Évaluation environnementale et contentieux de l’urbanisme, comment éviter l’annulation ?

Les grandes surfaces dans le cadre des ORT

Laura Ceccarelli-Le GuenAvocate associée
DS Avocats

Laetitia Santoni
Avocate Associée
EY
Société d’Avocats

Depuis plusieurs années, l’environnement est devenu une question incontournable dans la conception et la réalisation des projets immobiliers, que ce soit sur le plan procédural que sur le fond.

Les moyens tirés de la violation de la procédure environnementale et de l’atteinte à l’environnement ou à la santé humaine sont de plus en plus fréquemment plus invoqués aussi bien contre les autorisations d’urbanisme que contre les documents d’urbanisme.

Ils apparaissent souvent plus efficaces que ceux tirés de la violation des règles d’urbanisme pour retarder ou empêcher la réalisation d’un projet.

En effet, qu’il s’agisse de documents d’urbanisme, d’autorisations d’urbanisme ou d’autorisations environnementales, le juge administratif dispose de nombreux outils pour limiter les risques d’annulation : en premier lieu, il doit, sur le fondement de la jurisprudence Danthony (CE ass. 23 décembre 2011, n° 335033, Lebon) écarter les vices « qui n’ont pas été susceptibles de priver les intéressés d’une garantie, ni d’avoir une influence sur le sens de la décision prise » ; lorsque le vice n’est pas « danthonysable » mais peut être régularisé, il peut (en matière de documents d’urbanisme), ou il doit (en matière d’autorisation ou de déclaration d’urbanisme) surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation ; il peut enfin limiter l’annulation à une partie divisible.

La plupart des moyens issus du droit de l’environnement sont susceptibles de bénéficier de ces mécanismes, qui permettent d’éviter l’annulation totale.

Mais les autorisations d’urbanisme paraissent pouvoir en bénéficier plus facilement que les documents d’urbanisme.

1. En matière d’autorisations d’urbanisme

La possibilité de « danthonyser » la plupart des moyens, mais pas tous

Très utilisée en matière de contentieux de l’urbanisme, la « danthonysation » des vices, qui permet d’éviter que des vices véniels puissent conduire à l’annulation systématique des actes administratifs, s’applique à la plupart des moyens issus du droit de l’environnement.

Étendue au moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact (considéré comme un moyen de légalité externe) par la jurisprudence Ocréal (CE, 14 octobre 2011, Société Ocréal, n° 323257), elle permet ainsi d’éviter de nombreuses annulations pour des vices mineurs ayant trait à l’irrégularité d’une procédure de participation du public, à l’omission d’une rubrique dans un formulaire de cas par cas…

En revanche, elle reste exclue pour le vice relatif au caractère irrégulier de l’avis de l’autorité environnementale en raison de l’absence d’autonomie réelle du préfet de Région (CE, 6 décembre 2017, FNE, n° 4000559, Lebon), lorsque le préfet est également compétent pour délivrer l’autorisation de réaliser le projet (par exemple une DUP, un permis de construire pour une éolienne, une autorisation environnementale), ou pour en assurer la maîtrise d’ouvrage. Ce vice ne peut être neutralisé et doit être régularisé (CE, 28 avril 2021, n° 437581).

De même, la mauvaise délimitation du périmètre du projet, exercice particulièrement difficile, n’est généralement pas danthonysable car elle conduit à des lacunes particulièrement importantes de l’étude d’impact.

C’est uniquement lorsque le vice n’est pas « danthonysable », que le juge administratif va s’interroger sur la possibilité de le régulariser, et faire usage de son pouvoir de surseoir à statuer ou à défaut d’annulation partielle (CE 1er mars 2023, Société Ferme éolienne de Saint-Maurice, n° 458933).

