Le lotissement

Jérôme Tremeau
Professeur à l’Université Paul-Cézanne, Aix Marseille III

1) Quelle règlementation actuelle pour le lotissement ?

Le régime du lotissement applicable depuis le 1er octobre 2007, issu de l’ordonnance du 8 décembre 2005, distingue deux types d’autorisations : le permis d’aménager d’un côté, la déclaration préalable de l’autre. Ces deux formes de lotissements ont vu leur régime juridique progressivement différencié, notamment du fait de la survenance des lois du 13 juillet 2006 et du 5 mars 2007 et de la modification (avant son entrée en vigueur) du décret d’application du 5 janvier 2007.

Cette différence entre les deux modalités d’autorisations du lotissement est encore aggravée par la conception que se fait l’administration de l’instruction d’une déclaration préalable, qui diffère de celle d’un permis d’aménager. Se réfugiant derrière la brièveté du délai d’instruction de la déclaration, celle-ci considère qu’elle n’a pas à examiner la nécessité éventuelle de travaux de viabilisation pour ce type de lotissement, mais seulement à vérifier que la zone est constructible, compte-tenu des règles d’urbanisme pertinentes.

En réalité, tout se passe comme si l’administration se bornait, dans le cadre de la déclaration préalable, à constater le principe d’une division (cf. site ministériel, les questions-réponses, verbo lotissements, question « Détachement d’un lot ») en zone constructible, comme elle le faisait avec l’ancien article R. 315-54 du Code de l’urbanisme, sans se prononcer sur la viabilité concrète du projet. Pourtant, le mécanisme de la déclaration préalable constitue une modalité d’autorisation d’occupation du sol et relève d’ailleurs de l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme.

2) Quelle assiette de référence pour le lotissement ?

Alors que sous l’ancien régime, l’assiette du lotissement s’imposait au pétitionnaire, la nouvelle règlementation offre au contraire une grande liberté. En effet, la suppression du seuil conditionnant l’entrée en lotissement a modifié la perspective. Mais, dès lors que toute division est constitutive d’un lotissement, il n’est plus utile que soit défini objectivement le cadre de cette opération, comme auparavant, lorsque celui-ci constituait le support pour déterminer si la division était, ou non, en franchise d’autorisation. Celui-ci ne pouvait, avant le 1er octobre 2007, être laissé à la libre appréciation du diviseur, qui aurait beau jeu de restreindre le plus possible l’unité foncière de référence, afin de multiplier les divisions en deux (voire en quatre) exonérées de contrôle administratif.

La définition de l’assiette, parce que nécessaire au décompte, était donc d’ordre public. Aussi, le juge administratif avait-il été conduit à définir l’entité foncière dans le cadre de laquelle doit être apprécié le nombre de divisions. Il ressort de la jurisprudence que deux éléments forment cette notion : l’identité de propriétaire et la contiguïté. Ainsi, des parcelles appartenant à des propriétaires différents, ou séparées les unes des autres, constituent autant d’unités foncières distinctes, susceptibles d’être divisées librement en deux sous l’ancien régime. Aujourd’hui, cette notion d’unité foncière n’a d’intérêt que pour rappeler que la division en vue de bâtir plusieurs parcelles cadastrales contiguës, appartenant au même propriétaire, est toujours constitutive d’un lotissement.

3) Quelle possibilité de modulation de l’assiette ?

Le Code de l’urbanisme laisse désormais une importante marge de manœuvre pour constituer l’assiette de la division. Cette liberté résulte de la possibilité de ne lotir qu’une fraction de la propriété, ou, au contraire, de permettre à plusieurs propriétaires de se regrouper pour définir le cadre physique d’une autorisation de lotir.

Toutefois, la rédaction des textes amène à s’interroger sur la possibilité d’un lotissement partiel en cas de lotissement autorisé par déclaration préalable (S. Pérignon, « Retour sur le troisième lot », JCP éd. N, 11 avril 2008, étude 1172). Ainsi, les articles R. 441-1 (« la demande peut ne porter que sur une partie d’une unité foncière ») et R. 441-4 (« dans le cas où la demande ne concerne pas la totalité de l’unité foncière ») ne concernent que le permis d’aménager. De même, la division primaire, qui implique la possibilité qu’une autorisation de lotir ait été délivrée sur une partie seulement d’une propriété foncière, ne vise, depuis la modification issue du décret du 11 mai 2007, que le permis d’aménager.

