Quand un permis de construire modificatif ne purge pas tous les vices du contrat initial

Brèves de jurisprudence urbanisme

[vc_row][vc_column][vc_column_text]La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJDUonline.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT

Cass. crim., 24 septembre 2019, n° 18-86.164

En 2010, deux frères ont obtenu des permis de construire correspondant à leurs projets de villas. En 2014, des irrégularités ont été relevées quant au respect de ces permis.

Après avoir été invités par l’administration à agir en ce sens, chacun d’entre eux a déposé une demande de permis modificatif.

Les intéressés ont néanmoins été reconnus coupables, par les juges de première instance et d’appel, de l’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et condamnés à une lourde amende et une remise en état des lieux, c’est-à-dire à la démolition.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé ces jugements en rejetant les pourvois formés par les deux prévenus contre l’arrêt d’appel. D’une part, elle a considéré que le permis modificatif n’avait pas entraîné la régularisation des toutes les irrégularités initiales. D’autre part, elle a souligné que les changements opérés ne devaient pas remettre en cause la conception générale du projet. Ce n’était pas le cas dans l’affaire, puisque « l’ampleur des modifications relevait […] d’une demande pure et simple de nouveau permis ».

À travers cet arrêt, la Cour de cassation a sévèrement rappelé les risques encourus par ceux qui seraient tentés d’exécuter des travaux en violation d’un permis de construire. Pour effectuer des modifications, il faut demander une demande de permis modificatif couvrant toutes les irrégularités reprochées ou un nouveau permis en fonction de leur importance.

Les brèves de la revue BJDU
L’actualité jurisprudentielle du droit de l’urbanisme sélectionnée par le comité de rédaction du BJDU.

CONTENTIEUX DE L’URBANISME

CE Avis, 15 avril 2019, Société Difradis, n°425854

Le rejet pour irrecevabilité du RAPO exercé devant la CNAC est-il susceptible de recours ?

Saisi d’un recours contre le permis valant autorisation d’exploitation commerciale, le juge doit-il statuer sur les causes d’irrecevabilité du RAPO devant la CNAC et peut-il, le cas échéant, redresser les irrégularités procédurales commises ?

Règles de procédure contentieuse spéciales en matière d’autorisation d’exploitation commerciale – A) Introduction de l’instance – Décisions susceptibles de recours – Absence – Mesures préparatoires – Rejet pour irrecevabilité du RAPO devant la CNAC – B) Office du juge saisi d’une requête contre le permis de construire valant AEC – 1) Vérification des causes d’irrecevabilité du RAPO – Existence – 2) Cas dans lequel la CNAC a rejeté à tort pour irrecevabilité le RAPO – a) Incidence de cette irrégularité sur le permis de construire – Critère d’appréciation – Influence sur le sens de la décision attaquée – Existence – Privation d’une garantie pour les personnes intéressées – Absence – b) Faculté de régularisation (art. L. 600-5-1) – Existence.

L’acte par lequel la CNAC rejette pour irrecevabilité le RAPO exercé par un concurrent à l’encontre de l’avis favorable de la CDAC constitue une mesure préparatoire, insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Saisi d’une requête dirigée contre un permis de construire en tant qu’il vaut AEC, il appartient au juge de s’assurer, le cas échéant d’office et indépendamment de la position préalablement adoptée par la CNAC, que le requérant a déposé un RAPO qui respecte les conditions de recevabilité fixées aux articles L. 752-17 et R. 752-30 à R. 752-32 du code de commerce. Dans le cas où le RAPO a été rejeté à tort comme irrecevable, le juge apprécie, notamment au vu de la teneur des autres recours le cas échéant examinés sur le fond par la CNAC, l’incidence qu’a eue cette irrégularité entachant la procédure de délivrance du permis de construire sur le sens de la décision attaquée.

Cons. const., QPC 19 avril 2019, M. Bouchaïd S., n°2019-777

En quoi le dispositif de caducité des requêtes n’était-il pas conforme au droit à un recours juridictionnel effectif ?

Caducité de la requête en l’absence de production des pièces nécessaires au jugement (art. L. 600-13) – Conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit (art. 16 DDHC) – Absence – Atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif eu égard à l’objectif d’intérêt général poursuivi – Oui – Effets – Déclaration d’inconstitutionnalité applicable à toutes les affaires non jugées définitivement.

L’ex-dispositif de caducité de la requête introductive d’instance en l’absence de production des pièces nécessaires au jugement, introduit au début de l’année 2017 par le législateur qui l’a abrogé dès la fin 2018, a été soumis à l’examen du Conseil constitutionnel à la faveur d’une QPC formée contre l’article L. 600-13 du code de l’urbanisme. Estimant que ce dispositif n’était pas assorti de garanties suffisantes pour les requérants, le Conseil constitutionnel juge qu’il a constitué une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.

CE 24 avril 2019, Brunel, nos417175 et 417198

Dans quels cas la délivrance d’un permis modificatif emporte-t-elle renonciation au projet faisant l’objet du permis initial ?

Procédure – Règles de procédure contentieuse spéciales – Pouvoirs du juge – Moyen inopérant – Moyen tiré des irrégularités entachant le permis de construire initial, régularisées par le pétitionnaire par un permis modificatif en l’absence de toute intervention du Juge – Existence : oui.

Lorsqu’un permis de construire est illégal, son illégalité peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif. Les irrégularités régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l’absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

CE 24 avril 2019, Mme Dumas, n°403442

Le juge peut-il substituer une annulation partielle en application du L. 600-5 à celle fondée à tort sur la divisibilité du permis ?

Règles de procédure contentieuse spéciales – Pouvoirs du juge – Article L. 600-5 – Office du juge de cassation saisi d’une décision juridictionnelle prononçant une annulation partielle après avoir estimé à tort que l’élément annulé aurait pu faire l’objet d’une autorisation distincte – Annulation totale de l’arrêt – Existence : non. – Annulation partielle. – Existence : oui, en tant que la décision juridictionnelle a procédé à une annulation que partielle.

Lorsque le juge du fond prononce l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme après avoir estimé à tort que l’élément annulé aurait pu faire l’objet d’une autorisation distincte, son arrêt doit être annulé en tant qu’il a procédé à une annulation que partielle. Réglant l’affaire au fond après cassation, le juge examine les moyens tendant à l’annulation totale du permis. Au vu des moyen qu’il estime fondés, il lui appartient ensuite de se prononcer sur la régularisation du permis, en tenant compte des éventuelles décisions modificatives ou mesures de régularisation déjà intervenues. Si le vice constaté a été régularisé, il rejette les conclusions d’appel tendant à l’annulation de l’intégralité du permis de construire.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]