Le développement croissant du sursis à statuer en vue d’une régularisation et ses limites

Le sursis à statuer en vue d’une régularisation est fréquemment utilisé en matière d’autorisations d’urbanisme, par exemple :

Pour la régularisation du vice lié à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale,

En termes de méthode, un nouvel avis doit être demandé à la MRAe et porté à l’information du public dans le cadre d’une enquête publique complémentaire s’il diffère substantiellement de l’avis initial ou, dans le cas contraire, d’une simple publication sur internet (CE, 27 mai 2019, n° 420554, association « Éoliennes s’en naît trop« ). Il en est de même pour les autorisations environnementales sur le fondement de l’article L. 181-18 CE (CE 25 janvier 2023, n° 448911, tables Lebon ; V. aussi Avis CE, 27 septembre 2018, n° 4200119, Lebon)

En matière d’insuffisance d’étude d’impact, la jurisprudence, encore rare s’agissant des autorisations d’urbanisme, commence à s’étoffer sur le terreau fertile des recours contre des déclarations d’utilité publique.

Remarquons cependant que le tribunal administratif de Montreuil (2 déc. 2021, n° 2009343) a, par exemple, accordé un délai de 12 mois à un pétitionnaire pour compléter les lacunes de l’étude d’impact de son projet de construction et prévoir des mesures suffisantes pour réduire ses effets négatifs en matière de pollution atmosphérique, d’émissions de polluants dans l’air et de contribution au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Il n’avait toutefois pas précisé les modalités de cette régularisation, alors même que la procédure d’évaluation environnementale requiert de respecter différentes étapes. Aucun permis de construire de régularisation n’ayant été produit dans le délai imparti, le tribunal a finalement annulé les permis de construire litigieux par un jugement du 6 avril 2023.

À l’occasion d’un recours dirigé contre une déclaration d’utilité publique emportant mise en compatibilité d’un PLU, la cour administrative d’appel de Paris a donné des précisions sur la marche à suivre pour régulariser un vice lié à l’insuffisance de l’étude d’impact (CAA Paris, 10 juin 2022, n° 20PA03228 ; confirmé par CE, 11 décembre 2023, n°466593).

La cour administrative d’appel a considéré que les lacunes concernant les nuisances sonores liées à la voie ferrée et l’étude faune flore, étaient susceptibles d’être comblées par des nouvelles études et a précisé qu’une enquête publique complémentaire devrait être organisée à titre de régularisation en cas de conclusions substantiellement différentes de celles de l’étude d’impact initiale. Elle a réservé la question de l’appréciation de l’utilité publique du projet en précisant que ce moyen sera susceptible d’être accueilli ou écarté après la régularisation éventuelle des lacunes de l’étude d’impact.

Le juge de l’autorisation environnementale utilise fréquemment la possibilité de surseoir à statuer en cas d’insuffisance de l’étude d’impact, en donnant des instructions très précises sur ce qu’il attend (CAA Marseille 10 novembre 2023, n° 23MA00797 ; CAA Nancy, 27 juin 2023, Association plein ciel en Thiérache et Porcien, n° 19NC01647).

Le juge administratif reconnait également la possibilité, dans certaines circonstances, de régulariser une absence d’étude d’impact.

La cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 12 octobre 2023, n° 21TL04595 ; V. également TA d’Amiens, 4 juillet 2023 n° 2104245) a fait une intéressante application de cette possibilité à l’occasion d’un recours contre une DUP d’un projet d’aménagement urbain, situé en deçà du seuil de la rubrique 39 (8 780 m² de surface de plancher), mais qui prévoyait la réalisation d’une « voie de desserte » relevant de la rubrique 6. Même si cette voie n’était pas l’objet principal et unique de la DUP, elle devait faire l’objet d’une demande d’examen au cas par cas. La cour a estimé que ce vice de procédure n’était pas danthonysable, mais qu’il pouvait être régularisé par la saisine de l’autorité compétente dans le cadre d’un examen au cas par cas afin d’obtenir une dispense d’étude d’impact. Elle a donc sursis à statuer dans l’attente de la production d’une éventuelle décision de dispense d’étude d’impact par l’autorité environnementale dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt avant dire droit.

Il convient cependant de rappeler que l’absence d’étude d’impact est un vice particulièrement grave, et le juge des référés doit faire droit à une demande de suspension dès que cette absence est constatée (C. env. art. L. 122-2), précision étant faite que ce référé doit être formé avant l’expiration du délai pour la cristallisation des moyens (C. urb. Art. L. 600-3 et R. 600-5), délai que la mise en œuvre d’une médiation n’a pas pour effet d’interrompre (CE, 13 nov. 2023, n° 471898, T).

