Projets de loi Climat et « 4D » : avancées limitées dans le domaine de l’urbanisme

ELAN

Malicia Donniou
Avocate associée
Ginkgo Avocats

Le projet de loi Climat, annoncé comme un « coup d’accélérateur » de la transition écologique et le projet de loi 4D comme un véritable « big bang » territorial comportent au final peu de changements en droit de l’urbanisme.

La loi « Climat et résilience » en cours de discussion au Parlement est la résultante de la Convention citoyenne pour le climat amorcée en avril 2019 et le fruit d’un travail démocratique inédit de grande envergure. Pour autant, les dispositions relatives à l’urbanisme, dont on pouvait penser qu’elles seraient importantes, notamment pour freiner l’artificialisation des sols, ne semblent pas de nature à atteindre les ambitions initiales portées par la Convention citoyenne pour le climat.

La Convention citoyenne pour le climat affichait l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols pour rendre plus attractifs les centres-villes et réduire les déplacements. Selon l’exposé des motifs de la loi, le choix a été de placer la lutte contre l’artificialisation « au cœur de l’aménagement du territoire ». L’article 47 du projet de loi, premier article du chapitre III relatif à l’adaptation des règles d’urbanisme pour lutter contre l’artificialisation des sols, transpose effectivement l’objectif clair de réduction par deux du rythme de l’artificialisation des sols au cours des dix prochaines années.

Pour parvenir à cet objectif, une définition de l’artificialisation des sols est inscrite à l’article 48 du projet de loi. Selon celle-ci : « Un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affecte durablement tout ou partie de ses fonctions. » Il est ainsi fait référence à l’atteinte à la fonctionnalité des sols, notion floue et absente jusqu’alors du Code de l’urbanisme. Le décret en Conseil d’État fixant les conditions d’application de cet article permettra peut-être de lever les doutes sur les contours de la définition d’artificialisation.

L’article 49 du projet de loi désigne le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) comme document chef de file de la lutte contre l’artificialisation des sols auquel le Schéma de cohérence territorial (SCOT) et le Plan local d’urbanisme (PLU) doivent être rendus compatibles. Tel qu’il a pu être relevé par le Conseil d’État dans son avis en date du 20 février 2021, les SRADDET viennent souvent à peine d’être adoptés, après un temps d’élaboration assez long. L’intégration des objectifs en matière de réduction de l’artificialisation implique donc d’engager une révision de ces documents.

L’échelon communal est en outre aussi concerné par une nouvelle obligation pour le maire de présenter au conseil municipal un rapport annuel sur la manière dont les objectifs en matière de lutte contre l’artificialisation des sols sont poursuivis et atteints (art. 50 du projet de loi). Les intercommunalités compétentes en matière de développement économique sont, quant à elles, chargées d’établir et d’actualiser un inventaire des zones d’activités économiques (art. 53 du projet de loi).

Outre que ces dispositifs sont peu significatifs, et non sanctionnés à ce stade, ils impliquent la mobilisation des collectivités dans la réalisation de nombreux documents programmatiques, de sorte que les effets concrets ne se mesureront vraisemblablement pas avant plusieurs années.

L’article 51 du projet de loi ajoute qu’un seuil de densité minimale devra être fixé dans la délibération qui institue une Grande opération d’urbanisme (GOU) dans le cadre d’un Projet partenarial d’aménagement (PPA). Ces deux procédures étant encore assez peu utilisées, on peut douter du caractère significatif de ce nouveau mécanisme pour permettre de réduire de moitié l’artificialisation des sols à l’horizon 2031.

Proposition phare de la Convention citoyenne pour le climat, l’interdiction de nouvelles surfaces commerciales en dehors des zones déjà artificialisées a bien été retranscrite au sein de l’article 52 du  projet de loi. Le principe posé est le suivant : interdiction de délivrer une autorisation pour une installation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols. Pour les projets inférieurs à 10 000 m2 de surface de vente, des dérogations seront néanmoins autorisées à certaines conditions :  insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation du territoire, insertion du projet dans une opération d’aménagement plus vaste et éventuelle compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé. Il faudra toutefois attendre la publication d’un décret en Conseil d’État pour que les modalités d’application de cette disposition soient précisées. Selon l’avis du Conseil d’État, cette mesure pourrait toutefois se heurter à une inconstitutionnalité pour atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

L’article 54 du projet de loi prévoit que pour certaines constructions, une étude de réversibilité devra être réalisée avant le dépôt de la demande de permis de construire afin de démontrer le potentiel de changement de destination et d’évolution des bâtiments dans le futur. Cette disposition avait également été jugée essentielle par la Convention citoyenne pour le climat, puisqu’elle est de nature à favoriser la réutilisation de bâtiments existants et permet d’envisager le devenir d’un bâtiment avant que ne commence sa construction. Un décret en Conseil d’État définira le type de constructions pour lesquelles la réalisation de cette étude sera obligatoire.

Des dispositions complétées par voie d’ordonnance ? L’article 55 du projet de loi autorise en outre le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi dans le but de favoriser la lutte contre l’artificialisation des sols. Les objets listés étant particulièrement larges, les ordonnances pourraient permettre de pallier le caractère peu contraignant des dispositions de la loi Climat et résilience en matière d’urbanisme.

La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la décomplexification, dite « 4D », encore au stade d’avant-projet, est un texte très attendu pour l’année 2021. Cet avant-projet de loi résulte des propositions faites lors du grand débat national lancé le janvier 2019, qui faisaient état d’un certain nombre de fractures territoriales. Selon l’exposé des motifs de l’avant-projet, l’objectif de la loi est de répondre aux besoins d’égalité, de proximité et d’efficacité exprimés par les élus. En matière d’urbanisme, les dispositions envisagées sont peu nombreuses.  

L’article 17 de l’avant-projet de loi prévoit l’élargissement du périmètre des Opérations de revitalisation des territoires (ORT) en permettant que la ville principale de la métropole n’y soit pas forcément intégrée pour « une utilisation plus large et simplifiée de cet outil ».

Pour permettre la mise en œuvre d’une GOU, ou mener à bien une ORT, l’article 18 de l’avant-projet de loi 4D prévoit de ramener à 10 ans au lieu de 30 ans le délai pour lancer une acquisition de biens sans maître, en accordant une indemnisation au propriétaire s’il se manifeste avant l’échéance du délai de prescription acquisitive. La procédure d’acquisition des biens en état d’abandon manifeste est également modifiée : la création de réserve foncière est ajoutée aux raisons qui permettent à la commune d’exproprier une parcelle et la condition que le bien en état d’abandon soit à l’intérieur du périmètre d’une commune ou d’une agglomération est supprimée.

L’article 21 de l’avant-projet de loi prévoit plusieurs dispositions relatives aux GOU et aux PPA. Selon cet article, dans le périmètre des GOU, le droit de préemption pourra être délégué à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement.

Il est par ailleurs prévu au sein des PPA, à titre expérimental pour une durée de 5 ans, que pour la réalisation d’une opération d’aménagement, la délivrance d’un permis d’aménager puisse porter sur des unités foncières non contiguës, lorsque l’opération d’aménagement garantie l’unité architecturale et paysagère des sites concernés et s’inscrit dans le respect des orientations d’aménagement et de programmation du territoire, comme cela est déjà possible dans le périmètre d’une ORT.

Des dérogations au règlement du plan local d’urbanisme sont enfin prévues au sein des GOU si elles portent sur la mixité sociale, la densification d’un immeuble existant ou le stationnement conformément aux dispositions de l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme.