Saisine par voie électronique et instruction dématérialisée des autorisations d’urbanisme

Les grandes surfaces dans le cadre des ORT

Vincent Montrieux
Sous-directeur de la Qualité du cadre de vie
Direction de l’Habitat de l’urbanisme et des paysages

À l’heure où une grande variété de services publics sont accessibles en ligne, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 de la saisine par voie électronique (SVE) en matière de demande d’autorisation d’urbanisme marque une étape supplémentaire dans la politique de simplification et de modernisation des services publics.

Issu de l’ordonnance n°2014-1330 du 6 novembre 2014, le droit de saisine par voie électronique (SVE) permet aux usagers, après s’être identifiés auprès de l’administration compétente, de lui adresser par voie électronique, une demande, une déclaration, un document ou une information, ou de lui répondre par la même voie. Ce droit n’est pas sans conséquence pour les administrations qui sont tenues de mettre à disposition de leurs usagers un ou plusieurs téléservices prenant la forme d’une téléprocédure, d’un formulaire de contact ou d’une adresse électronique. L’ordonnance fixe l’entrée en vigueur de ce nouveau droit au 7 novembre 2015 pour l’État et ses établissements et un an après, soit le 7 novembre 2016, pour les autres autorités administratives, telles que les collectivités territoriales.

Cette précaution s’avérant insuffisante face à l’ampleur du chantier, un décret du 4 novembre 2016 (décret n°2016-1491) a différé l’entrée en vigueur du droit de la SVE au 7 novembre 2018 pour motif de bonne administration dans plusieurs domaines dont celui de l’urbanisme et de la construction. Début 2018, les associations d’élus ont demandé un nouveau report faisant valoir des contraintes en termes de prévisibilité de dépense, de faisabilité technique et d’insécurité juridique. Dans un souci de cohérence, la date de l’application du droit à la SVE en matière d’autorisation d’urbanisme a finalement été alignée sur l’échéance du 1er janvier 2022 prévue par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN) laquelle impose aux communes de plus de 3 500 habitants de disposer d’une téléprocédure permettant de recevoir et d’instruire de manière dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme.

Depuis 2018, le programme « Permis de construire en ligne », anciennement « Démat. ADS », prépare et accompagne les acteurs de l’instruction dans la mise en œuvre de la dématérialisation et s’inscrit dans la démarche Action publique 2022 qui vise à améliorer la qualité des services publics et à moderniser l’action publique, tout en maîtrisant les dépenses et en optimisant les moyens.

Cette révolution numérique dans le domaine de l’application du droit des sols a rendu nécessaire d’une part, l’adaptation du code de l’urbanisme aux échanges électroniques (I) et d’autre part, l’accompagnement de l’État dans la mise en œuvre des demandes d’autorisation d’urbanisme (II).

I. L’adaptation du code de l’urbanisme aux échanges électroniques

L’entrée en vigueur au 1er janvier 2022 des réformes relatives à la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme a nécessité d’adapter le code de l’urbanisme dont les dispositions renvoyaient, pour l’essentiel, à la seule instruction « papier ». Le décret n°2021-981 instaure un régime particulier d’échanges par voie électronique en matière de demandes d’autorisation d’urbanisme (A) et complète par conséquent le régime général du code des relations entre le public et l’administration (CRPA). L’arrêté du 27 juillet 2021 précise les exigences techniques et fonctionnelles des téléprocédures prévues par la loi ÉLAN (B).

A. L’instauration d’un régime particulier d’échanges par voie électronique en matière de demandes d’autorisation d’urbanisme  

Le décret n°2021-981 du 23 juillet 2021 portant diverses mesures relatives aux échanges électroniques en matière de formalité d’urbanisme vient principalement tirer les conséquences, dans le code de l’urbanisme, de l’entrée en vigueur au 1er  janvier 2022 du droit pour les usagers de saisir l’administration par voie électronique en matière de demandes d’autorisations d’urbanisme prévu par l’article L. 112-8 du CRPA. Il se limite à articuler le code de l’urbanisme avec le régime de général des échanges par voie électronique du CRPA s’agissant des relations entre administrations et usager et favorise le recours aux échanges dématérialisés entre administrations, sans toutefois l’imposer.