La CAA de Versailles (CAA Versailles, 25 mars 2024, n° 2102733) a également reconnu récemment la possibilité de régulariser la déclaration d’utilité publique du Tramway T10 qui était entachée d’un vice de forme tenant à l’absence de mention expresse des mesures ERC par l’édiction d’un nouvel arrêté les intégrant sans qu’il soit besoin d’élaborer une nouvelle étude d’impact, ni d’organiser une enquête publique complémentaire à titre de régularisation.

Les limites de ce mécanisme de régularisation 

Le mécanisme de régularisation peut soulever des difficultés, lorsque le projet initial a été dispensé d’étude d’impact, mais que le permis de régularisation porte sur un projet substantiellement différent du permis initial. Dans un arrêt du 5 avril 2022, la CAA de Bordeaux a jugé qu’il convenait, dans ce cas de figure, de faire une nouvelle demande de cas par cas avant sa délivrance. Le pourvoi n’a pas été jugé recevable par le Conseil d’État.

Il faut relever que les délais accordés par le juge administratif sont souvent trop courts pour faire des études complémentaires, déposer le permis de construire de régularisation, solliciter l’avis de l’Ae, préparer le mémoire en réponse, organiser l’information du public (participation par voie électronique, enquête publique, publication sur internet), et obtenir le permis de régularisation.

Par ailleurs, les pétitionnaires peuvent être réticents à engager de nouvelles études, qui pourraient le contraindre à modifier son projet ou à prévoir de nouvelles mesures ERC.

Enfin, il existe un risque que les compléments apportés à l’étude d’impact ou le nouvel avis révèlent des atteintes excessives à l’environnement, qui conduisent le juge administratif à annuler la décision. Le juge administratif réserve en général la réponse aux moyens qu’il n’est pas en mesure d’apprécier compte-tenu des lacunes ou de l’absence d’étude d’impact. Ces moyens pourront être écartés ou accueillis après la régularisation du dossier de demande (CAA Marseille 10 novembre 2023, n° 23MA0097).

Enfin, certains vices ne peuvent être régularisés.

Dans les affaires des Mille arbres et de la ville multi strate, les projets immobiliers ont été annulés en raison d’un risque pour la salubrité publique. La CAA de Paris a refusé de surseoir à statuer en considérant qu’il n’était pas possible d’assurer la conformité du projet sans y apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même (Avis CE 2 octobre 2020, n° 438318, Lebon).

En effet, compte-tenu des caractéristiques des projets, leur localisation, la configuration des lieux, l’importance de la circulation automobile…, la seule possibilité de diminuer de façon globale, pérenne et suffisamment certaine la concentration de polluants dans l’air ambiant implique de renoncer au recouvrement du boulevard périphérique à l’origine du déplacement des polluants.

Le juge dispose enfin de la possibilité de limiter l’annulation à une partie divisible. Par exemple, l’insuffisance de l’étude d’impact portant sur l’une des éoliennes comprises dans un projet entache d’illégalité les seules dispositions du permis de construire applicables à cette éolienne, dès lors qu’elles sont divisibles du reste du permis (CAA Bordeaux 1er ch., 24 janvier 2013, n° 12BX00095).

  1. En matière de documents d’urbanisme

Le juge dispose également en matière de documents d’urbanisme, de l’arsenal des mécanismes élaborés par le législateur ou la jurisprudence, qui conduit à restreindre progressivement les moyens de légalité soulevés à l’encontre de la délibération approuvant le PLU.

Rappelons qu’il faut distinguer le recours direct (recours pour excès de pouvoir), voie classique du contentieux de la légalité, du recours indirect (exception d’illégalité du PLU), au titre duquel l’illégalité des dispositions du plan est invoquée au soutien d’un recours contre un acte individuel en faisant application.

Le contentieux des PLU, s’il est moins fourni que celui des autorisations d’urbanisme, offre également une palette d’outils permettant de « danthonyser » ou régulariser les vices constatés, permettant d’éviter le plus souvent leur annulation.

