La règlementation environnementale de la construction et la transformation de nos lieux de vie

La règlementation environnementale de la construction et la transformation de nos lieux de vie

Philippe Pelletier
Président du Plan bâtiment durable

Voilà une réforme intelligemment conduite : tout commence dès l’entrée en vigueur de la règlementation thermique 2012, lorsque l’administration demande au Plan bâtiment durable de lancer une réflexion prospective sur la règlementation d’après, observation faite que les règles évoluent généralement tous les cinq à huit ans.

La proposition qui en sort est claire : le cycle des règlementations thermiques doit s’achever, place doit être faite à une règlementation qui met au centre de la construction d’un bâtiment son poids carbone et qui se préoccupe davantage du bien-être des occupants. Le sujet fait alors l’objet de débats, on regarde ce qui se fait ailleurs, on réfléchit à la façon de mesurer le carbone… et sous l’impulsion d’Emmanuelle Cosse, alors ministre du Logement et de la Ville, on décide d’expérimenter.

Ainsi nait le référentiel E+C – qui sera mis en œuvre sur plusieurs centaines de constructions, permettant d’articuler le couple énergie-carbone et d’apprendre à mesurer le poids carbone du bâti. C’est ainsi qu’il sera décidé que l’appréciation doit s’opérer sur les cinquante ans du cycle de vie du bâti, en englobant les trois phases de construction, exploitation et déconstruction.

La concertation

S’ouvre alors, à partir de cette vision partagée et sur la base de l’expérimentation réalisée, une longue phase de concertation durant laquelle les organisations professionnelles, comme les bureaux d’études spécialisés, travaillent étroitement avec l’administration et ses agences à l’élaboration de la future réglementation. Pas mal de consensus, quelques différends d’appréciation et des arbitrages ministériels parfois décalés, mais toujours redressés.

Et comme souvent s’expriment des craintes professionnelles légitimes : serons-nous prêts ? Saurons-nous faire ? Ne va-t-on pas exploser les coûts de construction ? Mais l’expérience passée enseigne que ces craintes sont maîtrisées, les filières professionnelles réussissant jusqu’à présent à juguler ces inquiétudes.

Le défi

Quel est donc le défi que nous avons à relever ? Il ne doit pas être mésestimé, car il est en réalité double, à la fois technique et organisationnel. Sur le plan technique, la règle nouvelle questionne les pratiques d’hier : si l’on veut réduire le risque de déconstruction, il faut, dès la constructibilité, envisager un bâti réversible, capable de se prêter à des usages successifs ; si l’on veut réduire notre poids carbone au stade de la construction, il faut recourir à des matériaux biosourcés, réduire la distance des circuits d’approvisionnement, installer des équipements décarbonés, etc. Sur le plan organisationnel, sont désormais ouvertes les voies du chantier propre, de la fabrication hors site, du travail collaboratif, de l’économie circulaire, de la mutualisation des usages, du lien entre l’habitat et les mobilités, etc.

La perspective

En somme, derrière la règlementation environnementale se profile un nouveau bâti, bien inséré dans son environnement, qui donne à la biodiversité toute sa place et qui, sous l’impulsion du futur label en cours de préparation, saura mieux assurer le bien-être des occupants : confort d’été pour affronter les canicules estivales, qualité de l’air intérieur pour réduire les pathologies respiratoires, mais aussi adaptation des logements et locaux d’activité à l’évolution des usages, le vieillissement d’habitants soucieux de vieillir à domicile, l’habitat de jeunes ménages qui décident de vivre en dehors des métropoles, comme les nouveaux modes de travail qui conduisent à revoir l’organisation des espaces de bureaux.

La règlementation environnementale, parce qu’elle ancre le bâtiment dans son environnement naturel et urbain, vient ainsi progressivement nous proposer des lieux de vie adaptés aux temps d’aujourd’hui : c’est la démarche qui vient d’être engagée.