Évaluation environnementale des projets et participation du public : quelles principales nouveautés ?

Les grandes surfaces dans le cadre des ORT

Laura Ceccarelli-Le GuenAvocate associée
DS Avocats

Laetitia Santoni
Avocate Associée
Département droit public – Pôle urbanisme et aménagement
FIDAL Avocats

Une fois encore, ces derniers mois ont été riches en évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles en matière d’évaluation environnementale des projets et de participation du public.

La loi « énergies renouvelables » : simplification, accélération et compléments des procédures d’évaluation environnementale et de participation du public

La loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dite loi « énergies renouvelables » apporte plusieurs évolutions en matière d’évaluation environnementale et de participation du public.

Certaines de ces mesures ne concernent que les projets d’installation de production d’énergies renouvelables ou les ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution de l’énergie. Elles ont pour objectif de simplifier les procédures environnementales et de réduire leur durée d’instruction.

Ainsi, pour les projets d’installations de production d’énergies renouvelables situés dans le périmètre limité des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables, le délai de la phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale est réduit à trois mois (au lieu de quatre), et le délai octroyé au commissaire enquêteur ou à la commission d’enquête pour rendre son rapport est réduit à quinze jours (au lieu d’un mois) (article 7).

Afin de garantir la qualité de l’étude d’impact et de l’étude de dangers de ces projets, une expérimentation est conduite pour quatre ans, sur la base du volontariat, pour que les porteurs de projet s’assurent de la compétence du bureau d’études au regard d’exigences minimales fixées par arrêté du ministre chargé des installations classées. Cette compétence peut être attestée ou certifiée par des tierces parties. Ce dispositif pourrait être généralisé par la suite (article 10).

S’agissant des projets de rééquipements d’une installation de production d’énergies renouvelables, la loi prévoit, conformément au règlement du Conseil européen du 2022/2577 du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables, que « les incidences que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement sont appréciées au regard des incidences notables potentielles résultant de la modification ou de l’extension par rapport au projet initial ». Cette mesure, qui concerne aussi bien les conditions d’appréciation de la demande au cas par cas que le contenu de l’étude d’impact lorsqu’elle est requise, s’applique pour dix-huit mois à compter de la promulgation du texte, soit jusqu’au 12 septembre 2024 (article 9).

La loi prévoit également la possibilité de mener, dans le cadre de la mise en œuvre d’une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité des documents d’urbanisme sur le fondement de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme, une concertation unique en amont de l’enquête publique, portant à la fois sur le projet et sur la mise en compatibilité du document d’urbanisme, à l’initiative de l’autorité compétente pour adopter la déclaration de projet ou, sous réserve de l’accord de cette dernière, à l’initiative du maître d’ouvrage. Mais cette possibilité ne concerne que les projets qui entrent dans le champ de la concertation facultative prévue à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme (c’est-à-dire les projets soumis à permis de construire ou à permis d’aménager situés sur un territoire couvert par un document d’urbanisme, qui échappent à la concertation obligatoire prévue à l’article L. 103-2 du même code), et ne peut donc être mise en œuvre pour les projets relevant soit de la concertation obligatoire au titre de l’article L. 103-2 du code de l’urbanisme, soit de la concertation prévue à l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement. En outre, dans ce cas, la demande d’autorisation d’urbanisme ne peut plus bénéficier de la procédure de participation par voie électronique et doit faire l’objet d’une enquête publique. L’intérêt de cette mesure risque donc d’être circonscrit à certains cas de figure.

Il eut été pourtant préférable de prévoir de façon générale la possibilité de mener une concertation unique, quels que soient les opérations concernées, le fondement de cette concertation, et la procédure de mise en compatibilité mise en œuvre.

D’autres mesures ont un champ d’application plus large et concernent l’ensemble des projets soumis à participation du public.

Deux mesures nous semblent devoir être plus particulièrement relevées.