En matière environnementale, on remarque cependant un certain durcissement des juges du fond, spécialement en zone de montagne, où SCOT et PLU sont invités à faire preuve de plus de rigueur à l’égard du changement climatique (TA Grenoble, 30 mai 2023, n° 2002427, 2004369 et 2004919 annulant le SCOT du Pays de Maurienne ; TA Grenoble, 15 févr. 2024, n° 2003073 annulant le PLU de l’Alpes d’Huez ; TA Grenoble, 6 mars 2024, n° 2003742 prononçant un sursis à statuer pour régularisation du PLU du Grand Bornand).

Rappelons à titre liminaire que les dispositions de l’article L. 600-1 interdisent de soulever par la voie de l’exception, mais également dans le cas d’un recours direct (CE, 23 déc. 2014, n° 368098), l’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un PLU ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, après l’expiration d’un délai de 6 mois à compter de la prise d’effet du document en cause. Ces dispositions sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision (même simplifiée – CAA Bordeaux, 1re ch., 15 nov. 2017, n° 15BX02795) – d’un document d’urbanisme. Toutefois, elles ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique sur les PLU, soit l’absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.

Ainsi, le moyen tiré de l’insuffisance du rapport de présentation dont fait partie l’évaluation environnementale constitue un vice de forme qui ne peut plus être soulevé au-delà du délai de 6 mois.

Par ailleurs, afin d’assurer une meilleure sécurité juridique des documents d’urbanisme, la loi ALUR a ouvert au juge administratif un mécanisme de régularisation en cours d’instance, ce qui lui permet de surseoir à statuer en attendant la régularisation du document contesté (C. urb. Art. L. 600-9). Il faut relever que le document d’urbanisme reste applicable jusqu’à l’expiration de ce délai. En revanche, cette possibilité de surseoir à statuer est exclue lorsque l’illégalité susceptible d’être régularisée concerne une procédure de modification (CAA Lyon, 1re ch., 16 juin 2020, n° 19LY00503).

Pour mettre en œuvre ce dispositif, le juge doit d’abord avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés.

En effet, s’ils sont fondés et non régularisables, ils entraînent à eux seuls l’annulation du document. Il est nécessaire que les motifs pour lesquels ces moyens sont écartés figurent dans la décision avant-dire droit prononçant le sursis à statuer (CE, 18 déc. 2020, n° 421987) ; il doit ensuite avoir invité les parties à présenter leurs observations, dans le respect du contradictoire.

Cette possibilité de sursis reste strictement encadrée. Le juge ne peut surseoir à statuer (jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation), sous les réserves suivantes :

  • en cas d’illégalité autre qu’un vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité est susceptible d’être régularisée par une procédure de modification prévue aux articles L. 153-36 à L. 153-48 (pour les PLU) du code de l’urbanisme ;
  • en cas d’illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité a eu lieu, pour les SCOT et les PLU, après le débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables (PADD).

Le juge fixe alors un délai et détermine les modalités de la régularisation du vice qu’il a relevé ; il peut être fait usage de cette possibilité pour la première fois en appel, alors même que le document d’urbanisme en cause a été annulé par les premiers juges (CE, 22 déc. 2017, n° 395963).

Sur ce fondement, pour régulariser le vice tiré de l’absence d’évaluation environnementale, la CAA de Nantes a pu sursoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an imparti à une collectivité locale pour réapprouver un PLU (CAA Nantes, 22 déc. 2020, n° 19NT02169).

Sans traiter de son articulation avec l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat prévoit un dispositif similaire mais plus souple, applicable aux plans et programmes mentionnés à l’article L. 122-5, 1°, du code de l’environnement (C. env., art. L. 191-1). Sont ainsi visés les plans soumis à évaluation environnementale de manière systématique ou après un examen au cas par cas, au titre desquels peuvent figurer les PLU et les PLUi en application de l’article R. 122-17 du code de l’environnement. Le champ d’application de ce nouveau dispositif apparaît plus large, dès lors qu’il n’apparaît pas limité aux procédures d’élaboration ou de révision du plan, mais pourrait être mis en œuvre à la modification, contrairement à l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme qui ne prévoit pas cette dernière hypothèse. En outre, les conditions de mise en œuvre sont plus souples que celles de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme. Il est seulement indiqué qu’après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés puis invité les parties à présenter leurs observations, le juge peut surseoir jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation (sous réserve d’être saisi de conclusions en ce sens). Pendant ce délai, le plan reste applicable. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

On peut dès lors s’étonner du maintien de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme.

