Les droits de préemption urbain et en ZAD dans la pratique

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La possibilité d’acquérir un bien par préférence à un autre acquéreur existe dans de nombreux domaines, tant au profit de personnes privées sans immixtion de la sphère publique (droit de préemption du locataire d’un local d’habitation, du locataire commercial, d’un preneur à bail rural, du coïndivisaire, établi conventionnellement…) que pour servir l’intérêt général (droit de préemption des baux commerciaux, en zone d’aménagement différé (ZAD), et droit de préemption urbain…).

Nos propos se limiteront aux droits de préemption urbain et en ZAD.

Ces droits de préemption se révèlent des outils pratiques, permettant tout à la fois à la collectivité de s’approprier des biens, et, le cas échéant, de proposer un prix différent pour leur acquisition, avec l’arbitrage du juge de l’expropriation ; ce qui permet in fine une régulation du marché immobilier au niveau local.

On constate un véritable engouement pour cet outil depuis plusieurs années. Chaque grande loi contenant un volet en urbanisme comprend une, voire plusieurs modifications de ce droit, rendant ainsi ses finalités de plus en plus larges, son champ d’application à géométrie variable et ses acteurs multiples.

Aujourd’hui, les lois du 24 mars 2014 (ALUR) et du 27 janvier 2017 Égalité et citoyenneté (EC) ont, de fait ou volontairement, transféré le droit de préemption urbain à la personne détenant la compétence en PLU. Cette évolution, à marche rapide – ces lois ne disposant pas de dispositions transitoires – bouleverse les rapports entre la commune et le groupement auquel elle appartient.

Dans le même temps, le droit de préemption en ZAD a perdu, semble-t-il de son intérêt.

Un état de la pratique de ces deux droits mérite d’être réalisé. Nous nous permettrons quelques remarques ou suggestions.

1. Un droit de préemption pour quoi faire ?

Droit de préemption urbain et droit de préemption en ZAD ne s’attachent pas aux mêmes territoires et ne répondent pas aux mêmes objectifs.

Alors que le droit de préemption urbain ne peut être institué que sur les zones urbaines ou à urbaniser, les ZAD peuvent être instituées sur tout type de zone, sans distinction.

Cette absence de restriction du champ territorial de la ZAD s’explique par son but : constituer une réserve foncière en vue d’un projet d’aménagement futur. De cet objectif en découle un autre : celui de réguler les prix pour éviter que l’annonce d’un projet d’aménagement emporte une spéculation qui empêcherait la réalisation dudit projet.

Cet objectif de contrôle des prix du foncier ne figure pas dans le Code de l’urbanisme, ni dans la loi du 26 juillet 1962 qui a créé cet outil. Pourtant, il s’agit bien de leur rôle, et il ne nous semble pas qu’il soit en contradiction avec le droit de propriété.

En effet, est-il inconcevable, voire inconventionnel, de « priver » un propriétaire d’une plus-value due à l’annonce ou à la réalisation d’un programme d’aménagement public ayant mobilisé des fonds publics, sans que lui-même ait apporté une quelconque modification à son bien ? Cette question doit faire l’objet d’un réel débat et non de faux-semblants derrière lesquels nos politiques foncières pourraient se cacher.

Aujourd’hui, en raison d’une conception extensive de la jurisprudence strasbourgeoise Motais de Narbonne (CEDH 2 juillet 2002, n°48161/99), le législateur a réduit la durée des ZAD à une durée de six ans renouvelable, alors que dans le même temps, les contraintes réglementaires évoluent et nécessitent des délais d’études et de concertation de plus en plus longs.

Il conviendrait à notre sens de repenser cet outil, en prenant en compte les différentes procédures qui corroborent la réalisation d’un projet d’aménagement, pour qu’il retrouve son plein effet.

Quant au droit de préemption urbain, ses finalités ont évolué. Il nous semble qu’elles forment aujourd’hui une liste permettant la réalisation de toute politique foncière.