En premier lieu, la loi ouvre la possibilité de regrouper plusieurs procédures de consultation du public (enquête(s) publiques(s), ainsi que, désormais, le cas échéant, procédure(s) de participation du public par voie électronique (PPVE)) et de procéder à une enquête publique unique, lorsque ces procédures doivent être menées pour un même projet, plan ou programme ou concernent plusieurs projets simultanés (art. L. 123-6 du code de l’environnement). Cette faculté présente un réel intérêt pratique, compte-tenu de l’augmentation du nombre d’hypothèses de PPVE, qui ne pouvaient auparavant pas être regroupées avec une enquête publique (sauf dans le cadre d’une procédure de mise en compatibilité d’un document d’urbanisme soumise à évaluation environnementale, en utilisant le mécanisme de la procédure d’évaluation environnementale commune prévue aux articles L. 122-13 et L. 122-14 du code de l’environnement).

En second lieu, afin d’aligner leur situation sur celle des permis de construire et d’aménager, la loi soumet à PPVE (au lieu d’une enquête publique) les demandes de permis de démolir et les déclarations préalables déposées à compter du 11 mars 2023 portant sur des projets soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas (art. L.123-2 du code de l’environnement).

D’autres mesures peuvent également être signalées.

Les maîtres d’ouvrage doivent désormais être informés sans délai de la saisine du tribunal administratif en vue de la désignation d’un commissaire enquêteur ou d’une commission d’enquête (art. L.123-3 du code de l’environnement). Des commissaires suppléants seront nommés par le tribunal administratif compétent et seront en charge de la procédure en cas d’empêchement du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête prévus initialement (art. L. 123-4 du code de l’environnement).

Afin d’œuvrer à une meilleure transparence de l’information, le support papier du dossier d’enquête publique sera mis en consultation dans les espaces France Services et dans les mairies des communes concernées par le projet. Au sein de ces espaces, un agent pourra accompagner les administrés qui souhaitent contribuer à la procédure de participation du public en ligne (art. L. 123-19 du code de l’environnement).

L’article L. 181-5 du code de l’environnement relatif à la phase amont du dépôt de la demande d’autorisation environnementale est réécrit, afin de mieux faire apparaître la distinction entre, d’une part, la demande d’examen au cas par cas au titre de l’évaluation environnementale, et, d’autre part, les échanges préalables au dépôt de la demande d’autorisation environnementale (simple faculté ouverte aux porteurs de projet), et pour tenir compte de la suppression du certificat de projet (abrogation de l’article L. 181-6).

Le décret du 27 décembre 2022 n° 2022-1673 sur l’intégration de l’étude d’optimisation de la densité au sein de l’étude d’impact

L’article L. 300-1-1 du code de l’urbanisme stipule que les actions ou opérations soumises à étude d’impact doivent faire l’objet, entre autres, d’une « étude d’optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée, en tenant compte de la qualité urbaine ainsi que de la préservation et de la restauration de la biodiversité et de la nature en ville ».

Il nous semble possible de déduire de cette rédaction que cette étude doit permettre de démontrer que la programmation a une densité optimisée, avec des élévations et un gabarit suffisants tout en dédiant le maximum d’espaces possibles pour les espaces verts. En d’autres termes, elle doit justifier que les objectifs du projet ont été réalisés en artificialisant le moins possible sur le périmètre de l’unité foncière afin de ne pas impacter plus que de besoin les sols et les fonctions qu’ils assurent.

À notre sens, cette disposition est suffisamment précise pour s’imposer aux actions et opérations d’aménagement pour lesquelles la première demande d’autorisation faisant l’objet d’une évaluation environnementale a été déposée à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite  Climat et Résilience, le 25 août 2021.

Un décret était toutefois nécessaire pour déterminer les modalités de prise en compte des conclusions de cette étude dans l’étude d’impact.

Tel est l’objet du décret du 27 décembre 2022 qui complète l’article R. 122-5 du code de l’environnement sur le contenu de l’étude d’impact pour viser les conclusions de cette étude de densité ainsi qu’une description de la façon dont il en est tenu compte. Il n’apporte en revanche aucune précision sur le contenu même de cette étude.

Ces dispositions sont applicables aux actions et aux opérations d’aménagement pour lesquelles la première demande d’autorisation faisant l’objet d’une évaluation environnementale a été déposée à compter de l’entrée en vigueur du décret, le 29 décembre 2022. Pour les opérations d’aménagement faisant l’objet d’une zone d’aménagement concerté (ZAC), il convient de prendre en compte la date d’ouverture de la participation du public par voie électronique préalable à la création de la ZAC, sauf si l’opération a fait l’objet d’une première demande d’autorisation avant cette date.

