[vc_row][vc_column][vc_column_text]La loi ELAN du 23 novembre 2018 (n°2018-1021) a créé une nouvelle catégorie d’immeubles, les immeubles de moyenne hauteur, dont le régime devrait être à la fois calqué et assoupli par rapport à celui des immeubles de grande hauteur (IGH). Un décret d’application et des arrêtés sont attendus pour connaître exactement le champ d’application et le régime de cette nouvelle catégorie d’immeuble. Les travaux parlementaires nous renseignent cependant déjà sur les objectifs poursuivis par le législateur et en conséquence, les principaux changements attendus.
Rappelons que l’article L.122-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoyait, avant cette loi, que tout immeuble de plus de 50 m de hauteur pour les logements et de 28 m de hauteur pour les autres destinations, constituait un immeuble de grande hauteur devant obéir à un régime d’autorisation spéciale et soumis à des obligations strictes et contraignantes en termes de sécurité-incendie, fixées par les articles R.122-1 et suivants du CCH et l’arrêté du 30 décembre 2011.
Le régime des IGH est un régime très strict. Dès qu’un immeuble entre dans la catégorie IGH, cela implique que tout projet de construction, d’évolution, d’aménagement ou de changement de destination doit respecter les normes incendie fixées par les textes réglementaires et faire l’objet d’une autorisation préalable du préfet. Toutefois, lorsque le projet est également soumis à un permis de construire, ce dernier vaut autorisation au titre de la réglementation IGH, à condition que le préfet ait donné son accord sur les travaux. Le code de l’urbanisme et le code de la construction organisent à ce titre l’articulation entre les deux réglementations. À titre principal, cela implique que la demande de permis de construire doit contenir les pièces nécessaires à l’autorisation IGH et que le délai d’instruction du permis est porté à cinq mois (R.423-28 du code de l’urbanisme). Les normes applicables varient selon les hauteurs et destinations des immeubles, les textes réglementaires distinguant aujourd’hui dix classes d’IGH distincts.
Les professionnels de l’immobilier avaient mis en avant deux problématiques rencontrées sur les immeubles de bureaux classés IGH et mesurant entre 28 m et 50 m (IGH de classe W1). D’une part, ces immeubles doivent obéir à des normes incendie comparables aux immeubles de plus grande hauteur et à des obligations réglementaires contraignantes qui renchérissent fortement le coût de construction, mais surtout le coût d’exploitation pour ces immeubles de petite taille, ce qui était de nature à faire fuir les investisseurs sur ce type d’immeuble. À ce titre, un arrêté en date du 24 octobre 2016 avait déjà offert un certain assouplissement en allégeant l’obligation de présence des agents de sécurité incendie dans les immeubles de ce type.
D’autre part, il était souligné que la différence de traitement entre les immeubles de logements et les immeubles de bureaux avait pour conséquence de freiner la réversibilité des immeubles, dès lors que ceux-ci n’obéissant pas aux mêmes normes, leur transformation pouvait s’avérer particulièrement coûteuse.
C’est ce dernier argument qui a été mis en avant par le législateur pour justifier de la création de l’immeuble de moyenne hauteur. Mais plus globalement, dans la mesure où cette nouvelle catégorie d’immeuble et son régime simplifié seront applicables à tout projet de construction ou de transformation, ce dispositif pourrait permettre de faciliter la surélévation d’immeuble et rendre moins onéreux la construction de certains immeubles tertiaires ne dépassant pas cette hauteur de 50 m.
En effet, le nouvel article L.122-1 du CCH dispose : « Les travaux qui conduisent à la création, à l’aménagement, à la modification ou au changement de destination d’un immeuble de moyenne hauteur ou d’un immeuble de grande hauteur doivent être conformes aux règles de sécurité fixées, pour chacun de ces types d’immeubles, par décret en Conseil d’État. »
C’est dire si le décret d’application est attendu par les professionnels de l’immobilier. La circulaire en date du 21 décembre 2018 de présentation des dispositions d’application immédiate a également pris soin de préciser les dispositions nécessitant un décret d’application pour entrer en vigueur (annexe II). Il est indiqué pour les IMH qu’un décret d’application sera publié pour le deuxième trimestre 2019 et fixera « les règles de sécurité pour la transformation d’immeubles de moyenne et de grande hauteur ainsi que les modalités de contrôle par les autorités compétentes ».
Dans l’attente de ce décret, il est déjà possible de tirer les grands traits du champ d’application et du régime de ces IMH, en prenant en considération les annonces du Gouvernement et les travaux parlementaires.