Pour une meilleure articulation des codes, le décret abroge l’article R*423-48 du code de l’urbanisme qui autorisait l’administration à échanger par voie électronique, mais qui était source d’insécurité juridique, car appliqué en méconnaissance des dispositions de l’article L. 112-15 du CRPA. Or, cet article impose que lorsqu’une lettre recommandée papier est exigée de l’administration, comme c’est bien souvent le cas en matière d’application du droit des sols, l’envoi électronique doit être fait par l’intermédiaire d’un dispositif assurant un niveau de garanti équivalent à celui d’un recommandé papier. La suppression de l’article R*423-48 du code de l’urbanisme met fin à cette ambiguïté et soumet l’ensemble des échanges électroniques en matière de demandes d’autorisation d’urbanisme au régime général du CRPA. Elle ne remet pas en cause la possibilité pour les administrations de recourir aux outils de communication électronique pour transmettre aux usagers les différentes notifications prévues dans le cadre de l’instruction des autorisations d’urbanisme. À cet égard, l’encart des formulaires « CERFA » de demandes d’autorisation d’urbanisme permettant de recueillir le consentement des pétitionnaires sera adapté afin de couvrir l’ensemble des procédés électroniques utilisables par l’administration et non plus seulement les simples échanges courriels.

Les nouvelles dispositions viennent néanmoins préciser ce régime général de manière à répondre aux spécificités du droit des sols. En cas de dépôt dématérialisé, le récépissé est conservé et contient, outre ses mentions obligatoires habituelles, les informations prévues par les articles L. 112-11 et suivants du CRPA. D’importantes précisions sont également apportées par le nouvel article R. 474-1 relatif à la computation des délais qui instaure un quasi-parallélisme des formes avec la procédure papier. Du côté de l’administration, les délais commencent désormais à courir à compter de la date d’envoi par celle-ci de l’accusé de réception électronique ou, le cas échéant, l’accusé d’enregistrement électronique. Du côté de l’usager, celui-ci est réputé avoir été notifié le lendemain de la date d’envoi de l’information ou de l’avis de dépôt sur son adresse électronique et non plus dans un délai de huit jours, comme le prévoyait l’ancien article R*423-48 en l’absence de consultation du document par l’intéressé.

Certaines dispositions tirent par ailleurs les conséquences des avantages procurés par la dématérialisation. Ainsi, les pétitionnaires ne seront plus obligés de déposer plusieurs exemplaires de leurs dossiers et les guichets uniques pourront choisir de procéder à un affichage entièrement électronique de l’avis de dépôts des demandes et des décisions sur le site internet de leur commune.

Le décret entend enfin aller au-delà du régime général mis en place par le CRPA en encadrant a minima les échanges entre administrations effectués par l’intermédiaire d’un dispositif électronique de mise à disposition. Le nouvel article R. 423-59-1 du code de l’urbanisme prévoit ainsi que les services consultés devront recevoir une information leur signalant qu’une demande de mise à disposition d’un document leur est adressée. La mise à disposition déclenchera alors les délais de consultations, le service étant réputé avoir reçu la demande au moment de la mise à disposition.

B. Les exigences techniques et fonctionnelles de la téléprocédure de la loi ÉLAN

Outre l’obligation de mettre en place un téléservice permettant aux usagers de saisir l’administration par voie électronique, l’article L. 423-3 du code de l’urbanisme issu de la loi ÉLAN impose aux communes de plus de 3 500 habitants de se doter à compter du 1erjanvier 2022 d’une téléprocédure de réception et d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme dont les modalités de fonctionnement ont été précisées par l’arrêté du 27 juillet 2021 relatif aux modalités de mise en œuvre des téléprocédures et à la plateforme de partage et d’échange pour le traitement dématérialisé des demandes d’autorisation d’urbanisme. Ce texte est ainsi venu compléter les dispositions législatives du code de l’urbanisme en fixant les exigences techniques et fonctionnelles minimales de la téléprocédure. Les collectivités sont cependant libres de développer des téléprocédures plus performantes.

D’une part, les exigences fonctionnelles prévues par le texte couvrent tant le cadre des relations avec les usagers que celui de l’instruction des demandes et relèvent du bon sens. Ainsi, outre la possibilité offerte pour l’usager de constituer et déposer sa demande avec pièces jointes, la téléprocédure doit permettre au demandeur de suivre l’état d’avancement de son dossier et d’échanger avec l’administration. L’administration doit être en mesure de suivre les demandes faites auprès des services consultés, ainsi que les délais de procédure. Le dispositif doit par ailleurs être paramétrable afin de limiter l’accès aux dossiers uniquement aux personnes habilitées afin de tenir compte de la règlementation en matière de protection des données à caractère personnelle et satisfaire aux recommandations du référentiel général de sécurité des systèmes d’informations. L’arrêté prévoit, enfin, que la téléprocédure doit être en mesure de contrôler l’existence des informations à préciser dans la demande d’autorisation d’urbanisme. Cette disposition ne doit cependant pas être interprétée comme empêchant le dépôt d’un dossier incomplet qui doit toujours faire l’objet d’une lettre d’incomplétude.

