Les prochaines Journées du BJDU

BJDU

Sébastien Ferrari
Professeur agrégé de droit public
Membre du comité de rédaction du BJDU

Florian Poulet
Professeur agrégé de droit public
Membre du comité de rédaction du BJDU

Innovation, consolidation et transformation sont les maîtres mots d’une année 2019 particulièrement riche en droit de l’urbanisme et de l’aménagement, sur laquelle la 23édition des Journées du BJDU ne manquera pas de revenir.

Le droit de l’urbanisme poursuit sa mue et les évolutions en cours, à un rythme particulièrement soutenu, soulèvent de nombreuses interrogations, autant qu’elles appellent de multiples précisions. Tous les aspects de la matière sont concernés et, pour certains, les changements sont profonds. La loi ELAN du 23 novembre 2018 a créé de nouveaux instruments dont la mise en application fera l’objet d’une attention particulière lors de ces deux journées.

Suivant la méthode éprouvée qui est la leur, les Journées du BJDU entendent étudier et discuter ces enjeux en organisant autour des quatre points cardinaux de la matière – planification, autorisations, aménagement et maîtrise foncière – les présentations et analyses des textes et jurisprudences récents les plus pertinents, suivies d’échanges nombreux et concrets avec la salle.

Transformation institutionnelle de la planification urbaine

L’intercommunalisation des plans locaux d’urbanisme a suscité des tensions institutionnelles et des frictions normatives que les réformes successives tentent progressivement de résoudre. Les Journées du BJDU reviendront sur ce défi aigu pour les acteurs locaux.

L’avant-projet de loi « proximité et engagement » entend redonner une place plus importante aux communes dans les procédures d’adoption et d’évolution des PLUi. Plus que jamais, une telle réforme suppose de bien préciser l’articulation entre les différents niveaux de décision en matière d’urbanisme, ce qui ne manquera pas susciter des débats. L’avant-projet apporte également une simplification des procédures d’évolution des plans intercommunaux, pourtant jeunes, que le tempo des réformes met fortement sous tension, ce qui paraît bienvenu, sous réserve de bien maîtriser les modalités pratiques de mise en œuvre.

Parallèlement, la hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme est en pleine refonte, ce qui ouvre une période d’incertitudes tant pour les administrations que pour les porteurs de projets. L’arrivée du nouveau PLU métropolitain vient encore ajouter à la complexité de l’ensemble formé par les PLU, PLUi, SCoT et autres documents d’urbanisme à objet particulier. La révision annoncée par la loi ELAN, au moyen d’ordonnances, des rapports entre ces différents niveaux de la hiérarchie des normes s’avère particulièrement périlleuse et soulève de nombreuses questions. Tant la place des différents documents d’urbanisme que leur opposabilité les uns aux autres sont appelées à être reconsidérées. La lisibilité de cette nouvelle architecture constitue un enjeu fort pour l’efficacité et l’application de la planification urbaine.

Au gré de cette diversification croissante des normes édictées à différents niveaux de décision, c’est également la répartition même des prescriptions édictées par les plans qui doit être revue. L’objet et le contenu des différents documents d’urbanisme, en particulier les PLU et les SCoT, vont nécessairement être redessinés.

Cette évolution est déjà à l’œuvre, d’un point de vue interne aux documents d’urbanisme, avec la création de passerelles entre eux et un certain nombre d’opérations d’urbanisme, dans le cadre de la politique favorable à l’urbanisme de projet. L’ouverture de la possibilité pour une OAP du PLU de créer une ZAC conduit à s’interroger sur les incidences concrètes du mécanisme pour les opérateurs, mais aussi sur les adaptations à apporter aux outils traditionnels de la planification urbaine, qu’il s’agisse des procédures d’évaluation environnementale ou de modification des documents locaux.

Digitalisation, externalisation et consolidation des autorisations d’urbanisme

Le droit des autorisations d’urbanisme est également traversé par plusieurs courants dont la conjonction illustre, avec la récente loi ELAN et son décret d’application du 23 mai 2019, la double volonté contemporaine de moderniser leur délivrance et de renforcer leur sécurité.

En premier lieu, l’externalisation de l’instruction des demandes d’autorisation, après une longue période d’opposition, a été rendue possible. Si elle paraît, de prime abord, de nature à soulager les services administratifs et à compenser, pour certaines collectivités publiques, un manque d’expertise, cette évolution n’est pas neutre. La privatisation d’un service est susceptible de constituer une charge supplémentaire pour la collectivité publique, sans pour autant réduire sa responsabilité en cas d’erreurs ou de manques. Il convient aussi de veiller à une répartition claire des tâches entre la collectivité délégante et son délégataire, de façon à ne pas enfreindre les limites posées à de telles délégations en matière de police administrative. Concrètement, il reviendra à la pratique de montrer la vertu de l’exercice, tant en ce qui concerne la qualité de l’instruction et les délais de traitement des demandes, qu’à l’égard de la protection des deniers publics. Ces préoccupations seront au cœur des attentes des opérateurs comme de celles des administrations publiques.

En deuxième lieu, la dématérialisation à venir, a priori début 2021, des procédures d’autorisation constitue la pierre angulaire de cette modernisation, mais elle suppose une transition numérique qu’il est nécessaire de bien maîtriser. Le décret d’application de la loi ELAN prévoit des modalités de collecte et de transmission des données qui doivent être en conformité avec le RGPD, ce qui suppose, pour les services concernés, d’adopter les bonnes pratiques et les bons outils.

