La labellisation des EcoQuartiers

Franck Faucheux
Ingénieur architecte

1) Pourquoi la création d’un label EcoQuartier ?

Le réel engouement des collectivités pour les appels à projets EcoQuartiers lancés par le Ministère a été une chance formidable. Cela a permis aussi d’entériner une nouvelle façon de travailler assumant totalement la décentralisation de l’urbanisme et de l’aménagement : l’État ne propose rien que les grandes directions, mais ce sont bien les collectivités qui font remonter leurs bonnes pratiques. Mais si la qualité des projets n’est pas au rendez-vous, c’est l’ensemble de la démarche qui s’en trouve décrédibilisée.

Or, aujourd’hui, de trop nombreux projets sans réel cadrage politique, ni concertation locale proposent des « modèles urbains » qui se multiplient sur le territoire. D’autres projets autoproclamés EcoQuartiers développent des territoires d’exception réservés à une élite, quartiers fermés, sans dialogue avec les territoires qui les entourent.

C’est pourquoi, pour lutter contre les projets qui s’autoproclament EcoQuartiers, est peu à peu apparue l’idée de donner un « statut » au mot EcoQuartier et de protéger l’usage du terme. Labelliser pour assurer la qualité des projets, mais ne surtout pas basculer dans le normatif excessif, ce qui serait totalement contraire à la volonté depuis 2008. Au sujet du label, il ne s’agit ni de standardiser les projets, ni de les normer : les EcoQuartiers concernent toutes les villes de France, et nous devons laisser place à l’expression des spécificités des territoires, chacun ayant ses propres caractéristiques. Le label nous permettra de valoriser la qualité de la construction de la ville de demain.

C’est pour répondre à cet objectif que le Ministère de l’Égalité des territoires et du logement a décidé de mettre en place un label EcoQuartierpour distinguer l’exemplarité des démarches, clarifier les conditions de réussite des EcoQuartiers et passer à une diffusion à grande échelle.

2) Comment ce nouveau label, lancé fin 2012, a-t-il été accueilli ?

Le bureau en charge de la démarche nationale EcoQuartier s’est lancé dans un véritable tour de France pour présenter le label EcoQuartier et les premiers retours sont plutôt positifs. La démarche progressive de labellisation via trois étapes (une charte nationale – étape 1 – puis deux temps d’expertise, l’une sur l’ambition des objectifs qui garantit la qualité des propositions des entreprises – étape 2 – et l’autre sur la performance des résultats – étape 3) rassure les collectivités. Le fait que le label ne soit donné qu’à l’issue de la démarche est aussi compris comme un gage de qualité. Un des gros avantages est aussi de laisser la liberté aux équipes de choisir « leurs chemins » entre chaque étape, ce qui rend le label compatible avec d’autres démarches et méthodes comme les AEU de l’Ademe et autres certifications qui pourraient être importantes à l’un des membres de l’équipe (comme la certification HQE, aménagement aux yeux des aménageurs privés).

Mais restent encore des questions difficiles : est-ce que le Ministère pourra assurer un accompagnement des projets pour ne pas laisser seules les équipes entre chaque étape ? Comment ne pas tomber dans un label élitiste qui ne valoriserait que des projets exceptionnels, mais peu reproductibles, mais bien un label pour tous valorisant des projets locaux apportant des réponses pertinentes à leur contexte (notamment dans les territoires de petites villes et de milieu rural) ? Comment garder aussi un esprit d’innovation et d’émulation, tant dans les réponses techniques que dans la conduite du projet ouvert à tous (place de la participation citoyenne) ? Comment négocier la performance du quartier et garder des logements abordables ?

Si les palmarès en 2009 et 2011 jouait sur la compétition entre les projets, le label doit marquer un passage à la maturité : il s’agit bien de mettre en place une politique publique pour le plus grand nombre. Un EcoQuartier doit répondre aux attentes de tous et éviter « l’effet vitrine ».

Si les appels à projets EcoQuartier ont mobilisé de nombreuses collectivités de toutes tailles, la démarche doit aujourd’hui augmenter son niveau d’exigence. Le temps de la sensibilisation doit maintenant faire place à davantage d’engagement, notamment en termes de développement des énergies renouvelables, de limitation de l’empreinte carbone et de l’étalement urbain. Le nouveau label sera le levier pour encourager, accompagner et valoriser les projets des collectivités en matière de développement urbain durable.