Les études d’impact des projets concernés doivent donc désormais intégrer cette nouvelle rubrique.

Pour mémoire, ce décret définit également comment sont identifiées les zones préférentielles pour la renaturation au sein des SCOT et des PLU et précise comment les mesures de compensation écologiques sont mises en œuvre en priorité au sein de ces zones préférentielles.

La clause filet : création par le décret n°2022-422 du 25 mars 2022, intégration dans le nouveau formulaire CERFA par arrêté du 16 janvier 2023 et validation par l’arrêt du CE, 20 janvier 2023, n° 464129

Conformément à l’injonction du Conseil d’État dans son arrêt n° 425424 du 15 avril 2021 (CE, ch. réunies, 15 avr. 2021, n° 425424, France Nature Environnement, le Gouvernement a intégré une « clause filet » dans la réglementation applicable à l’évaluation environnementale des projets dans le cadre du décret n° 2022-422 du 25 mars 2022, relatif à l’évaluation environnementale des projets. Ainsi, les projets dont les critères les situent en deçà des exigences pour avoir à solliciter un cas par cas peuvent néanmoins avoir à le faire et, in fine, avoir à réaliser une évaluation environnementale si leur localisation et leurs caractéristiques une fois passées au crible des critères annexés à l’article R. 122-3-1 du code de l’environnement, apparaissent susceptibles d’avoir un effet notable sur l’environnement ou la santé humaine (C. urb., art. R. 122-2-1).

L’arrêté ministériel du 16 janvier 2023 a instauré une nouvelle version du formulaire Cerfa 14734 afin d’y intégrer les dispositions prises par le décret du 25 mars 2022. Désormais, le porteur de projet doit préciser les informations concernant les documents d’urbanisme en vigueur dans la zone d’implantation du projet. Il doit également décrire les mesures prévues afin d’éviter, réduire ou compenser l’impact du projet sur son environnement ; et détailler ses potentiels impacts résiduels.

Et, par un arrêt du 20 janvier 2023, le Conseil d’État a validé le dispositif.

En effet, les associations de protection de l’environnement à l’origine du contentieux initial considéraient que le texte du décret du 25 mars 2022 n’était pas conforme aux prescriptions contenues dans l’injonction du 15 avril 2021.

Le Conseil d’État a d’abord précisé que, contrairement à ce qu’elles prétendaient, il ne résultait pas du décret que de façon générale, les demandes d’extension ou de modification relatives à un projet donné seraient exclues du champ d’application de la clause.

Force est d’admettre que l’application de la clause filet à ce cas de figure de l’extension ou de la modification d’un projet peut être difficile à saisir compte tenu des règles figurant d’ores et déjà à l’article R. 122-2, II du Code de l’environnement pour les modifications ou extensions des projets.

Lorsqu’un projet relevant du champ de l’évaluation environnementale a déjà été autorisé, plusieurs cas de figure peuvent s’appliquer en cas de modification ou d’extension de celui-ci (C. envir., art. R. 122-2, II).

Dans la mesure où le critère de mise en œuvre de la clause filet est également, malgré une formulation non harmonisée, l’hypothèse d’une modification/extension d’un projet qui « apparaît susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1 », cela réserve cette hypothèse à des cas somme toute assez résiduels où, d’une part, il ne s’agit pas d’une simple étape d’un projet soumis à autorisations successives (qui ressortirait du champ d’application de l’actualisation) et, d’autre part, le projet initial et la modification/extension relèvent bien du champ de l’évaluation environnementale mais se situent respectivement et ensemble, sous les seuils prévus par la nomenclature. La clause filet pourrait également « rattraper » des hypothèses où le maître d’ouvrage aurait considéré que la modification/extension d’un projet ayant fait l’objet d’une évaluation environnementale n’a pas d’incidence négative sur l’environnement, et qu’en conséquence, il n’aurait pas mis en œuvre la procédure de cas par cas, alors que tel n’est pas l’avis de l’autorité compétente la première saisie pour autoriser la modification/extension.