En dernier lieu, la lutte contre les recours abusifs, la volonté de réduire les délais de jugement et le renouvellement de l’office du juge de l’urbanisme participent de la politique contemporaine de renforcement de la sécurité des autorisations d’urbanisme, menée à deux voix par le législateur et la juridiction administrative. Ce contentieux se spécialise et s’oriente durablement vers la stabilisation, plutôt que la sanction, des autorisations entachées d’irrégularités. Cette nouvelle logique induit un resserrement des voies et moyens de contestation, autant qu’une atténuation des conséquences à tirer des illégalités commises, desdites autorisations. Les textes et la jurisprudence continuent d’apporter, à la suite des réformes successives de 2013 et de 2018, les compléments utiles, que ce soit en matière de recevabilités des requêtes, s’agissant du déroulement de l’instance ou encore quant à la portée des annulations contentieuses. Il reste que, nonobstant cette évolution, le contentieux indemnitaire des autorisations de construire se développe, tout comme celui afférant à l’achèvement des travaux. Les volets civil et pénal de ce contentieux font également l’objet d’aménagements significatifs dans un sens similaire, tant en ce qui concerne l’action en réparation que l’action en démolition.

Innovation en matière d’aménagement

L’aménagement urbain a fait l’objet d’un certain nombre d’innovations, sous la forme de la création de nouveaux outils opérationnels et financiers, ainsi que de l’adaptation des opérations et des procédures existantes. Il conviendra, à l’occasion des Journées du BJDU, de revenir sur les premières traductions pratiques pour mieux en mesurer les implications, notamment juridiques.

En premier lieu, l’aménagement commercial nouvelle mode a fait l’objet d’ajustements procéduraux avec le décret du 7 juin 2019, en particulier le renforcement des contrôles postérieurs à l’obtention de l’autorisation et l’exigence d’une analyse d’impact, tandis que, dans le même temps, la jurisprudence tire toutes les conséquences contentieuses de la fusion des autorisations opérée par la loi Pinel du 18 juin 2014. Surtout, une nouvelle articulation doit être pensée pour les projets commerciaux lorsqu’ils sont envisagés dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT) créées par la loi ELAN.

En deuxième lieu, la procédure de la zone d’aménagement concerté (ZAC) subit également des modifications dans le sens d’une simplification et d’une modernisation par les décrets du 21 mai 2019. Outre l’intégration dans le PLU de l’opération, ce qui permet de faciliter sa création et sa mise en œuvre, les formalités préalables, de même qu’ultérieurement, l’autorisation et la réalisation des constructions au sein du périmètre de l’opération, sont refondues dans la même perspective. En particulier, l’étude d’impact intègre désormais le potentiel de développement en énergies renouvelables.

Enfin, la loi ELAN a instauré, outre les ORT, de nouveaux leviers que sont les projets partenariaux d’aménagement (PPA) et les grandes opérations d’urbanisme (GOU), destinés à accélérer les grands projets urbains et à renforcer l’efficacité de l’intervention des acteurs privés et publics. Ces différents instruments revêtent une importance particulière, mais recèlent une indéniable complexité, dès lors qu’ils impliquent une réflexion, puis une mise en œuvre, à l’échelle d’un territoire. Ils supposent de circonvenir les difficultés liées, d’une part, au jeu des différents acteurs et, d’autre part, à une gestion de l’opération d’envergure au long court. Les pratiques professionnelles sont appelées, dans ce cadre, à évoluer significativement, ce d’autant qu’il peut être nécessaire de faire coexister ces outils avec d’autres projets, qu’il s’agisse des ORT ou des projets d’intérêt majeur (PIM). Un premier bilan sera utile pour comprendre leurs forces et leurs faiblesses et mesurer leur appropriation par les parties prenantes.

Adaptation et solidarité de la maîtrise foncière

La maîtrise foncière reçoit un certain nombre d’ajustements par les textes pour s’adapter à la nouvelle économie solidaire. Les décrets du 9 mai 2019 contribuent, dans le droit fil de la loi ELAN, à une gestion plus dynamique du patrimoine de l’État. Les cessions des dépendances de son domaine privé deviennent plus incitatives, au moyen de l’application d’une décote sur le prix, dans le but de soutenir la politique du logement solidaire. Parallèlement, le droit de priorité sur ces cessions, réservé à certains organismes publics, peut faire l’objet d’une subdélégation à des sociétés de foncier solidaire.

De son côté, la jurisprudence continue de dessiner les contours des régimes de l’expropriation et de la préemption, tant sur le fond qu’à chaque étape de la procédure, y compris contentieuse. Plus largement, ces dispositifs sont susceptibles d’être mobilisés pour contribuer à la reconversion des espaces en friche, qui constituent une opportunité de développement pour les territoires, mais qui posent des difficultés opérationnelles indéniables selon leur état et leur usage antérieur. Ces évolutions illustrent la responsabilité particulière qu’ont les autorités publiques, et leurs partenaires privés comme publics, dans la réussite de ces projets à fort enjeu environnemental et économique.

Le bref inventaire à la Prévert ainsi dressé montre toute la diversité des enjeux auxquels le droit de l’urbanisme moderne, en mouvement constant, doit répondre. La succession des réformes, à un rythme toujours aussi soutenu, appelle une adaptation rapide et rigoureuse des différents acteurs, privés comme publics, aux nouveaux dispositifs. Surtout, la bonne maîtrise de ces outils, toujours plus nombreux et complexes, passe par un échange constant entre les parties prenantes. C’est à ces attentes que la 23eédition des Journées du BJDU entend répondre.