D’autre part, les exigences techniques répondent à un double objectif. Le premier est l’accessibilité de la téléprocédure aux usagers qui se traduit par l’obligation d’autoriser, a minima, les documents de 10 méga-octets et les fichiers en formats PDF, PNG et JPEG qui répondent aux impératifs d’interopérabilité des systèmes d’informations. Le second objectif porte sur la sécurité des échanges afin de garantir la protection des données et un niveau de traçabilité équivalent à celui d’un envoi recommandé papier ou électronique.

L’arrêté a aussi été l’occasion de consacrer réglementairement l’existence du système d’information Plat’AU, mis à disposition par l’État auprès des acteurs de la chaîne d’instruction et désigné comme outil de télétransmission aux fins de liquidation des taxes d’urbanisme par le nouvel article R. 331-10 nouveau du code de l’urbanisme.

La dématérialisation des demandes d’autorisation n’est cependant pas qu’une question règlementaire et nécessite d’accompagner les acteurs de la chaîne d’instruction dans la mise en place et le déploiement de leurs solutions informatiques.

II. Accompagnement de l’État dans la mise en œuvre de la dématérialisation des DAU

Les communes, les directions départementales des Territoires (et de la Mer) (DDT(M)), les centres instructeurs, etc. jouent un rôle indispensable dans la mise en œuvre de la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme. Cette nouvelle étape vers la dématérialisation des services publics implique de leur part une réflexion globale portant à la fois sur l’accompagnement de leurs agents aux nouveaux usages numériques, le développement des systèmes d’informations et la communication auprès des usagers.

Afin d’aider cette transformation d’ampleur, l’État conçoit et met à disposition gratuitement la suite logicielle XX’AU (A) et mène des actions de communications et de formations auprès des acteurs de la dématérialisation (B).

A. Mise à disposition gratuite de la suite de logicielle XX’AU

Afin d’accompagner les collectivités territoriales et les autres acteurs de l’instruction pour leur permettre de répondre à leurs obligations réglementaires, l’État déploie une suite logicielle permettant l’accès dématérialisé et simultané de l’ensemble des acteurs de l’instruction à un dossier unique, depuis le dépôt de la demande par le pétitionnaire, jusqu’au recouvrement des taxes une fois le projet réalisé. Guichet unique, centre instructeur, services consultables, contrôle de légalité, services de fiscalité, etc., ce sont en effet jusqu’à plus de quarante acteurs qui peuvent être impliqués dans l’instruction d’un dossier de demande d’autorisation d’urbanisme. Les échanges papiers non seulement entraînent pour les agents des tâches chronophages, sans valeur ajoutée, comme l’affranchissement et l’envoi des courriers, mais aussi impliquent un processus complexe et lourd de gestion des versions du dossier entre tous les acteurs et de consolidation et d’actualisation des données. In fine, ces tâches augmentent le risque de perte d’informations dans la chaîne d’instruction préjudiciable pour sa qualité.

Afin de répondre à l’ensemble de ces problématiques et faciliter la transmission des informations entre les différents acteurs de la chaine d’instruction, l’État a développé Plat’AU, une plateforme d’échange et de partage qui vise à connecter les systèmes d’information des services de l’État, des collectivités locales et des services consultés ensemble. Plat’AU n’est pas un outil métier, seulement un « hub » auquel devront se raccorder l’ensemble des acteurs de la chaîne, qui conservent leur propre système d’information dans lequel les nouveaux dossiers viendront s’intégrer automatiquement.

Ce développement, assuré par le ministère chargé du logement,a été réalisé en étroite collaboration avec l’ensemble des parties prenantes du programme, qu’il s’agisse des associations de collectivités locales (association des maires de France, Intercommunalités de France), de plusieurs ministères (ministère de la transformation et de la fonction publiques, ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ministère de la culture, ministère de l’intérieur, ministère de l’économie, des finances et de la relance), des services déconcentrés de l’Etat, du CNFPT, de la FNCCR, de l’UDAP ou de l’ensemble des éditeurs de logiciels d’instruction, avec la constitution de groupes de travail, de comité de suivi permettant des échanges sur les volets tant réglementaires que techniques du programme.