Le Conseil d’État affirme ensuite que les dispositions du I de l’article R. 122-2-1 instituent bien une obligation, et non une simple option, à la charge de l’autorité compétente. Tout aussi sobre dans sa conclusion, il ne lève pas le voile sur les conséquences concrètes de cette affirmation. La question était ici de savoir si la mise en œuvre de la clause filet est un choix discrétionnaire ou non, dans la mesure où cette notion d’un projet qui « apparaît » à l’autorité compétente « susceptible d’avoir des incidences notables », est particulièrement floue.

On se souvient que la question avait fait débat lors de la rédaction du décret, et que le ministère avait modifié la rédaction pour mieux faire apparaître comme obligatoire de mettre en œuvre la clause filet si le projet apparaît effectivement susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Le Conseil d’État ne saisit pas l’occasion d’aller plus avant dans la qualification de la nature de cet examen, alors même que l’autorité environnementale y voyait une nouvelle procédure de pré-instruction de l’examen au cas par cas, insusceptible de se solder, en cas de silence de l’Administration, par une exonération (avis délibéré de l’autorité environnementale sur le projet de décret relatif à l’évaluation environnementale des projets lors de la séance du 10 février 2022). Il eût été utile que soient abordées les conséquences du silence de l’Administration. Sans doute qu’à l’occasion de la délivrance d’une autorisation, ou d’une décision de non-opposition à déclaration, il pourrait être prudent pour l’autorité compétente la première saisie d’un projet susceptible de donner lieu à la clause filet, de mentionner dans les considérants de la décision le sens de sa décision à cet égard.

Le défaut de respect de cette obligation pourra faire l’objet d’une contestation dans le cadre d’un recours portant sur la décision prise sur le projet, et il appartiendra au juge d’apprécier si au regard des critères énumérés à l’annexe de l’article R. 122-3-1, il incombait ou non à l’autorité la première saisie d’une demande d’autorisation ou de déclaration d’un projet, y compris de modification/extension, de mettre en œuvre la clause filet.

Le Conseil d’État considère ainsi que le dispositif dit de la « clause filet », résultant du décret n° 2022-422 du 25 mars 2022, a pour effet de mettre fin aux illégalités constatées dans sa décision n° 425424 du 15 avril 2021.

Ce mécanisme permet d’intégrer dans l’élaboration du projet une réflexion autour de son impact environnemental, peu importe l’ampleur et la taille de ce dernier.

Mais il renforce la complexité et la longueur déjà notables du dispositif d’évaluation environnementale, et fait craindre une multiplication des demandes d’examen au cas par cas pour des projets qui ne relèvent pas nécessairement d’un impact notable sur l’environnement.

Une circulaire devrait apporter prochainement des précisions sur ce dispositif qui suscite beaucoup d’interrogations, tant de la part des autorités compétentes que des porteurs de projets.

Notion de projet d’aménagement soumis à évaluation environnementale

  • CE, 25 mai 2022, n°447898, France Nature Environnement Languedoc-Roussillon : qu’est-ce qu’une opération d’aménagement au sens des évaluations environnementales ?

Cette décision du Conseil d’État alimente encore un peu plus la question du champ d’application des évaluations environnementales des projets d’aménagement en illustrant ce qui constitue une opération d’aménagement « au sens des évaluations environnementales ».

On sait en effet que l’actuelle rubrique 39 de la nomenclature des études d’impact, la plus sollicitée en matière d’aménagement urbain, a connu un champ d’application très mouvant ces dix dernières années. Force est d’admettre que la tâche des porteurs de projet ne se trouve pas facilitée pour identifier si le projet qu’ils envisagent est ou non soumis à évaluation environnementale.

Au cas d’espèce, en vue de l’aménagement du terrain d’assiette du projet dit des « Jardins de la Méditerranée » dans le domaine de Bayssan, situé sur le territoire de la commune de Béziers, le département de l’Hérault avait déposé une déclaration portant sur le rejet des eaux fluviales.