La possibilité qu’une autorisation d’occupation du sol soit sollicitée par plusieurs personnes disposant de titres juridiques sur des terrains différents (colotissement) introduit de la souplesse dans le montage des opérations. Elle résulte, implicitement mais sûrement, du texte de l’article R. 423-1, concernant toutes les autorisations (« le ou les propriétaires », « du ou des terrains ») et de l’article L. 442-1, définissant le lotissement (« d’une ou plusieurs propriétés foncières »). On doit donc considérer comme abrogée la doctrine administrative excluant la possibilité de délivrer un arrêté de lotir portant sur des propriétés contiguës appartenant à des personnes différentes, telle que résultant d’une réponse ministérielle (RM n° 57914, JOAN Q 13 juillet 1992, p. 3171 : « Deux propriétaires de fonds contigus ne sauraient solliciter une autorisation de lotir unique portant sur la totalité de ces deux fonds »).

Reste que si le regroupement de terrains, afin de former l’assiette d’un lotissement, est désormais possible, les limites de cette nouvelle liberté devront être posées. En particulier, si les textes en vigueur suppriment clairement la condition d’unicité de propriétaire, il n’est pas certain qu’ils dérogent à l’exigence de contiguïté des terrains, objet de la demande d’autorisation. La question du lotissement multisites, susceptible de concerner des propriétés physiquement distinctes, se pose alors. Outre que ce type de lotissement peut apparaître en fait comme un montage artificiel et risque de poser des problèmes pratiques de gestion, il n’est pas certain que la règlementation autorise cette variante. La jurisprudence aura à se prononcer sur ce point.

4) Quelles sont les ambiguïtés textuelles liées au champ du lotissement ?

En premier lieu, l’article R. 442-2 du Code de l’urbanisme mentionne un certain nombre de cas dans lesquels les terrains en cause ne sont pas pris en compte « pour l’application du a de l’article R. 421-19 », c’est-à-dire pour déterminer si le lotissement a eu pour effet de créer plus de deux lots. Cette disposition trouve son origine dans l’ex-article R. 315-1, 3° alinéa qui excluait certains terrains du calcul du seuil déclencheur de la règlementation du lotissement.

Toutefois, dans le nouveau régime, il ne s’agit plus de déterminer si l’opération est, ou non, constitutive d’un lotissement, mais seulement la procédure d’autorisation adéquate. Il s’ensuit que les divisions aboutissant à créer les terrains énumérés à l’article R. 442-2 n’apparaissent pas comme étant, en principe, en dehors du champ du lotissement, contrairement à celles de l’article R. 442-1. Il n’en est autrement que pour le cas particulier de l’item f de l’article R. 442-2. En effet, celui-ci prévoit que les terrains issus des divisions non constitutives de lotissement énoncées à l’article R. 442-1, ne sont pas non plus comptabilisés pour l’appréciation du franchissement du seuil du permis d’aménager. On ne retrouve pas cette double exclusion pour les autres cas de division, énumérés par les items a à e de l’article R. 442-2. Il paraît nécessaire de réévaluer la rédaction de l’article R. 442-2, à la fois en ce qui concerne le champ et l’assiette du lotissement.

En second lieu, l’article L. 442-1 définit le lotissement comme l’opération ayant pour effet, sur une période de dix ans, la division d’une propriété. Ce délai ne sert plus de référence pour le décompte des lots, mais a désormais pour seule utilité d’instituer une surveillance de la division sans intention initiale de bâtir. En effet, lorsque la division a pour objet l’implantation de bâtiments, elle constitue immédiatement un lotissement, quel que soit le nombre de lots (lotissement instantané). En revanche, si l’intention de construire se révèle postérieurement à la division (par exemple, volonté de profiter de l’opportunité d’une constructibilité nouvellement reconnue de terrains inconstructibles lors de la division), l’existence d’un délai permet d’assujettir à la règlementation du lotissement une opération qui n’était pas qualifiable comme telle à l’origine (lotissement « effet »).

