Le régime des autorisations d’urbanisme modifié par la loi ELAN

[vc_row][vc_column][vc_column_text]La loi ELAN contient de nombreuses dispositions qui modifient, clarifient ou précisent le régime des autorisations d’urbanisme. Certaines relèvent de l’expérimentation ou portent sur le régime des autorisations en vue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2023, d’autres, égrenées au fil de la loi, ont une vocation pérenne, sans oublier les mesures spécifiques au contentieux de l’urbanisme sous-tendues par l’objectif de sécurisation des opérations de construction et d’aménagement. Tentons une synthèse des principales mesures, lesquelles au final modifient substantiellement le cadre juridique des autorisations du droit des sols.

Les mesures à titre expérimental : toujours plus de dérogations !

Trois dispositions, qui consacrent des mesures dérogatoires, retiennent particulièrement l’attention. L’article 5, tout d’abord, qui modifie le II de l’article 88 de la loi « CAP »(loi n°2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine) afin d’étendre le champ spatial et matériel de l’expérimentation qu’il prévoit. Pour une durée de sept ans à compter de la promulgation de la loi ELAN (et non plus à compter de la loi CAP), les maîtres d’ouvrage des constructions ou aménagements situés, non plus seulement dans le périmètre des opérations d’intérêt national (OIN), mais également dans celui d’une grande opération d’urbanisme (GOU) ou dans les périmètres des opérations de revitalisation de territoire prévus au 1eralinéa du II de l’article L.303-2 du code de la construction et de l’habitation, pourront demander à déroger aux règles opposables à leur projet, à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé. Le champ d’application de la mesure est donc élargi aux grands secteurs opérationnels sous convention avec l’État. Initialement réservée aux seuls demandeurs de permis de construire, la loi ELAN étend la dérogation aux aménagements et, partant, aux permis d’aménager, ainsi qu’aux déclarations préalables. La loi ELAN complète le dispositif en précisant que la demande de dérogation prend la forme d’une étude permettant de vérifier l’atteinte des résultats attendus, laquelle donne lieu à avis conforme de l’établissement public ou du représentant de l’État. Cette étude et l’avis conforme sont joints à la demande de permis ou à la déclaration préalable, qui tiendra lieu d’approbation de dérogations.

Ensuite, et toujours à titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi ELAN, le IV de l’article 157de ladite loi autorise les permis d’aménager « multi-sites » dans les périmètres de secteurs d’intervention des opérations de revitalisation de territoire. Ainsi, pour la mise en œuvre des actions mentionnées dans une convention de revitalisation de territoire, et par dérogation à l’article L.442-1 du code de l’urbanisme, un opérateur pourra déposer une demande de permis d’aménager portant sur des unités foncières non-contigües. Cette possibilité est subordonnée à ce que l’opération d’aménagement garantisse l’unité architecturale et paysagère des sites concernés et s’inscrive dans le respect des OAP du PLU.

Enfin, s’agissant des implantations d’antennes relais, l’article 222 de la loi ELAN déroge provisoirement à l’article L.424-5 du code de l’urbanisme. À titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2022, les décisions d’urbanisme autorisant ou ne s’opposant pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d’accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées. Cette disposition est applicable aux décisions prises à compter du 24 décembre 2018. Elle est à rapprocher de l’article 56 de la loi ELAN qui soumet désormais l’autorisation prévue au titre de l’article L.632-1 du code du patrimoine à l’avis consultatif et possiblement tacite de l’architecte des Bâtiments de France lorsqu’elle porte sur des antennes relais de téléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d’accroche, ainsi que leurs locaux et installations techniques.

Le régime du permis « à double état » issu de la loi sur les JO parachevé par la loi ELAN

L’article 15 de loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, précisé par le décret d’application du 26 juin 2018, a créé le permis « à double état », relatif à des projets de construction ou d’aménagement qui comportent un état provisoire correspondant aux seules nécessités de la préparation, de l’organisation ou du déroulement des jeux de 2024 et un état définitif propre à ses affectations ou destinations postérieures au déroulement des jeux. Le permis autorise cet état provisoire et cet état définitif.

La loi ELAN (article 61) complète ce dispositif innovant sur plusieurs points. En premier lieu, elle l’étend aux projets de construction et d’aménagement nécessaires aux championnats du monde de ski alpin de 2023. En deuxième lieu, par analogie avec le permis précaire de l’article L.433-1 du code de l’urbanisme, elle autorise le permis à double état à déroger aux règles d’urbanisme afin d’autoriser l’état provisoire du projet, sous réserve du respect de ces règles par l’état définitif du projet. Cette dérogation ne peut toutefois pas concerner les règles relatives à la préservation de la sécurité et de la salubrité publiques. En troisième lieu, elle comble un vide laissé par la loi sur les JO quant au délai de transition entre l’état provisoire et l’état définitif : le bénéficiaire du permis devra réaliser le projet dans son état définitif dans un délai maximum de trois ans à compter de la date de cérémonie de clôture des jeux Paralympiques ou de la date de cérémonie de clôture des championnats du monde de ski alpin de 2023. À défaut, le bénéficiaire ou son ayant-droit devra procéder, sans indemnité, dans un nouveau délai d’un an à l’enlèvement de la construction ou à la suppression de l’aménagement et remettre, à ses frais, le terrain en l’état, sous peine d’encourir les sanctions pénale de l’article L.480-4 du code de l’urbanisme.

Les modifications pérennes du régime des autorisations d’urbanisme

Elles sont nombreuses et touchent notamment à l’instruction des autorisations, à la compétence en matière de délivrance et au contrôle de leur exécution.

