Les outils fiscaux dans la lutte contre la vacance des logements

ELAN

Clément Bousquet
Consultant
CBG TERRITOIRES

Pour redynamiser les centres-villes, lutter contre la vacance des logements et des commerces et favoriser l’activité économique locale, de nombreux outils fiscaux ont été créés par les gouvernements successifs. Chaque loi de Finances apporte sa nouveauté.

Face à la multiplication des outils, il est difficile tant pour les investisseurs privés que pour les collectivités de s’y retrouver. Il convient donc de dresser un panorama. Aujourd’hui, le gouvernement semble favoriser les investisseurs privés en prévoyant des allègements fiscaux notamment concernant l’impôt sur le revenu.

Comment ce nouveau dispositif est-il mis en place ?

Depuis le 1erjanvier 2019, les futurs propriétaires bailleurs peuvent bénéficier d’une défiscalisation lorsqu’ils rénovent un logement dans un quartier ancien dégradé, il s’agit du dispositif Denormandie disponible dans les 222 villes du plan Action cœur de ville, mais certaines communes ayant signé une opération de revitalisation du territoire peuvent également proposer à des particuliers ou à des promoteurs d’investir, de rénover et de louer moyennant une défiscalisation.

Le dispositif Denormandie s’adresse aux propriétaires bailleurs qui achètent un bien à rénover dans un des territoires éligibles au dispositif ou souhaitent mettre leur logement vide en location longue durée, pendant six, neuf ou douze ans. Cette réduction d’impôt sur le revenu s’applique aussi bien aux contribuables fiscalement domiciliés en France au moment de l’investissement et qui font rénover leur bien, qu’à ceux qui achètent à un promoteur ayant rénové le bâtiment. Seules les acquisitions de logements anciens faisant l’objet de travaux d’amélioration à hauteur de 25% du coût total de l’opération seront concernées. En contrepartie, l’acquéreur devra s’engager à louer le logement pour une durée de six à douze ans.

Il est important de souligner que ce dispositif est initié par l’État.

Les collectivités locales ont-elles les moyens d’inciter les investisseurs privés à l’amélioration de l’habitat insalubre ?

Pendant très longtemps, il a été imaginé des procédures permettant aux collectivités de développer une fiscalité punitive pour les propriétaires de logement vacant. Cette fiscalité permettait a priorià la collectivité de bénéficier de recettes nouvelles pour financer des actions.

Le meilleur exemple est la taxe sur les friches commerciales. En effet, les communes ou EPCI peuvent, par délibération, instituer une taxe annuelle sur les friches commerciales situées sur leur territoire. Mais les collectivités ont été confrontées à de nombreuses difficultés : la taxe est instituée pour l’ensemble du territoire et aucun zonage ne peut être créé. De plus, un important travail des services de la collectivité est nécessaire pour établir la liste des biens imposés. Aujourd’hui environ 300 EPCI et 260 communes ont utilisé cette fiscalité. En outre, les collectivités locales peuvent majorer les bases foncières en l’absence d’occupation des locaux. Le conseil municipal adopte une délibération instituant une majoration de la valeur locative de 0 à 3 €/m². Mais là aussi, aucune pondération ne peut intervenir en fonction des quartiers.

Il faut avouer que ce dispositif est peu approprié pour la revitalisation des centres-villes. En effet, souvent les propriétaires subissent une double peine : le bien est inoccupé et de plus, il n’arrive pas à le vendre ou à le louer. Parallèlement, ils doivent payer un impôt supplémentaire.

Les collectivités peuvent-elles mettre en place une exonération fiscale pour aider les petites entreprises ou commerces à s’implanter en centre-ville ?

Jusqu’à la loi de Finances de 2020, les mécanismes étaient peu nombreux. Le législateur vient de créer un dispositif permettant une exonération de fiscalités locales pour accompagner des opérations de revitalisation de territoire (ORT). Ainsi, les conseils municipaux et les conseils communautaires peuvent exonérer de CVAE, CFE et FB certaines entreprises exerçant une activité commerciale ou artisanale en centre-ville de ville moyenne. Ce dispositif est donc uniquement valable pour certains territoires. Mais, comme ses exonérations sont facultatives, la perte de recette pour la collectivité n’est pas compensée par le budget de l’État. Par conséquent, les collectivités hésitent à le mettre en œuvre.

Les collectivités peuvent-elles bénéficier d’autres leviers que la fiscalité ?

Les collectivités ont vocation à porter financièrement les opérations dans le cadre d’outils spécifiques comme notamment les SEM. Le dispositif Denormandie vient subventionner certains équipements dans le cadre du dispositif Action cœur de villeavec les procédures d’appels à projet.

Parallèlement, la banque des territoires intervient avec 1 Md€ en fonds propres et 700 M€ en prêts. Les autres banques mettent également à la disposition des collectivités locales une gamme de financements permettant de les accompagner dans leurs projets Action cœur de ville : des prêts à moyen et long terme, des prêts relais (préfinancement de subventions, TVA ou portage foncier) pour accompagner les projets de territoire, des prêts verts pour soutenir leurs actions en faveur d’une ville durable, ainsi que des financements participatifs pour encourager l’adhésion de leurs administrés. En outre, l’Agence nationale de l’habitat les aide financièrement pour résorber l’habitat insalubre. Les taux de subventionnement peuvent être élevés.

Pour vous quel est le principal obstacle à la réussite de la rénovation des centres-villes ?

La personne publique doit disposer dans des délais raisonnables de la maîtrise du foncier. Sans cela, aucun délai ne peut être donné et les investisseurs n’osent investir. Il s’agit d’une insécurité juridique portant atteinte à l’équilibre financier de l’opération.

La rénovation des centres-villes concerne de nombreux propriétaires et il convient parfois d’aller jusqu’à l’expropriation. Cette mesure est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que certains bâtiments menacent parfois de s’effondrer ou sont occupés par des marchands de sommeil. Dans de nombreuses villes un temps fou a été perdu, car un ou deux propriétaires refusaient de vendre. Par idéologie, la collectivité avait renoncé à utiliser la procédure d’expropriation.

La maîtrise rapide du foncier est essentielle pour éviter des risques énormes de dérives financières.

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