S’agissant du champ d’application, la réglementation s’appliquerait aux immeubles dont le plancher bas se situe entre 28 et 50 m. C’est cette fourchette de hauteur qui a été indiqué par le législateur dans les travaux parlementaires, même s’il reviendra au pouvoir réglementaire de le définir. Entrerait dans le champ d’application de la réglementation tout travaux conduisant à la création, à l’aménagement, à la modification ou au changement de destination. Seraient ainsi soumis au contrôle de l’État tous les travaux effectués sur un IMH, comme c’est le cas aujourd’hui pour les IGH. Cela montre que si le souhait est d’assouplir la réglementation, l’État a souhaité conserver un droit de regard eu égard aux enjeux de sécurité induits sur ces immeubles.
Les IMH seront donc également soumis à un régime d’autorisation spécifique, dans des conditions comparables à celles des IGH, même si on peut raisonnablement penser que les modalités de contrôle et les délais d’instruction seront sans doute moins contraignants. De la même manière, lorsque les travaux effectués sur l’IMH seront également soumis à un permis de construire, ce dernier vaudra autorisation au titre de la réglementation IMH. On peut regretter à ce titre qu’une telle articulation des législations n’aient pas été élargie aux déclarations préalables, ce qui auraient facilité les démarches des opérateurs.
S’agissant des normes imposées enfin, l’étude d’impact du projet de loi annonce qu’une réglementation unique serait mise en place pour l’ensemble des immeubles de moyenne hauteur, sans distinction des destinations. Si un tel dispositif était effectivement mis en place, cela faciliterait, du point de vue de la réglementation incendie du moins, les possibilités d’immeubles mixtes qui semblent aujourd’hui être remis au goût du jour (même s’ils posent d’autres difficultés de gestion et de cohabitation dans les faits).
L’étude d’impact indique également que « la réglementation sera écrite en obligation de résultats autant que possible ». Cette idée rejoint là encore un mouvement de fond actuel qui vise à privilégier les résultats à atteindre sur des normes figées, qui s’avèrent parfois inadaptées ou qui entrent en contradiction avec d’autres réglementations. C’est notamment ce qui est privilégié avec le permis d’innover qui permet de déroger à des normes de construction, dès lors qu’il peut être démontré que les objectifs poursuivis peuvent être atteints par d’autres moyens.
Si l’abaissement de la hauteur des IGH est une bonne nouvelle pour la construction des immeubles autres que de logements, on notera que la réglementation des IMH aura pour effet de faire entrer dans un mécanisme de contrôle des immeubles qui en étaient jusqu’à présent exclus au titre de cette réglementation, à savoir les immeubles de logements d’une taille située entre 28 et 50 m. Les conséquences à tirer de cette entrée dans le champ d’application des IMH des immeubles de logements est sans doute à tempérer, dès lors que ceux-ci sont déjà soumis aux normes de sécurité imposées par l’arrêté du 31 janvier 1986. Toutefois, lors des débats parlementaires, il semble que la sécurisation accrue de ces immeubles et des matériaux utilisés pour les façades ait été au cœur des discussions, après l’incendie meurtrier intervenu à Londres dans une tour de logements en 2017.
Le décret d’application attendu permettra de connaître avec précision le champ d’application et le régime juridique des IMH, en espérant que le Gouvernement respecte le calendrier annoncé.
Sur le régime des IGH, on notera dans la loi ELAN un dispositif (d’application immédiate) visant à valider la situation des immeubles de logements à la suite de la décision du Conseil d’État du 6 décembre 2017. Dans cette décision, le Conseil était sollicité pour interpréter la conformité d’un arrêté pris en application des dispositions de l’article R.122-2 du CCH selon laquelle la hauteur d’un immeuble IGH se mesure « entre le niveau du sol (…) et le plancher bas du dernier niveau ». En présence de duplex ou de triplex, se posait donc la question de savoir si c’est le plancher bas du niveau inférieur de cet appartement qui devait être pris en considération, comme l’avait interprété l’arrêté, ou le plancher bas du dernier niveau, peu important qu’il s’agisse d’un même appartement.
Le juge a considéré que c’est cette dernière solution qui devait être retenue, mettant en situation d’irrégularité un certain nombre d’immeubles de logements pris en application de l’arrêté en litige. L’article 31 de la loi vient ainsi régulariser les immeubles concernés dans l’attente de la mise en place de la future réglementation et sous réserve des décisions passées en force de chose jugée.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][ultimate_heading alignment= »left » el_class= »extra-height-bloc-citation » margin_design_tab_text= » »]
Malicia Donniou
Avocate associée
Cabinet Ginkgo Avocats
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