D’autres outils viennent compléter la suite logicielle XX’AU, tel qu’AD’AU pour assistance aux demandes d’autorisation d’urbanisme accessible en ligne sur le site service-public.fr qui aide les pétitionnaires à constituer leur dossier et permet, en cas de raccordement de la commune concernée, d’envoyer directement leur demande au guichet unique compétent. Les communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU) ou ayant procédé à une mise à disposition totale auprès de leur DDT(M) pourront disposer d’une solution clé en main, RIE’AU, pour réception, informations et échanges des autorisations d’urbanisme, qui leur permettra de recevoir les demandes des pétitionnaires depuis AD’AU. Les services consultés épisodiquement pourront utiliser Avis’AU, une plateforme de réception et de traitement des demandes d’avis relatifs à l’instruction des autorisations d’urbanisme. L’ensemble de ces outils seront reliés à Plat’AU qui constitue la clé de voûte de ce dispositif gratuit, non obligatoire, mais indispensable à un meilleur fonctionnement de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.

B. Des actions de communication et de formation

L’État accompagne les DDT(M) et les collectivités territoriales en mettant à leur disposition la plateforme OSMOSE (Démat. ADS – Le permis de construire en ligne https://osmose.numerique.gouv.fr– pour s’inscrire : https://bit.ly/2Yqnpz5) qui constitue un espace d’échange et de partage, entre tous les acteurs de la communauté (collectivités, administrations déconcentrées, éditeurs de solution, partenaires du programme…). Le ministère de la Transition écologique, en tant que pilote du programme, anime les échanges et met régulièrement à disposition de tous des ressources visant à faciliter le déploiement de la démarche, tout en communiquant de manière transparente sur l’actualité et les événements emblématiques susceptibles d’intéresser les différents acteurs. Plus particulièrement, dans le cadre du programme de Transformation numérique des territoires animé par la direction interministérielle du Numérique, un groupe de travail dédié à la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme, co-piloté par l’association des Maires de France et le ministère, a réuni un ensemble de collectivités pour produire des documents pratiques, réalisés pour guider les collectivités et mettre à leur disposition des outils qui leur permettent de savoir très concrètement ce qu’elles doivent mettre en place pour être au rendez-vous de leurs obligations réglementaires : vademecum SVE, guide de rédaction des conditions générales d’utilisation, vademecum de la signature dans le cadre de la communication auprès des pétitionnaires… La communication autour du programme « Permis de construire en ligne » cible aussi directement les pétitionnaires, qu’ils soient professionnels ou particuliers, à travers une large campagne dans les médias.

Le gouvernement s’investit par ailleurs dans la formation des agents de la fonction publique d’État et territoriale au côté du centre national de la Fonction publique territoriale (CNFPT) en réalisant plusieurs webinaires présentant successivement les différentes briques de la suite logicielle XX’AU ainsi que les textes règlementaires portant sur la dématérialisation des demandes d’autorisation d’urbanisme.

À ce jour, nous pouvons affirmer que tous les acteurs ainsi que les briques fonctionnelles de la dématérialisation des demandes d’autorisations d’urbanisme sont prêtes ou seront prêtes au 1er janvier 2022. Sur le chantier de raccordement, les travaux ont été menés conjointement avec les différents partenaires : le ministère de la Culture et leur réseau de services déconcentrés, les services départementaux Incendie et secours, les services gestionnaires, la direction générale des Collectivités territoriales pour le raccordement de leur outil de contrôle de légalité, @ctes, à Plat’AU. Le réseau déconcentré est également prêt à échanger les premiers flux, les DDT(M) ayant pleinement joué leur rôle de relai sur les territoires, en permettant un large écho des actions de l’État via leurs dispositifs locaux, notamment les club Application du droit des sols.

Au 1er janvier, les communes seront donc armées pour répondre à leurs obligations. Pour autant, le déploiement de la dématérialisation se poursuivra tout au long de l’année 2022 afin d’accueillir à terme l’ensemble des acteurs et de proposer de nouvelles fonctionnalités. L’État poursuivra donc ses missions d’animation et son pilotage pour accompagner cette montée en puissance et faire émerger rapidement de premiers retours d’expérience et améliorer, le cas échéant, les textes.

Pour le pétitionnaire, même si un dépôt par voie papier restera toujours possible, force est de constater que près des trois quarts des formalités pour lesquelles une solution dématérialisée est déjà offerte s’effectuent aujourd’hui par voie électronique. Il est donc probable que les demandeurs, en particulier les professionnels, s’approprieront rapidement, pour les autorisations d’urbanisme, ces solutions et que les usages se conformeront à la tendance générale d’utilisation des demandes dématérialisées au cours du premier trimestre 2022.