Ce projet était présenté par le département de l’Hérault lui-même comme une opération d’aménagement, ayant pour objet la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et la construction de divers bâtiments, comprenant notamment un aquarium, une géode, un bâtiment administratif, un restaurant, un pavillon des vins, des équipements d’accueil et des sanitaires, ainsi que des voies d’accès et des terrassements sur l’ensemble du terrain d’assiette, dont la superficie, selon les indications figurant au dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau, est de 19,31 hectares.

L’association requérante avait demandé la suspension de cette décision et  le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier avait rejeté sa demande. Le Conseil d’État avait donc à apprécier si le projet envisagé par le département était un « projet » soumis à évaluation environnementale en application de la rubrique 39.

Au rappel des dispositions de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, définissant le « projet » et de la rubrique 39, b de l’annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement qui prévoit que sont soumises à évaluation environnementale systématique les opérations d’aménagement dont le terrain d’assiette est supérieur ou égal à 10 hectares, le Conseil d’État donne raison à l’association. S’agissant du périmètre du projet, le Conseil d’État relève que « la circonstance alléguée que ce projet soit susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d’aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire étant sans incidence sur la qualification de cette opération ». Effectivement, la notion de projet étant indépendante de la procédure d’urbanisme qu’il convient de mettre en œuvre pour le réaliser, il n’y a pas de raison de limiter la notion au périmètre de l’autorisation principale à obtenir pour le mettre en œuvre dans le champ du droit de l’urbanisme.

Par suite, le tribunal administratif de Montpellier a confirmé la décision (TA Montpellier, 20 septembre 2022, n°2005092) : eu égard à l’ampleur et à la nature des travaux en cause, et même si ceux-ci ne portent pas sur une portion significative du territoire communal et n’ont pas pour objet d’ouvrir cet espace à l’urbanisation, ceux-ci relèvent d’une opération d’aménagement de l’ensemble du terrain d’assiette du projet, et non du terrain d’assiette du permis d’aménager déposé ultérieurement pour une partie seulement du projet, qui est supérieur à 10 hectares. Il suit de là que le projet en litige devait être précédé d’une évaluation environnementale systématique en vertu de la rubrique 39 b) de l’annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Le moyen tiré de l’absence de réalisation d’une évaluation environnementale doit par suite être accueilli.

  • CAA Bordeaux, 28 sept. 2022, n° 20BX01551 : un lotissement déclaré constitue-t-il un « aménagement » soumis à étude d’impact ?

Était ici en débat, la question d’avoir à soumettre ou non à évaluation environnementale la création de deux lots à bâtir autorisés dans le cadre d’une déclaration préalable de lotissement, alors que les lots créés étaient d’une superficie peu commune (près de 170 ha pour l’un, et plus de 45 ha pour l’autre), qui excédait en tout état de cause les seuils de la nomenclature des études d’impact pour une étude d’impact systématique si le juge s’était contenté d’une application quantitative de la nomenclature.

L’arrêt ne laisse que peu de place aux faits de l’espèce, notamment sur les périmètres retenus pour les deux déclarations préalables de division en litige, dont on comprend néanmoins que les parcelles d’origine étaient séparées par un chemin rural. On sait simplement que l’association requérante a demandé au tribunal administratif d’annuler les arrêtés de non-opposition aux déclarations préalables présentées, faisant valoir que les deux déclarations préalables auraient dû être précédées d’une étude d’impact, et partant, auraient dû faire l’objet d’une enquête publique.

La cour rend sa décision sur le fondement de la nomenclature dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 qui avait refondu en profondeur la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement et regroupé alors en une seule catégorie les anciennes rubriques 33, 34 relatives aux ZAC, permis d’aménager et lotissement, et 36 et 37 relatives aux permis de construire pour privilégier une entrée par projet, mais la décision conserve toute sa portée au regard des évolutions de la nomenclature. Elle écarte le moyen en retenant qu’une simple déclaration préalable de division n’est pas constitutive d’un aménagement au sens de la nomenclature, à l’aune de la définition de l’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.

