérêt écologique des différentes surfaces considérées (espaces de pleine terre, espaces sur dalle, toitures végétalisées, murs végétalisés, etc.).

Vers des PLU agiles et créatifs

On le voit, le législateur a ainsi donné la possibilité aux rédacteurs de PLU d’introduire d’infinies nuances et variantes qui vont permettre d’adapter le document d’urbanisme à la diversité des contextes et des projets, et au degré d’avancement des réflexions et des études. Rappelons cependant que la plupart de ces dispositifs ne sont pas obligatoires, et que la possibilité d’un urbanisme très réglementé demeure. Le législateur offre ainsi la possibilité au sein d’un même PLU d’introduire des niveaux de contrainte et d’expression réglementaires très diversifiés en fonction des objectifs recherchés.

Le corollaire de cette plus grande souplesse apportée par le décret dans les niveaux d’encadrement réglementaire reste bien sûr une indispensable technicité dans la réalisation du PLU afin que les nouvelles possibilités offertes n’entraînent pas une inflation des difficultés d’instruction des autorisations d’urbanisme, ni des recours contentieux. En particulier, la rédaction du rapport de présentation, et notamment des justifications des dispositifs réglementaires, devra ainsi à la fois permettre de comprendre les raisons de leur mise en place (grâce à un diagnostic ciblé) et de démontrer leur nécessité (par l’exposé des objectifs recherchés).

Pour plus d’informations sur le sujet, inscrivez-vous au cycle urbanisme et aménagement.

Laisser un commentaire