3) Quels sont les EcoQuartiers exemplaires ? Quels sont les principaux critères à remplir pour voir son projet labellisé ?

Depuis 2008, une vision commune autour de l’EcoQuartier s’est progressivement construite en France, sur l’impulsion de l’État : il s’agit d’une opération qui propose de construire une ville mixte, en association avec les différentes parties prenantes et les habitants, dans un cadre de vie de qualité, tout en limitant son empreinte écologique. Faire un EcoQuartier, c’est trouver la bonne réponse, tant dans la programmation (logements, activité économique, équipements…), que dans la forme urbaine (de la maison aux îlots plus denses), adaptée conjointement au contexte et aux besoins locaux et aux enjeux nationaux.

La démarche EcoQuartier s’articule à partir d’une Charte de 20 engagements, et chaque projet est ensuite suivi et évalué au regard de 20 critères d’évaluation (pour les engagements qui sont liés au contexte ou à la qualité des pratiques des acteurs…) et 20 indicateurs chiffrés (pour les engagements liés à des enjeux nationaux mesurables). Pour aller plus loin : http://www.territoires.gouv.fr/spip.php?article1295

4) Quel est le sort des EcoQuartiers non labellisés ? Cela peut-il entraîner une scission entre « vrais » et « faux » EcoQuartiers ?

Les signes distinctifs de la qualité des projets peuvent se voir dès leur démarrage. Il faut donc mettre en évidence ceux dont on peut, avant même la réalisation, signaler la pertinence des moyens mobilisés (un diagnostic de territoire, un comité de pilotage, une justification du programme issue d’une analyse de besoins locaux formalisée et partagée, une localisation pertinente dans l’agglomération selon l’accès aux services…).

Mais si on décerne trop tôt le « label », la pérennité du suivi des objectifs peut ne pas être assurée. Si le mot « label » est utilisé pour des projets à des stades d’avancement différents (projet, chantier et vie du quartier), une confusion peut s’introduire sur la vraie valeur du label. Une distinction en phase projet est importante pour attirer les investisseurs et communiquer auprès des citoyens, mais le label doit se fonder sur les résultats pour avoir une valeur.

Il faut que les équipes comprennent qu’en demandant le label EcoQuartier, elles entrent dans une démarche de progrès et que la triple expertise proposée permet de mettre en évidence des alertes pour leur projet. Il s’agit d’attribuer un label indiscutable, car suivi et évalué sur des résultats. Si une équipe n’est pas admise aux étapes 2 et 3, elle a toute latitude pour apporter les réponses aux questionnements que les experts auront fait remonter.

En effet, les étapes du label sont là pour pousser les équipes à argumenter leur choix. L’étape 1 insiste sur l’émergence des projets et la contextualisation des enjeux pour la collectivité. Le copier-coller d’une solution toute faite n’a rien d’EcoQuartier. L’étape 2 montre que les objectifs promis aux projets doivent surtout être un élément pour attirer les investisseurs et les futurs habitants. Mettre en avant des objectifs mirobolants ne convaincront ni les experts, ni les investisseurs quant à la performance et la faisabilité du projet : mieux vaut mettre en avant la qualité du logement dans une maîtrise des coûts. L’étape 3, c’est-à-dire l’obtention du label, s’évalue autant par la pérennité des équipements, l’animation du quartier, la présence ou l’accès aux services, aux commerces… que par la maîtrise des impacts environnementaux. Un super quartier environnemental fermé sur lui-même, sans lien avec le territoire (tant urbain que naturel) ne sera jamais un EcoQuartier ! Il faut permettre qu’il soit ouvert, accueillant et traversé.

Si demain, il y a scission ou exclusion, ce sera pour les projets qui ne permettent aucune évolution dans leurs objectifs, dans leur programmation et dans leur fonctionnement. Or, l’évolutivité n’est-elle pas l’une des conditions de durabilité de la vie d’un quartier ? N’est-ce pas l’exemple que nos quartiers historiques nous ont démontré, puisqu’ils se sont adaptés à toutes les évolutions siècle après siècle ?

Pour plus d’informations sur le sujet, retrouvez Franck Faucheux lors la matinée « La labellisation des écoquartiers » le 23 mai 2013 à Paris.

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