Exit le paiement des loyers des locaux commerciaux et professionnels ?

Depuis l’apparition de la crise sanitaire, la question des loyers demeurait en suspens. L’ordonnance publiée le 25 mars 2020 relative au paiement des loyers (l’« ordonnance »[1]) vient apporter les réponses que vous attendiez tous.

Une ordonnance en faveur des TPE et des PME…

Cette ordonnance reprend globalement les mesures indiquées dans le communiqué des associations et fédérations représentatives des bailleurs du 20 mars dernier, relatif à la mesure de suspension des loyers au bénéfice des TPE et des PME (le « Communiqué »).Un décret[2] viendra apporter des précisions.

L’ordonnance vise uniquement les locaux professionnels et commerciaux et indique que :

« Les personnes mentionnées à l’article 1er de l’ordonnance ne peuvent encourir de pénalités financières (…) d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale (…) en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. »

Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. C’est-à-dire une période dont la durée est incertaine à ce jour, puisque personne ne peut se prononcer sérieusement sur la date à laquelle les mesures de confinement, et donc de reprise normale des activités économiques, pourra être fixée.

Aussi, pendant toute la période d’état d’urgence[3] et deux mois après sa date de cessation, les preneurs pourront suspendre le paiement de leur loyer et de leurs charges.

…mais pas uniquement

Les preneurs pouvant bénéficier de cette suspension sont :

« Les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance no 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d’une attestation de l’un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure ».

Et l’article 1er de l’Ordonnance de préciser :

« Il est institué pour une durée de trois mois un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.

« Sa durée d’intervention peut être prolongée par décret pour une durée d’au plus trois mois. »

IL est important de noter que l’ordonnance a ainsi un champ qui ne se limite pas seulement aux TPE et PME.

Les entreprises locataires à l’asphyxie

Elle répond à un besoin urgent des entreprises locataires de leurs locaux qui doivent assumer les engagements de leur bail alors même que leur activité est fortement réduite, voire à l’arrêt.

Mais attention, cette suspension des loyers et des charges ne fait que reporter les problèmes économiques engendrés par le confinement et il va être nécessaire de la compléter, pour éviter à terme des défauts de paiement et des faillites en chaîne.

Pourquoi ne pas envisager, à l’instar de ce qui a été fait pour le paiement des salaires de façon très efficace, que l’Etat prenne à sa charge, sous certaines conditions (par exemple au prorata des effectifs placés en chômage technique total ou partiel), les loyers des entreprises pendant la période de confinement ?

L’objectif de cette mesure serait d’accompagner avec une approche globale et long terme, non seulement les individus, mais aussi les entreprises tout au long de cette crise sanitaire et ainsi d’apporter de la confiance et à terme la croissance.

 

Sarah Lugan
Avocat à la Cour
Chargée d’enseignement à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

&

Philippe Reigné
Professeur agrégé des facultés de droit
Knowledge Manager
#COVID-19 Manager

NMW

 

[1] Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19

[2] Article 1er : « Les critères d’éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret. »

[3] Qui ne confond pas avec la « période de confinement ».