On retiendra, tout d’abord, la possibilité donnée par la loi (article 61de la loi ELAN qui complète l’article L.423-1 du code de l’urbanisme) aux communes et EPCI compétents de confier l’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme à un ou plusieurs prestataires privés, dans la mesure où l’autorité de délivrance conserve la compétence de signature des actes d’instruction. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de cette disposition. D’ores et déjà, la loi ELAN pose le cadre : une telle mission ne constitue pas une délégation de pouvoir, elle doit éviter toute situation de conflit d’intérêt et elle ne doit induire aucun coût pour les pétitionnaires. S’agissant ensuite de l’instruction dématérialisée des demandes d’autorisation, la loi ELAN reporte au 1er janvier 2022 la date de mise en place effective de la saisine par voie électronique, comme pour l’instruction dématérialisée, dans les communes de plus 3 500 habitants (article 62).

Autre apport de la loi ELAN (articles 1 et 4) : la modification des règles relatives à la compétence. Dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU), l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme est, par exception à l’article L.422-1 du code de l’urbanisme, le maire de Paris, le président de la métropole de Lyon ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou de l’établissement public territorial dans les communes du Grand Paris, à l’initiative de la GOU. Des règles spécifiques de compétence sont par ailleurs aménagées dans les OIN (nouvel article L.102-14 du code de l’urbanisme).

S’agissant du contenu de la demande d’autorisation, et particulièrement de la demande de permis d’aménager pour les lotissements dont le terrain d’assiette est supérieur à 2 500 m², l’article 2 de la loi ELAN a modifié l’article L.441-4 du code de l’urbanisme et brisé lemonopole des architectes pour l’établissement du projet architectural, environnemental et paysager, puisque désormais une telle demande pourra être présentée soit par un architecte, soit par un paysagiste concepteur, au sens de la loi sur la biodiversité du 8 aout 2016.

L’article 58 de la loi ELAN a ensuite apporté la confirmation bienvenue de la possibilité pour un même opérateur de bénéficier de plusieurs permis sur un même terrain. On pensait le sujet clos depuis le 1eroctobre 2007 avec l’affirmation par la loi du principe, inscrit à l’article L.424-5 du code de l’urbanisme, selon lequel un permis ne peut être retiré que pour illégalité et dans le délai de trois mois à compter de sa délivrance, sauf demande expresse de retrait du bénéficiaire. Le risque d’un retrait implicite d’un permis par le dépôt d’une seconde demande et l’obtention d’un nouveau permis semblait donc écarté. Mais certaines décisions ont semé le doute (notamment, CE, 23 juin 2014, Castel Invest, BJDU 2/2015 p.141 ; et très récemment, TA Nice, 20 août 2018, n°1501713, SCI Boue de Lapeyrere, cas dans lesquels la première autorisation faisait l’objet d’un recours). Désormais, l’article L.424-5 du code de l’urbanisme énonce en son dernier alinéa que la délivrance antérieure d’une autorisation d’urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt, par le même bénéficiaire de ladite autorisation, d’une nouvelle demande d’autorisation visant le même terrain. Il précise que le dépôt de cette nouvelle demande ne nécessite pas d’obtenir le retrait de l’autorisation précédemment délivrée et n’emporte pas retrait implicite de cette dernière. Un opérateur aura donc clairement le choix de la mise en œuvre de l’une ou l’autre de ses autorisations, selon les tendances du marché immobilier et les opportunités de commercialisation par exemple.

Enfin, et sans prétendre à l’exhaustivité, l’article 77 de la loi ELAN retient particulièrement l’attention en ce qu’il opère notamment une refonte totale du régime des contrôles administratifs de la conformité des constructions, aménagements, installations et travaux avec une réécriture de l’article L.461-1 du code de l’urbanisme sur le droit de visite et de communication, pour l’élargir à tous les lieux accueillant ou susceptibles d’accueillir des constructions, aménagements, installations et travaux soumis aux dispositions du code de l’urbanisme, et non plus seulement « aux constructions », et l’ajout de nouveaux articles, L.461-2 à L.461-4. Ces nouvelles dispositions encadrent le droit de visite, notamment les horaires pour la visite des lieux non-ouverts au public (entre 6 h et 21 h), en présence de l’occupant ou avec son assentiment pour les parties à usage d’habitation. Elles instaurent une procédure spécifique en cas de refus de l’occupant, diligentée devant le juge des libertés et de la détention. Elles fixent des modalités particulières pour les visites aux fins de constat des infractions (article L.480-17 modifié), notamment pour les visites des locaux professionnels qui requièrent l’information préalable du Procureur de la République, qui peut s’y opposer. Elles permettent à l’administration de mettre en demeure le maitre d’ouvrage de déposer une demande de permis de construire ou une déclaration préalable dans un délai maximum de six mois. Les peines relatives à l’infraction d’obstacle au droit de visite et de communication, prévue et réprimée par l’article L.480-12 du code de l’urbanisme, sont sensiblement réévaluées : elles passent de 3 750 euros d’amende à 7 500 euros et d’un mois de prison à six mois.

À ces multiples modifications du régime des autorisations, s’ajoutent celles portant spécifiquement sur le contentieux de l’urbanisme, contenues à l’article 80 de la loi ELAN, sous-tendues par le même objectif de favoriser les opérations de constructions et d’aménagement et d’accroître la sécurité juridique, qui entreront en vigueur le 1erjanvier 2019. Il faudra attendre la mise en pratique de l’ensemble de ce dispositif pour vérifier si l’objectif est atteint.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][ultimate_heading alignment= »left » margin_design_tab_text= » » el_class= »extra-height-bloc-citation »]

Isabelle CassinIsabelle Cassin
Avocat associé
GENESIS Avocats

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