Faisons un point sur le rôle du garant de livraison dans le cadre de la levée des réserves.
Rappel de la loi du 19 décembre 1990
La loi du 19 décembre 1990 relative au contrat de construction d’une maison individuelle fait intervenir quatre protagonistes : (i) le maître d’ouvrage, (ii) le constructeur, (iii) le garant du constructeur et enfin (iv) le prêteur qui finance l’opération.
A la lecture des dispositions du II de l’article L.231-6 du Code de la construction et de l’habitation, le maître d’ouvrage peut saisir l’établissement garant dans les cas suivants :
- Le délai de livraison n’est pas respecté ;
- Les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées à la réception ne sont pas réalisés ;
Quelles sont les difficultés posées par la garantie liée à la levée des réserves ?
La question concernant l’ampleur de la garantie dans le cadre de la levée des réserves n’a eu de cesse de poser des difficultés eu égard le rôle actif ou passif du garant sur ce sujet.
L’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation se réfère à la levée des réserves formalisées à la réception. Or ces réserves concernent avant tout les « désordres » (C. civ., art. 1792-6). D’ailleurs, le paragraphe IV de l’article L. 231-6 susvisé renvoie à l’expiration du délai de huit jours prévu à l’article L. 231-8 pour dénoncer les « vices apparents », expression qui a priori vise d’abord les malfaçons[1].
De plus, il y a lieu de constater que la garantie dite de livraison a pour objet[2], de couvrir le maître de l’ouvrage contre « les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux« .
Dans ce contexte, il apparaît difficile d’exclure des obligations du garant les travaux nécessaires à la réparation des désordres ou malfaçons signalés à la réception. Toutefois, il est vrai qu’il en résulte une situation complexe de nature à soulever des discussions entre le garant et les assureurs.[3]
Deux situations sont à distinguer :
D’une part, s’il est informé par le maître d’ouvrage que le délai de livraison n’est pas respecté ou que les travaux nécessaires à la levée des réserves ne sont pas réalisés, le garant doit[4] mettre en demeure le constructeur soit de livrer l’immeuble, soit d’exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves.[5]
D’autre part, il résulte du II de l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation que même dans le cas où il n’en serait pas informé par le maître de l’ouvrage, le garant qui constate que le délai de livraison n’est pas respecté ou que les travaux nécessaires à la levée des réserves ne sont pas réalisés doit alors, de sa propre initiative, mettre sans délai le constructeur en demeure soit de livrer l’immeuble, soit d’exécuter les travaux nécessaires à la levée des réserves.
Ainsi, on peut aisément conclure que le garant de livraison, bien que non locateur d’ouvrage, au sens de l’article 1792 du Code civil et par conséquent non présent sur le chantier, n’en reste pas moins tenu à une obligation de surveillance accrue quant à la levée des réserves.
Thibaut Experton et Sarah Lugan
Avocats à la Cour
NMW Delormeau
[1] Rapp. Laucournet au Sénat, Doc. n° 480, p. 64 et JO Sénat, séance 10 oct. 1990, p. 2642 ; à cet égard, il a été fait mention des « vices de construction alors apparents » : Rapp. Leron à l’AN, Doc. 1697, p. 37).
[2] aux termes du paragraphe I de l’article L. 231-6 précité.
[3] Comme l’a bien souligné M. Périnet-Marquet : « Le système mis en place promet un balai juridique redoutable, dans certaines hypothèses, entre le prêteur, le garant et l’assureur de dommages-ouvrages » (RD imm. 1991, p. 162).
[4] en application des dispositions du II de l’article L. 231-6 du Code de la construction et de l’habitation.
[5] L’article R. 231-10 du même code précise que les mises en demeure visées au II de l’article L. 231-6 sont faites par acte d’huissier.
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