Edito – Avril 2012

La cristallisation des règles d’urbanisme en lotissements soumis à permis d’aménager

Les commentaires doctrinaux de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme, tel que résultant de l’ordonnance du 22 décembre 2011, ont été surtout axés sur l’application de la règle de stabilisation des sols aux lotissements déclarés[1] et sur l’impact de l’ajout de l’adjectif « nouvelles », notamment en cas d’annulation du PLU[2]. Il n’en demeure pas moins que la modification de la rédaction du premier alinéa de cet article fait difficulté.

La substitution de la formule, issue de la loi du 23 décembre 1986, selon laquelle « dans les cinq ans de l’achèvement du lotissement (…) le permis de construire ne peut être refusé (…) sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à l’autorisation du lotissement » par celle selon laquelle « le permis de construire ne peut être refusé (…) sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant l’achèvement des travaux (…), lorsque le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager » ne paraît pas anodine.

Dans un arrêt du 29 juin 2001, Société SA Blanc (BJDU 4/2011, p. 254), le Conseil d’État considérait que le mécanisme de la cristallisation des règles d’urbanisme en lotissement résidait en ce que « le bénéficiaire d’une autorisation de lotir se trouve titulaire, dès la délivrance de cette autorisation (…), d’une garantie de stabilité des règles d’urbanisme en vigueur à la date de la délivrance de cette autorisation ».

La même chose pourrait-elle être écrite aujourd’hui ?

Si on suit la lettre du nouveau texte, les règles d’urbanisme figées par la cristallisation ne sont plus celles en vigueur à la date de la délivrance du permis d’aménager, mais celles qui le seront à la date de l’achèvement des travaux du lotissement.

Reste que le lotissement en permis d’aménager constitue, et ce en particulier depuis le 1er mars, une division foncière structurée par la création de voies, espaces communs et réseaux, impliquant un investissement financier et… du temps !

Dans ces conditions, il paraît difficile d’admettre qu’un lotisseur s’engage dans une opération onéreuse sans avoir de garanties sur le droit applicable aux lots réalisés. Or, les seules règles connues sont celles existantes à la date du permis d’aménager. Compte tenu du caractère exceptionnel, maintenu par l’actuel article R. 442-18, de la délivrance des permis de construire avant achèvement complet de la viabilisation, il est nécessaire qu’existe une protection contre une évolution défavorable des règles d’urbanisme pendant toute la durée des travaux d’aménagement.

C’est cette sécurité juridique qu’offrait incontestablement l’ancienne rédaction de l’article L. 442-14. Puisse la ratification de l’ordonnance être l’occasion de lever toute ambigüité…

Claire-Lise Coupinot -Jurisconsultant CRIDON de Lyon

Jérôme Tremeau – Professeur à l’Université d’Aix-Marseille III


[1] J.Ph. Meng, Les corrections apportées aux régimes d’autorisations de lotissements, JCP N n° 11, 16 mars 2012, 1131.

[2] D. Dutrieux, La pratique notariale et le « nouveau » lotissement, JCP N n° 11, 16 mars 2012, 1131.

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