Quelles mesures pour ressusciter Notre-Dame ?

Quelques mois après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame, l’heure est à l’action ! Le projet de loi de restauration, très controversé, a été adopté le mardi 16 juillet 2019. Quelles sont les principales mesures adoptées ? EFE vous propose de décrypter le contenu du texte.

 

Un régime juridique très critiqué, mais moins insidieux

L’ancien article 9 du projet de loi prévoyait des dérogations aux règles d’urbanisme, d’environnement, de construction et de préservation du patrimoine, justifiées en grande partie par l’impérieuse nécessité, selon l’exécutif, d’assurer la reconstruction sous 5 ans du monument à valeur hautement symbolique.

Du point de vue des règles patrimoniales, il n’y a plus vraiment de raison de s’opposer à la version modifiée de l’article 9 mais quelques dérogations demeurent. Le régime dérogatoire de publicité prévu au 1° de l’article L. 581-3 du code de l’environnement s’applique au chantier de la cathédrale Notre‑Dame de Paris.

De façon plus remarquable, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2125-1 du CG3P, l’autorité compétente peut délivrer gratuitement les titres d’occupation du domaine public.

Néanmoins, le paragraphe III de l’article 9, très controversé, car il aurait autorisé le gouvernement dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, « à prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, toutes dispositions relevant du domaine de la loi de nature à faciliter la réalisation, dans les meilleurs délais et dans des conditions de sécurité satisfaisantes, des opérations de travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris » a quant à lui été supprimé car trop général et insidieux pour le législateur. D’autant plus qu’une censure du Conseil constitutionnel était à craindre.

 

La création d’un établissement public à caractère administratif pour assurer la coordination et le suivi des travaux

L’article 8 du projet de loi crée un EPA, lequel, par dérogation aux dispositions de code du patrimoine sera chargé d’assurer tous les travaux nécessaires : des fouilles archéologiques, à la maîtrise d’ouvrage en passant par les travaux de construction et d’aménagement.

L’INRAP qui était pressenti pour les travaux de fouilles archéologiques, n’assurera pas les travaux en raison des règles de commande publique lesquelles exigent une mise en concurrence des opérateurs. En effet, le choix de créer un nouvel organisme et donc de ne pas recourir aux organismes existants tient non seulement à l’importance et à la complexité du chantier, mais aussi de la volonté d’apaiser les polémiques autour des potentiels opérateurs privilégiés afin de prévenir sinon encadrer par la même occasion les contentieux à naître autour de la passation des marchés publics.

Le risque contentieux ne sera pas totalement absent puisque les conventions de maîtrise d’ouvrage passées par l’EPA seront soumises aux règles de la commande publique.

Une souscription nationale sous haute surveillance

Les articles 1 et 2 du projet de loi fixent les modalités de la souscription nationale dont les dons et versements seront reversés, non sans contrôle, à l’établissement public créé pour suivre les travaux.

En effet, l’article 7 du projet prévoit un comité de contrôle des dons, composé du premier président de la Cour des comptes et des présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et de la culture. Dans le cadre de ce contrôle, l’Etat ou l’établissement public créé à cet effet devra publier un rapport chaque année sur l’état du montant des fonds recueillis, leur provenance, leur affectation et leur consommation sous l’œil avisé de ce comité.

 

Le financement public des collectivités rendu possible par l’intervention nécessaire du législateur

Le droit positif actuel interdit aux collectivités territoriales de financer des opérations qui ne relèvent ni d’un intérêt local, ni de la mise en œuvre d’une coopération extérieure.

Selon la jurisprudence, le financement par une collectivité territoriale d’une action d’envergure nationale ou d’une activité située en dehors de son territoire n’est pas possible. Dès lors, le financement par une collectivité territoriale de la restauration d’un site ou d’un monument ne se trouvant pas sur son territoire est illégal [1]. Néanmoins, le principe d’abstention financière des collectivités publiques en matière cultuelle issu des articles 2 et 19 de la loi de séparation de l’État et de l’Église, lequel n’a pas valeur constitutionnelle, est surmonté par voie légale.

À cet effet, l’article 4 du projet de loi prévoit que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également opérer des versements au titre de la souscription nationale auprès de l’Etat ou de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris ».

 

Un régime fiscal dérogatoire

Une réduction fiscale pour les dons et versements réalisés entre le 15 avril 2019 et le 31 décembre 2019 auprès des organismes mentionnés à l’article 3 du projet de loi (Trésor public, Centre des monuments nationaux et fondations mentionnées à l’article 3 du projet de loi) porte le taux de réduction d’impôt à 75 %, applicables dans la limite de 1000 euros. Pour une personne physique, le montant annuel éligible à la réduction d’impôt ne peut excéder 20% du revenu imposable.

 

[1] CE 16 juin 1997, n° 170069, Département de l’Oise. En l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé illégal le financement par le département de l’Oise de la restauration du village de Colombey-les-Deux-Eglises situé en Haute-Marne.