Contentieux de l’urbanisme et recours abusifs

Philippe Baffert
Consultant

1) Quelle est l’évolution du contentieux de l’urbanisme ? Connaît-il une croissance importante ?

Le problème du contentieux de l’urbanisme n’est pas quantitatif, mais qualitatif : moins d’un permis de construire sur cent fait l’objet d’un recours et tous les recours n’aboutissent pas à une annulation, heureusement. Mais cette proportion augmente considérablement, sans que l’on dispose de statistiques précises, quand le permis de construire porte sur une opération importante, aux enjeux économiques parfois considérables. Le projet est alors interrompu, ce qui provoque de sérieux dommages.

2) Comment définir la notion de recours abusif ?

Il est difficile de définir précisément ce qu’est un recours abusif. Pour un maire ou un promoteur, tout recours est fâcheux et plus ou moins considéré comme abusif, même s’il aboutit à constater que le permis était effectivement illégal !

Il existe réellement des cas de recours évidemment abusifs : ceux qui n’ont, de toute évidence, d’autre objectif que de négocier un retrait, où les requérants ne demandent pas une suspension qui aurait pour effet d’accélérer la procédure, mais, au contraire, multiplient les actes pour retarder le jugement et obtenir une « indemnisation » en échange de leur retrait ou ceux qui émanent d’opposants systématiques, qui ne reposent sur aucun moyen juridiquement fondé, mais comptent sur l’effet de lassitude.

3) En quoi ces recours empêchent-ils certains projets d’aménagement ? Comment concilier intérêt général et intérêt économique du projet ?

Les auteurs de ce type de recours abusifs comptent essentiellement sur le temps. Avant la réforme de 2005, la validité du permis n’était conservée que lorsque le tribunal avait prononcé la suspension ou le sursis à exécution du permis. Il suffisait donc de ne pas demander de suspension et de faire traîner la procédure pour obtenir gain de cause, car le permis, même légal, devenait caduque. La réforme des permis, en prévoyant que la validité des autorisations d’urbanisme était maintenue pendant toute la durée de la procédure contentieuse, a privé les auteurs de recours abusifs de ce bénéfice.

Le rapport Pelletier avait proposé toute une série de mesures pour accélérer les procédures : renforcer la pratique des ordonnances présidentielles rejetant, sans débat, les recours manifestement irrecevables et non régularisables, accélérer le traitement des recours manifestement infondés en étendant à ces recours le champ des ordonnances présidentielles, après un court débat contradictoire mais sans audience, permettre au bénéficiaire de la décision attaquée de demander l’audiencement du dossier à jour fixe, par une procédure analogue à celle qui est prévue par le nouveau Code de procédure civile. Malheureusement, ces propositions n’ont, à ce jour, pas été retenues par le Gouvernement.

Il pourrait également être envisagé, même si le recours à l’amende pour abus de recours est assez illusoire, de permettre au bénéficiaire de l’autorisation de demander au juge administratif de relever l’abus de droit du requérant. Actuellement, les conclusions invitant le juge à infliger une amende pour recours abusif sont jugées irrecevables.

4) Comment envisager une limite des recours contentieux conciliable avec les exigences de la Convention européenne des droits de l’homme ?

Il n’est pas certain qu’il puisse être fait beaucoup plus dans ce domaine, sans encourir la censure de Strasbourg. Accélérer le traitement des contentieux, permettre de rejeter rapidement les recours abusifs serait, sans doute, plus efficace et plus conforme à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

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