Lorsque la procédure d’évolution du document d’urbanisme procède d’une DUP emportant mise en compatibilité, elle peut également être régularisée, selon la méthode créée de façon prétorienne par le Conseil d’État, ainsi qu’évoqué en première partie (CE, 9 juill. 2021, n° 437634). Les modalités de régularisation sont calquées sur les dispositifs des articles L. 600-9 du code de l’urbanisme et L. 191-1 du code de l’environnement.

S’agissant de l’invocation par la voie de l’exception d’illégalité des dispositions du PLU applicables à un projet, la mécanique est plus ardue.

La plupart des vices susceptibles d’affecter le volet environnemental des PLU est souvent sauvegardée par les dispositions de l’article L. 600-1 précédemment rappelées, dès lors que l’évaluation environnementale fait partie du rapport de présentation. Il s’agit donc d’un vice de forme ou de procédure, qui ne peut plus être invoqué, passé le délai de 6 mois prévu à cet article.

Rappelons par ailleurs que le lien juridique entre le document d’urbanisme et l’autorisation d’urbanisme s’est progressivement réduit. L’article L. 600-12-1, introduit par la loi ELAN dans le code de l’urbanisme ne permet l’annulation par voie de conséquence que si la non-conformité entre l’autorisation et le document d’urbanisme tient aux règles d’urbanisme applicables au projet contesté. Un lien doit donc être établi par le requérant entre le motif d’annulation par voie de conséquence et le droit des sols applicable à la zone concernée.

Cette question des effets de l’annulation ou de la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a été précisée dans un avis contentieux (CE, sect., avis, 2 oct. 2020, n° 436934, A., SCI du Petit Bois), en forme de mode d’emploi.

Il énonce en premier lieu comment le caractère étranger ou non du motif d’illégalité doit être apprécié : lorsqu’est en cause un vice d’illégalité externe, celui-ci est présumé étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet. Il n’en va différemment que si ce vice « a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet ». Les vices d’illégalité interne sont eux présumés ne pas être étrangers aux règles d’urbanisme applicables. Il n’en va différemment que si le vice en cause « concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet ». Ces présomptions sont simples.

En second lieu, s’agissant de l’articulation entre l’article L. 600-12-1 et l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme, ce dernier article précisant que l’annulation d’un document d’urbanisme fait revivre le document antérieur, le Conseil d’État a resserré encore la fenêtre de tir : lorsque le motif d’illégalité n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, l’annulation de l’autorisation d’urbanisme ne sera pas alors nécessairement prononcée. Encore faut-il déterminer si celle-ci peut être maintenue au regard des dispositions d’urbanisme remises en vigueur. Et, à cet égard, si les motifs retenus affectent la légalité de « la totalité » du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée doit être appréciée au regard « de l’ensemble » du document antérieur remis en vigueur. En revanche, lorsque le vice affecte une partie divisible du document, soit territorialement, soit matériellement, ce sont respectivement les dispositions du document antérieur « relatives à cette zone géographique » ou « les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document » qui sont prises en compte pour apprécier la légalité de l’autorisation contestée. Le Conseil d’État précise même que le juge peut parfaitement appliquer, dans le même temps, une partie des dispositions du document partiellement illégal et une autre partie du document remis en vigueur, dès lors que ces deux documents sont compatibles et forment un ensemble complet et cohérent. Et c’est au regard de ces deux documents que la légalité de l’autorisation d’urbanisme sera appréciée.

Le Conseil d’État a récemment fait une application plutôt généreuse de cet avis, précisément à l’égard de l’évaluation environnementale d’une mise en compatibilité d’un PLU (CE, 5 févr. 2024, n° 463620, Sté Doubs Ouest Énergies 2).

