Comment caractériser la faute séparable des fonctions du maître d’oeuvre ?

Une fois n’est pas coutume, Sarah Lugan, avocate au sein du cabinet NMW Delormeau, évoque pour EFE le cas de la responsabilité personnelle du maître d’œuvre lorsque la faute commise est séparable des fonctions. 

 

Quid de la faute susceptible d’engager la responsabilité personnelle du maître d’oeuvre ?

Dans une décision du 7 juin 2018[1], la Cour de cassation a jugé que le défaut de souscription d’une assurance décennale obligatoire et l’omission de conclure un contrat de maison individuelle constituaient une faute susceptible d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant de la société, à l’égard des tiers à la société, dans la mesure où cette faute pouvait être caractérisée de faute séparable des fonctions sociales.

 

Pour rappel, l’article L. 243-3 du Code des assurances dispose que « Quiconque contrevient aux dispositions des articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code sera puni d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 75.000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ».

 

Dans la présente affaire, les époux Z ont confié la construction de leur maison à la société ABC construction. Les plans de la maison ont été réalisé par un architecte, lequel est également gérant de la société.

Constatant des désordres, les époux Z ont assigné la société ABC et son gérant en réparation. La Cour d’appel de Montpellier a débouté les époux Z de leur demande en réparation à l’encontre du gérant de la société au motif qu’il n’était pas personnellement le cocontractant.

Ledit arrêt est ensuite cassé et annulé par la Cour de cassation pour manque de base légale au motif que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le gérant de la société avait commis une faute séparable de ses fonctions sociales engageant sa responsabilité personnelle. La Cour de cassation juge que le défaut de souscription d’une assurance décennale obligatoire et la violation de la réglementation afférente au CCMI constituent une faute séparable des fonctions sociales, susceptible d’engager la responsabilité personnelle du dirigeant de la société à l’égard des tiers.

 

Cet arrêt illustre le risque pénal existant dans le secteur de la construction.

Il convient de rappeler, que la notion de faute séparable des fonctions sociales est de construction jurisprudentielle[2] et qu’en application de la jurisprudence des juridictions commerciales, elle se définit de longue date comme celle qui est (i) commise intentionnellement, (ii) d’une particulière gravité et (iii) incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Pour être complet, il est nécessaire de relever que deux arrêts de la Chambre criminelle du 5 avril 2018[3] mettent en évidence qu’il n’est plus nécessaire, pour engager la responsabilité civile d’un dirigeant devant les juridictions pénales en réparation d’une infraction, d’établir qu’il a commis une faute séparable de ses fonctions.

 

Sarah Lugan
Avocat
Coralie Cazuguel

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Si vous souhaitez obtenir plus d’informations, retrouvez Maître Sarah Lugan lors de la conférence Les Journées de la Construction les 29 et 30 novembre 2018 à Paris. Cliquez sur ce lien pour télécharger le programme.

 

[1] Civ. 3ème, 7 juin 2018, 16-27.680

[2] Et particulièrement aux termes de l’attendu de principe de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 20 mai 2003, 99-17.092, Publié au bulletin

[3] Cass. Crim. 5 avril 2018, n° 16-87.669 FP-PB

Cass. Crim. 5 avril 2018, n° 16-83.984 FP-PB