Du confinement subi au confinement choisi

ELAN

Roland Castro

Castro
Denissof
Associés

Le lieu de l’âtre, le feu, la cheminée, le coupe froid et « vent » vers l’abri, la maison, vous êtes bouclés, à la maison.

Vous découvrez votre maison avec bonheur ou avec déplaisir. Vous découvrez votre entoure, votre proximité, vos lieux d’échange ou de solidarité, et le trajet de vos enfants vers l’école, le collège ou le lycée. Plus ou moins joli, parfois bien moche, surtout en banlieue, parfois derrière le chemin de fer, ou pire l’autoroute, votre quartier bref.

Vous avez toute sorte de soucis du côté du travail ou de l’échange, du côté des trajets ou des grandes distances.

Vous êtes confinés. C’est la peste qui rôde et vous êtes contraints de vous tenir chez vous essentiellement, sauf évidemment si vous êtes plombier ou manutentionnaire, livreur, ou infirmier, ou médecin, ou nettoyeur ou maçon là vous avez le droit de vaquer dans une ville à moitié morte, vous avez des déplacements, le télétravail ne s’applique pas.

Vous êtes aussi confinés et Cocteau vous suggère : ces événements nous dépassent :  feignons d’en être les organisateurs !

Vous décidez le confinement choisi. Vous avez le droit de bouger, partout vous découvrez, mais vous habitez quelque part, dans un village singulier, le vôtre, fût-il inscrit dans un système métropolitain.

C’est là où, pardonnez-moi, je jubile. J’ai parlé d’un Grand Paris de 3000 villages, j’ai pensé autant que j’ai pu le remodelage urbain, la transformation embellissante des quartiers de la pire époque rationaliste.

J’ai transformé un silo à grains en habitation, pas bête, et une usine en Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image, ça a été fait, des bureaux en logements et l’inverse : faire des projets mutables.

Je ne vous dis pas le nombre de dessins et ne vous parle pas de tous les autres qui ont vu le jour pour désenclaver, embellir, transformer, rendre tout transformable.

Ça a été théorisé : construire la ville sur elle-même, arrêter de déborder avec de sinistres zones pavillonnaires. Permettre à tous les pavillons de doubler de surface, aider à fabriquer de la valeur à ceux qui ont ce petit patrimoine.

Faire grimper les jardins, explorer l’agriculture urbaine, habiter le ciel de la ville, en faisant des jardins dans l’espace… grimper sur les usines pour habiter, monter sur les piscines comme à la piscine des Amiraux, et monter sur les médiathèques comme rue de Bagnolet, Paris XX.

Si on fabrique dans toute la France des lieux habitables et beaux avec ce qu’il faut de proximité heureuse, si la ville magnifique et poilue pleine de jardins verticaux, horizontaux, au sol dans l’espace partagé ou commun.

Cette ville au port altier avec sa canopée rafraichissante devient désirable… et en passant un bel contre le réchauffement climatique.

Mais il nous faut profiter de ce désagréable moment subi pour réfléchir à ce qui pourrait en sortir de volontaire et de choisi.

Car se réenraciner n’est pas un fantasme d’extrême droite, s’enraciner correctement là où l’on habite c’est une idée stratégique, pour le repos du globetrotter, pour l’accueil du voyageur et pour la participation de chacun à la sortie de la peste.

La peste nous ramène sur terre ; quand les avions reprendront leurs vols, car le voyageur reviendra ,car le citoyen du monde reviendra comme projet, car le consommateur débile reviendra… Il sera bon que la réflexion sur la ville à toutes les échelles, et dans toutes ses composantes, où il convient d’entremêler, s’investir, travailler, étudier, consommer, échanger et surtout trouver la solitude, tout cela mérite d’être repensé, a déjà été pensé, et n’a pas attendu la peste. Il sera bon d’en profiter pour embellir la ville.

Le confinement a réveillé l’importance singulière du lien et du lieu qui va avec.

Les grandes épidémies deviennent parfois civilisatrices.