Dans cette affaire, le juge de cassation se prononce sur une situation inédite s’agissant de la frontière entre l’évaluation environnementale des plans et programmes et l’évaluation environnementale des projets, et s’appuie sur la solution mise en œuvre dans la décision SCI du Petit Bois.

Plusieurs associations et riverains avaient demandé à la cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy, 8 mars 2022, n° 19NC00868), qui a fait droit à leur demande, l’annulation de l’arrêté préfectoral autorisant une société à construire et exploiter un parc éolien.

Les requérants soulevaient, par la voie de l’exception, le moyen tiré de ce que la mise en compatibilité du PLU serait irrégulière faute d’avoir été précédée d’une évaluation environnementale, et avaient obtenu gain de cause en appel.

Le PLU avait fait l’objet, un mois avant la délivrance de l’autorisation, d’une mise en compatibilité dont l’objet même était de permettre l’installation d’éoliennes dans les zones A et N de la commune. Cette procédure n’avait pas été précédée d’une évaluation environnementale ; en effet, à la suite d’un examen au cas par cas, l’autorité environnementale avait considéré qu’il n’était pas nécessaire de soumettre cette mise en compatibilité à évaluation environnementale dès lors que le projet lui-même était soumis à une telle évaluation. Or, la cour administrative d’appel, après avoir relevé que cette mise en compatibilité conduisait à modifier la réglementation applicable aux zones A et N du PLU, sur un périmètre excédant celui du seul projet de la société, a jugé que la mise en compatibilité du PLU aurait dû être précédée d’une évaluation environnementale. Elle avait alors considéré que le vice n’était pas « danthonysable ». Ce vice entachait donc d’illégalité la délibération approuvant la mise en compatibilité du PLU. La Cour avait considéré que cette illégalité était en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation litigieuse, dès lors que, alors même qu’il s’agit d’un vice de légalité externe, elle a exercé une influence directe sur les règles d’urbanisme applicables au projet. Au regard du document d’urbanisme antérieur remis en vigueur, la Cour avait donc considéré que le projet litigieux n’était pas conforme aux règles d’urbanisme remises en vigueur en raison de l’illégalité de la mise en compatibilité.

Le Conseil d’État, conformément à la logique de l’avis SCI du Petit Bois, circonscrit le périmètre du vice de procédure ayant affecté la mise en compatibilité du PLU à la zone concernée par le parc éolien. Or, s’agissant de ce périmètre, au regard des règles régissant le terrain d’assiette du parc, le vice devenait danthonysable dans la mesure où l’étude d’impact réalisée concomitamment pour le projet éolien concernait bel et bien ces parcelles.

Il s’agissait ici d’un vice de légalité externe, présumé étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, sauf lorsque le vice « a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet ».

Or, à l’échelle du périmètre du projet, il y avait eu une évaluation environnementale ayant le même objet que celle qui aurait dû être réalisée au titre de la mise en compatibilité du PLU pour ce qui concerne le périmètre correspondant à l’assiette du projet et cette évaluation avait été jointe au dossier de l’enquête publique, ce qui avait permis d’assurer l’information du public. Ainsi, dans le périmètre de projet, le vice affectant le plan était danthonysable. L’absence d’évaluation environnementale à l’échelle du plan (hors projet) était donc un vice étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, sans incidence sur la légalité de l’autorisation en litige. Le moyen s’en trouve alors inopérant.

Ce faisant, le Conseil d’État crée néanmoins une passerelle inédite entre l’évaluation environnementale du plan/programme et celle du projet, lorsque celui-ci nécessite une adaptation des règles d’urbanisme. En considérant qu’il est « Danthony-compatible » de se passer d’évaluation environnementale à l’échelle du plan sur le périmètre du projet, le Conseil d’État questionne, peut-être involontairement, la pertinence de faire une évaluation environnementale des évolutions des documents d’urbanisme lorsque le périmètre de l’évolution du plan coïncide avec celui du projet, lui-même soumis à évaluation environnementale.

Pour aller plus loin, nous vous conseillons de suivre la formation suivante : Contentieux de l’urbanisme – EFE