Quelle responsabilité du constructeur en cas de faute dolosive ?

Quelle responsabilité du constructeur en cas de faute dolosive ?

Sarah Lugan, avocate au sein du cabinet NMW Delormeau, revient sur la responsabilité contractuelle du constructeur, qui survit à la forclusion décennale, en cas de faute dolosive caractérisée du constructeur.

 

La responsabilité contractuelle du constructeur

En vertu de l’article 1792 du Code civil, tout « constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ».

Pour actionner cette responsabilité de plein droit, l’article 1792-4-1 du Code civil dispose que « toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article. »

Ainsi, un acquéreur ou un maître d’ouvrage qui justifie d’une faute et d’un lien de causalité, peut agir à l’encontre du constructeur sur le fondement de la garantie décennale dans un délai de dix ans commençant à courir à compter de la réception de l’ouvrage, à défaut de quoi sa demande est forclose.

 

Quid de la faute dolosive du constructeur ?

Toutefois en application des articles 1231-1[1] et 1231-3[2] du Code civil, il convient de souligner que le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole, par dissimulation ou par fraude, ses obligations contractuelles. La Cour de cassation se réfère en effet explicitement aux critères de la dissimulation et de la fraude, consacrés dans son arrêt du 27 juin 2001[3] et confirmés dans d’autres arrêts[4].

La cour d’appel ne caractérise pas une telle faute dolosive en retenant qu’un constructeur n’a pas pris les précautions élémentaires pour surveiller la totalité de l’exécution des travaux de gros oeuvre qu’il a sous-traités[5]. Ainsi, des manquements importants ne sont pas suffisants pour caractériser la faute dolosive.

En revanche, une cour d’appel ayant exactement retenu que le constructeur est, nonobstant la forclusion décennale, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré, même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles et relève que les fondations réalisées sont à l’évidence non conformes aux documents contractuels mais également aux règles de l’art, peut en déduire que la connaissance par le constructeur de l’insuffisance notoire des fondations à un moment où il était encore possible d’y remédier, caractérise une dissimulation constitutive d’une faute dolosive[6].

 

En conclusion, il convient de relever que la position de la troisième chambre civile de la Cour de cassation sur la faute dolosive du constructeur est restrictive et exigeante. En effet, la faute dolosive du constructeur nécessite la caractérisation par des motifs suffisants d’une dissimulation ou d’une fraude. Bien que n’impliquant pas nécessairement une intention de nuire, il est en revanche nécessaire de justifier la violation délibérée et consciente des obligations du constructeur[7], ainsi que sa volonté de causer le dommage.

La faute dolosive du constructeur est ainsi restrictive et en conséquence difficile à prouver.

 

[1] Anciennement 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

[2] Anciennement 1150 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

[3] Cass. Civ. 3e, 27 juin 2001, n° 99-21.017

[4] Particulièrement dans l’arrêt suivant : Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n°12-13.840

[5] Cass. 3e civ., 5 janv. 2017, n° 15-22772, et confirmé par un arrêt du 12 juillet 2018, n°17-19701

[6] Cass. 3e civ., 27 mars 2013, n°12-13.840

[7] Cass. 3e civ., 6 déc. 2005, n° 04-18.643

 

Sarah Lugan
Avocat
NMW Delormeau

 

 

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