Il résulte des dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme que l’aménagement, qui poursuit l’un des objectifs énoncés à cet article, est soit une opération d’ensemble conduite par une collectivité publique, soit une opération particulière que cette collectivité peut autoriser. Dans ce dernier cas, une telle opération d’aménagement peut prendre la forme d’un lotissement, lequel nécessite, quand sa réalisation implique la création de voies, d’espaces ou d’équipements destinés à un usage collectif, la délivrance d’un permis d’aménager. Quand bien même elle est constitutive d’un lotissement, une déclaration qui ne porte que sur la division foncière d’une propriété sans conduire, par elle-même, à la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs, et qui relève ainsi du régime de la déclaration préalable, ne constitue pas un aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et de la rubrique 33 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que la déclaration préalable aurait dû être accompagnée d’une étude d’impact ne peut être utilement soulevé.

C’est une analyse très pragmatique, qu’il convient de saluer, la cour s’attachant à la finalité du texte plutôt qu’à sa lettre, au demeurant maladroite puisqu’elle visait des procédures plutôt que les projets.

D’autres décisions apportent des éléments d’appréciation utiles pour d’autres aspects que la notion de projet : on relèvera en particulier une (trop) rare décision relative à un recours contre une décision de soumission à évaluation environnementale après un cas par cas (TA Montpellier, 18 octobre 2022 – n° 2102306). En effet, face à une décision de soumission à évaluation environnementale après un cas par cas, un porteur de projet est rarement enclin à porter le débat devant le juge, souvent pour des considérations de planning opérationnel. Il est en effet difficile de prendre le temps du contentieux et de suspendre l’opération. Bien souvent, le porteur de projet décidera de réaliser l’étude d’impact requise pour ne pas risquer de perdre un temps précieux. On rappellera en premier lieu qu’il est tout d’abord soumis à un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), conformément aux dispositions du VII de l’article R. 122-3-1 du code de l’environnement aux fins d’en obtenir la révision. Ce n’est qu’en cas de nouvelle décision confirmant (et se substituant) la première décision, qu’il peut porter la décision de cas par cas devant le juge administratif.

Au cas d’espèce, le juge administratif donne raison au requérant et annule la décision du Préfet au terme d’une décision très motivée, qui analyse chacun des motifs avancés par le Préfet, sur le terrain de l’incidence du projet sur le milieu naturel, sur le risque d’inondation, sur les paysages, sur le cours d’eau et sa ripisylve, sur la ressource en eau, ainsi qu’au regard de ses effets cumulés avec les projets déjà réalisés. Il enjoint même au Préfet de prendre une décision de dispense d’étude d’impact.

On notera également une décision affirmant clairement la nécessité d’analyser les effets indirects de l’utilisation et de l’exploitation d’une installation classée (CE, 27 mars 2023, n° 450135, tables Recueil Lebon). Dans le prolongement de sa décision Ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire (CE 13 mars 2019, n° 418949, Lebon T.), le Conseil d’État rappelle que ces effets « qui doivent, conformément à l’article R. 512-8 du code de l’environnement alors applicable, faire l’objet d’une analyse spécifique dans l’étude d’impact doivent être déterminés au regard de la nature de l’installation projetée, de son emplacement et de ses incidences prévisibles sur l’environnement ». En outre, « l’appréciation de ces effets suppose que soient analysées dans l’étude d’impact non seulement les incidences directes sur l’environnement de l’ouvrage autorisé, mais aussi celles susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation » et « cette analyse doit, aux termes de l’article R. 512-8 du code de l’environnement alors applicable, être en relation avec l’importance de l’installation projetée ».

Au cas d’espèce, l’exploitation de la centrale de Provence repose sur la consommation de très grandes quantités de bois provenant de ressources forestières locales. Les requérants soutenaient que l’étude d’impact, si elle présente une estimation de la part prévisionnelle des principaux combustibles dans l’approvisionnement de la centrale, est insuffisante, faute notamment d’analyser les effets, pour les massifs forestiers, de la mise en œuvre du plan d’approvisionnement en bois. Pour le Conseil d’État, « les principaux impacts sur l’environnement de la centrale par son approvisionnement en bois, et notamment les effets sur les massifs forestiers locaux, doivent nécessairement être analysés dans l’étude d’impact. Par suite, en jugeant que l’étude d’impact n’avait pas à analyser les effets sur l’environnement du plan d’approvisionnement en bois de la centrale, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’erreur de droit ».