Vers un encadrement renforcé des résidences meublées touristiques ?

Les grandes surfaces dans le cadre des ORT

Malicia Donniou
Avocate associée
Ginkgo Avocats

Alors que la lutte contre les résidences meublées touristiques a été amorcée dans toutes les grandes villes touristiques mondiales et européennes, de New York à Florence et Paris, une proposition de loi transpartisane déposée le 28 avril 2023 et actuellement en cours d’examen devant le Parlement visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue entend s’attaquer à nouveau aux résidences meublées touristiques. Cette évolution législative s’inscrit dans un contexte de crise du logement ayant notamment entraîné la hausse du prix des loyers dans le parc locatif privé, ainsi que la raréfaction de l’offre de logement en location de moyenne ou longue durée. Si Paris et certaines grandes métropoles disposent déjà d’outils leur permettant d’encadrer la possibilité de créer des résidences meublées touristiques, le dispositif apparaissait encore insuffisant et mal adapté pour l’ensemble des communes françaises souffrant du développement des hébergements touristiques au détriment des habitants. C’est notamment le cas des communes littorales ou encore étudiantes.

La proposition de loi propose plusieurs mesures touchant tant la possibilité pour les collectivités de restreindre la possibilité de créer des résidences de tourisme, que de louer sa résidence principale en tant qu’hébergement touristique. Elle vise également à remettre sur un pied d’égalité les biens faisant l’objet de location d’habitation classique et les locations saisonnières. Enfin, elle renforce le dispositif d’information des collectivités et des copropriétés en cas de création de meublés touristiques.

En ce qui concerne les possibilités d’encadrement de la création de meublés touristiques, le législateur entend doter les élus locaux de compétences élargies pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique.

D’une part, la législation sur l’usage (article L.631-7 et suivant du code de la construction et de l’habitation) qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 200 000 habitants ainsi que celle des trois départements de la petite couronne francilienne s’étendrait à l’ensemble des zones tendues. Les collectivités pourront adopter des règles qui s’appliquent tant aux personnes morales que physiques, permettant ainsi que contrôler également les sociétés civiles immobilières qui échappaient jusqu’à présent à tout contrôle. Elles pourront également définir des quotas (nombre et durée) d’autorisations de changement d’usage temporaires pour la location de courte durée. Enfin, pour décourager certaines pratiques, est mise en place une sanction des intermédiaires qui participent à la commission des infractions des loueurs.

D’autre part, le PLU aurait désormais la faculté d’encadrer les destinations des nouvelles opérations de construction situées dans les zones urbaines et à urbaniser en permettant de délimiter des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, les locaux sont exclusivement destinés à l’usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

De la même manière, s’agissant de la possibilité actuellement offerte aux propriétaires de résidences principales d’offrir à la location saisonnière leurs biens, les communes pourront, sur délibération motivée, abaisser le nombre de jours maximal de mise en location de la résidence principale dans la limite de 90 jours (contre 120 actuellement).

Le législateur intervient également sur le champ du traitement fiscal et des obligations énergétiques des résidences touristiques meublées.

Jusqu’à l’adoption de la loi de Finances pour 2024[1], les résidences meublées bénéficiaient d’un traitement fiscal avantageux par rapport à la location classique (abattement de 71 % dans la limite d’un chiffre d’affaires de 50 000 € HT pour les meublés contre 30 % et  15 000 euros pour les locations classiques). La proposition de loi propose de modifier la fiscalité applicable aux meublés de tourisme, en prévoyant une réduction des abattements fiscaux et des plafonds de chiffre d’affaires applicable au sein du régime « micro-BIC » pour l’ensemble des meublés classés et non classés, en différenciant toutefois les régimes applicables selon leur localisation en zone très peu dense ou non au sens de l’Insee. Pour les meublés de tourisme, la proposition resserre le régime préférentiel à ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux. L’article aboutit à proposer le régime suivant, en zone tendue : les meublés de tourisme classés bénéficieront d’un régime à 50 % dans la limite de 30 000 euros ; les meublés de tourisme classés situés en zone rurale, c’est-à-dire définie comme très peu dense au sens de la grille communale de densité de l’Insee, ou en station classée de sports d’hiver et d’alpinisme, l’abattement de 30 % est complété d’un abattement supplémentaire de 41 %, sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros ; les meublés de tourisme non classés : régime à 30 % et 15 000 euros, par alignement avec le plafond du régime micro‑foncier pour les revenus locatifs.

S’agissant des obligations de diagnostic de performance énergétique et de décence énergétique, les locaux meublés de tourisme échappent aujourd’hui à toute obligation, encourageant les propriétaires de passoires énergétiques à louer dans le cadre de résidences meublées touristiques plutôt que dans le cadre de baux d’habitation qui sont, eux, soumis à des obligations de performances énergétiques. Le législateur entend remédier à cette différence de traitement et prévoit que pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage définitif en vue d’une location de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, le propriétaire devra avoir obtenu une étiquette A à D.  Pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage temporaire, les propriétaires auront obligation de respecter les obligations échelonnées de performance énergétique, supérieures à partir du 1er janvier 2025, à la classe G, à partir du 1er janvier 2028, à la classe F  et à partir du 1er janvier 2034, à la classe E. Le stock des locaux ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation définitive devront se mettre en conformité avec la loi dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

Enfin, la proposition de loi entend renforcer les obligations de déclaration et d’information. La procédure d’enregistrement à toute déclaration préalable de mise en location d‘un meublé touristique est généralisée quelle que soit la commune et qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non. L’enregistrement sera réalisé auprès d’un téléservice national qui délivrera systématiquement un « numéro de déclaration » ou « numéro d’enregistrement ».

Dans la même idée, le syndic de copropriété aura une obligation d’information préalable systématique lorsqu’un meublé de tourisme fait l’objet d’une déclaration administrative et devra inscrire un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété et afficher cette information dans les parties communes.

La proposition de loi est en première lecture à l’Assemblée nationale. Les premières réunions d’examen se sont tenues depuis le 28 novembre 2023 et devraient se poursuivre au 1er trimestre 2024.

[1] À noter que la loi de Finances pour 2024 a déjà apporté quelques modifications à la fiscalité des meublés de tourisme, avec la réduction de l’abattement de 71 % applicable aux locaux classés meublés de tourisme dans la limite de 77 700 euros, le nouvel abattement se situant entre 30 % et 51 % selon les locaux (article 45 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024).