Le droit de préemption commercial

Virginie Lachaut DanaVirginie Lachaut Dana
Avocat à la cour
LVI avocats

 

 
Bernard LamorletteBernard Lamorlette
Avocat associé
LVI avocats
 

1) Dans quelle mesure le droit de préemption commercial peut-il être un outil de protection et de préservation du commerce de proximité ?

Institué par la loi du 2 août 2005, les communes disposent d’un droit de préemption qui leur permet, dans un périmètre arrêté, d’acquérir de façon prioritaire des fonds commerciaux ou artisanaux, baux commerciaux, et terrains, dont les propriétaires ont décidé la mise en vente.

Cette réglementation n’a pas vocation à favoriser l’implantation de surface commerciale, mais à préserver une offre commerciale de proximité, notamment dans les centres villes.

Rappelons en effet que l’obligation de rétrocession de la ville doit être faite « en vue d’une exploitation destinée à préserver la diversité et à promouvoir le développement de l’activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné » (article L. 214-2 du Code de l’urbanisme).

Le périmètre du droit de préemption commercial soumis pour approbation en conseil municipal est défini à cet effet. Le projet de délibération est soumis pour avis « à la chambre de commerce et d’industrie territoriale et à la chambre des métiers et de l’artisanat dans le ressort desquelles se trouve la commune » (article R. 214-1 du Code de l’urbanisme). Par ailleurs, le projet de délibération doit être accompagné d’un « rapport analysant la situation du commerce et de l’artisanat de proximité à l’intérieur de ce périmètre et les menaces pesant sur la diversité commerciale et artisanale » (article R. 214-1 du Code de l’urbanisme).

2) Quelles sont les contraintes d’exercice du droit de préemption commercial, au regard du contenu de la DIA par exemple ?

Dans le périmètre de protection commerciale, le cédant doit déposer/envoyer[1] une déclaration préalable auprès du maire de la commune conformément au formulaire CERFA 13644*01 (article A. 214-1 du Code de l’urbanisme).

La pratique a révélé que l’absence de certaines informations sur la déclaration ne permet pas à la commune de mesurer l’opportunité de recourir au droit de préemption.

Par exemple, le bail n’a pas à être joint à la déclaration et l’indication du chiffre d’affaires du commerçant sur les trois dernières années est facultative. Il est donc difficile, pour la commune, d’apprécier la valeur du fonds et donc d’exercer son droit de préemption par rapport au prix de cession mentionné sur la déclaration. En outre, elle ne peut anticiper ses futures obligations qui auraient pu être précisées dans le bail, faute pour elle d’en avoir une copie.

De même, comme il n’est pas nécessaire de préciser l’activité du repreneur – seule est nécessaire d’indiquer l’existence d’un acquéreur pressenti – la commune n’est pas dans la possibilité de savoir si l’affectation commerciale va être maintenue, et donc si l’exercice de son droit de préemption est opportun.

3) Rétrocession du bien préempté, déspécialisation du bail, recherche de repreneur, quelles sont les difficultés rencontrées dans la pratique ?

L’exercice du droit de préemption commerciale suscite de nombreuses difficultés en pratique.

En particulier, le délai de deux ans pour retrouver un repreneur peut se révéler insuffisant : la commune doit respecter une procédure de mise en concurrence pour trouver un repreneur (l’appel à candidature s’opère conformément à un cahier des charges approuvé par le conseil municipal : article R. 214-11 du Code de l’urbanisme) et le nombre de repreneurs potentiels est limité, surtout dans certains secteurs particulièrement en difficulté.

Ces repreneurs se raréfient d’autant que les candidats évincés ne disposent pas de moyen propre, rapide, efficace pour contester les modalités de désignation. Les commerçants freinent ainsi à déposer leurs candidatures en respectant les contraintes du cahier des charges.

Enfin, la valeur du fonds peut être considérablement amoindrie du fait de la décision de la commune d’exercer son droit de préemption. Il est essentiel, pour que la valeur du fond soit maintenue, que le commerce soit exploité. Or, la signature de convention précaire, voire l’absence d’exploitant pendant le délai de rétrocession augmente les difficultés pour retrouver un repreneur, et diminue d’autant la valeur du fonds.

4) Qui peut exercer le droit de préemption commercial ?

Le droit de préemption commercial est, avant tout, une prérogative du conseil municipal (article L. 214-1 du Code de l’urbanisme) qui peut le déléguer, dans certains cas, au maire (article L. 2122-22 21° du Code général des collectivités territoriales).

La loi n° 2010-559 a élargi le champ des titulaires du droit de préemption commerciale en prévoyant que les sociétés publiques locales d’aménagement peuvent exercer, par délégation ou directement, ce droit en cas de cession de fonds de commerce, de fonds artisanaux et de baux commerciaux, étant précisé que les terrains dédiés à l’accueil d’équipement entre 300 et 1 000 mètres carrés de vente ne sont pas visés par cet élargissement du dispositif (article L. 327-1 du Code de l’urbanisme).

Aujourd’hui, contrairement au droit de préemption urbain, le droit de préemption commercial ne peut être délégué à une SEM, ce qui impose des exigences de coordination des acteurs, titulaires de ce droit, notamment lorsqu’un terrain est situé dans le périmètre des deux droits de préemption.

5) Quelles sont les évolutions attendues par la loi Pinel, notamment au sujet de sa délégation ?

La pratique du droit de préemption commercial a permis de constater que ce droit est insuffisamment utilisé par les communes en raison, notamment, de l’absence de financement et des expertises nécessaires.

Afin de pallier ce problème, le projet de loi Pinel, présenté au Conseil des ministre le 21 août 2013, prévoit que les communes pourront déléguer leur droit de préemption à un établissement de coopération intercommunale, à un établissement public ayant vocation à exercer ce droit ou à un concessionnaire d’une opération d’aménagement.

L’objectif est que ce droit soit dorénavant exercé pas des établissements dotés des ressources humaines et financières adaptées. Cette délégation porterait sur tout ou partie du périmètre de sauvegarde ou pourrait être accordée à l’occasion de l’aliénation d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal, d’un bail commercial ou de terrains. Les biens ainsi acquis entreront dans le patrimoine du délégataire.

Ce projet de loi devrait être discuté au Parlement début 2014.


[1] Cette déclaration peut être transmise par voie électronique depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2012-489 du 13 avril 2012.

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