L’article R. 421-19 prévoit également un délai de dix ans. Il s’agit cette fois d’apprécier le nombre de lots du lotissement, afin de déterminer la procédure d’autorisation pertinente. En effet, les lotissements de plus de deux lots sont susceptibles de relever du permis d’aménager. Le décompte des lots doit donc être opéré sur cette période et non pas instantanément.

Ce délai de dix ans n’a de conséquence que sur la voie procédurale par laquelle le lotissement devra être créé et non sur la qualification de l’opération. Il en résulte que l’augmentation, dans la période de dix ans, du nombre de lots, ou du nombre de lots constructibles, peut impliquer de faire évoluer l’autorisation de la simple déclaration préalable initiale vers le permis d’aménager, en cas de divisions successives. La question est alors de savoir comment gérer le passage d’un type d’autorisation à un autre, alors que la non-opposition initiale à déclaration préalable a pu produire ses effets et que des constructions ont été éventuellement réalisées, la nouvelle division intervenant postérieurement.

5) Les lotissements à déclaration préalable sont-ils des lotissements sans travaux ?

Il faut prendre garde au fait que la distinction entre les deux modalités d’autorisations du lotissement ne recouvre pas la séparation entre divisions avec travaux et sans travaux d’équipements.

On aurait pu s’attendre à ce que le permis soit destiné à gérer les divisions avec réalisation d’équipements propres, tandis que la déclaration, mécanisme simplifié, soit davantage adaptée à celles sans travaux. C’est ce que laisse entendre le texte de l’ordonnance du 8 décembre 2005 et même celui du décret du 5 janvier 2007, en utilisant comme critère répartiteur « la création de voies et d’équipements communs » (article L. 442-2) ou de « voies ou espaces communs » (article R. 421-19). Tel n’est pourtant pas le cas.

D’abord, il faut bien constater que si certains lotissements sont soumis à permis d’aménager, c’est parce qu’ils sont situés dans un site classé ou dans un secteur sauvegardé et ce, indépendamment de la réalisation de travaux. Ce permis est alors exigible, même si la division ne nécessite aucun travaux (cf. réponse ministérielle à Patrice Debray, question n° 60285, JOAN 13 avril 2010 ; réponse ministérielle à Jean Grenet, question n° 66953, JOAN 27 avril 2010).

Symétriquement, lorsque l’opération de division foncière relève de la déclaration préalable, des travaux de viabilisation peuvent être indispensables. Tel est potentiellement le cas des lotissements de moins de trois lots, ou de ceux nécessitant la constitution de réseaux d’alimentation. Dans la première hypothèse, l’absence de franchissement du seuil fait toujours relever le lotissement de la déclaration préalable, alors même que seraient créés des voies et espaces communs.

Dans la seconde, la différence entre les notions « d’équipement » et « d’espace » joue pleinement, faisant ressortir au mécanisme d’autorisation simplifiée les lotissements nécessitant la réalisation de simples réseaux d’alimentation. En effet, le décret de 2007 est plus précis que l’ordonnance, puisqu’il exige, pour que le lotissement relève du permis d’aménager, la réalisation de voies ou d’espaces communs et non d’équipements communs. Or, la notion d’équipement est plus générale, dans la mesure où tous les équipements ne sont pas des espaces, alors que l’inverse est vrai.

La nouvelle réforme du lotissement, qui sera issue d’une des ordonnances prises sur la base de la loi dite Grenelle II du 12 juillet 2010, devrait remédier à cette disconcordance, source de difficultés et d’incompréhensions.

1 Commentaire

  • Bonjour,

    Nous avons fait une offre d’achat fin 2014 pour acheter un terrain loti dans un lotissement.
    L’offre d’achat a été signée par le vendeur de l’époque. La transaction était toujours en attente car le vendeur ne présentait pas les garanties financières suffisantes pour garantir les travaux de finition du lotissement.
    Depuis nous étions dans l’attente, avec comme seul document cette offre d’achat signée par les 2 parties.

    A ce jour, le lotissement a été vendu à un autre lotisseur, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de la première société qui vendait.
    Une nouvelle campagne de promotion est en cours.

    Le découpage du lotissement est toujours le même ; mais surprise, les numéros des terrains ont changés et les prix augmentés!

    Mon offre d’achat est-elle toujours valable? est-ce la référence cadastrale ou le numéro de terrain loti qui fait foi???

    Car je souhaiterai acheté ce terrain au prix défini il y a 1 an.

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