Le titulaire du droit de préemption a ainsi un panel de finalités à sa disposition. Sauf volonté de constituer une réserve foncière, son attention doit se porter sur cette question : son projet constitue-t-il une « action ou opération d’aménagement » ? La jurisprudence du Conseil d’État nous semble, à ce titre, particulièrement pragmatique. Alors qu’elle ne reconnaît pas le caractère d’opération ou d’action d’aménagement pour des travaux simples de voirie (CE 3 décembre 2007, Commune de Mondragon req. n°295779 ; BJDU 6/2007, p.433 ; CAA Nancy 29 août 2009, Guerard, req. n°07NC00951), elle ne sanctionne pas l’absence de travaux lorsqu’il s’agit d’acquérir pour revendre à une entreprise mitoyenne du bien afin de lui permettre un meilleur fonctionnement (CE 6 février 2006, Commune de Lamotte-Beuvron, req. n°266821).

 

2. Quels sont les acteurs ?

Les ZAD ne sont plus, depuis la loi du 24 mars 2014, du ressort exclusif du préfet. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent les créer (Code de l’urbanisme article L 212-1). On peut regretter que cette capacité n’ait pas été octroyée pour l’instant aux établissements publics territoriaux (EPT), alors qu’ils sont, par nature, des EPCI ayant une compétence PLU, mais avec une fiscalité propre transitoire. Cet oubli sera sans doute rectifié lors de la prochaine loi comportant un volet en urbanisme.

En droit de préemption urbain, une accélération du transfert du droit de préemption urbain au profit des structures intercommunales est en cours, du fait des lois EC et ALUR précitées.

La loi EC a provoqué le transfert immédiat du droit de préemption urbain au profit des établissements publics territoriaux (EPT) au 29 janvier 2017. La loi ALUR, elle, prévoit un transfert de la compétence PLU, et de ce fait, conformément à l’article L. 211-2 du Code de l’urbanisme, de la compétence en droit de préemption urbain, au plus tard le 27 mars 2017, sauf vote contraire de 25% des communes représentant 20% de la population. L’existence de cette opposition ne pourra, dans certains cas, être réellement connue que quelques jours avant cette date butoir. Aussi, les acteurs doivent travailler dans la précipitation.

Dans ce nouveau schéma, la commune garde une place essentielle : elle demeure le guichet unique pour la réception des DIA.

Ainsi, il lui revient de transmettre les DIA au titulaire du droit de préemption. Cette transmission est maintenant pénalisée lorsque le préfet en est le bénéficiaire (à défaut d’une transmission dans les sept jours ouvrés, la loi EC vient d’instituer la possibilité d’appliquer une amende de 100 € à la collectivité – cf. Code de l’urbanisme article L. 213-2).

Par contre, rien n’est prévu dans les rapports entre la commune et l’EPCI titulaire du droit de préemption.

Aussi, on ne saurait que conseiller, lorsque la commune n’est plus titulaire du droit de préemption, que des règles soient établies quant au tri des DIA, leur instruction, les éventuelles délégations, l’inscription au registre des décisions de préemption (qui reste du ressort de la commune) entre le nouveau titulaire et la commune.

Ces règles ne doivent pas omettre la question des délégations consenties antérieurement à des aménageurs, établissements publics fonciers, chambres consulaires… Elles peuvent prendre la forme de notes de service ou de protocoles permettant la mise en application des dispositions du Code de l’urbanisme. Ces accords, s’ils ne contiennent que des dispositions techniques, ne requièrent pas l’approbation des organes délibérants.

Au-delà de ces questions pratiques, on peut s’interroger sur l’intérêt de la corrélation mise en place par le législateur entre la détention de la compétence PLU et de celle du DPU. Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que les transferts de compétence que nous visons ne sont pas liés à l’existence préalable d’un PLU intercommunal. Or ce dernier est un gage essentiel d’une définition commune de l’aménagement urbain et des politiques foncières à mobiliser.

Des premières codétentions apparaissent : celle du préfet et de la collectivité pour les communes en état de carence en fonction des caractéristiques du bien ; celle des établissements publics territoriaux et de la métropole du Grand Paris en fonction de l’existence de périmètres d’opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain.

Il pourrait être conçu par le législateur des degrés de compétence en fonction de la politique poursuivie, et de l’intérêt communautaire qui lui est attaché, adossés à des PLU intercommunaux.

* Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que son auteur et ne sauraient refléter la position de l’EPF Ile-de-France.

Pour plus de renseignements, retrouvez Catherine Minot lors de notre formation Cycle urbanisme et aménagement dès le 15 mai à Paris
http://www.efe.fr/formation/actualite/cycle-urbanisme-et-amenagement.html

 

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Directrice juridique

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