Délais, procédure, fiscalité et COVID-19

« Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » demandait le météorologue Edward Lorentz lors d’une conférence scientifique en 1972. Aujourd’hui, « l’effet pangolin » fait planer sur les entreprises la menace d’une extinction de masse. Il faut leur administrer un « remède de cheval » et le Gouvernement, au chevet de l’économie française, prépare les ordonnances.

Le projet de loi Covid-19 déposé en CMP le 22 mars 2020

La loi (ordinaire) d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, portant habilitation à légiférer par voie d’ordonnances, en cours de vote, prévoit notamment que l’exécutif pourra prendre les mesures nécessaires en adaptant, interrompant ou suspendant divers délais.

Sont ainsi visés les délais applicables à l’accomplissement de très nombreuses formalités administratives, ceux prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, etc.

En outre, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions administratives et judiciaires pourraient être modifiées afin de limiter la propagation du virus covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances.

Pour le même motif, seraient susceptibles d’aménagements les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité et à la tenue des audiences, au recours à la visioconférence, aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire.

Naturellement, il faudra analyser précisément les dispositions qui seront arrêtées par voie d’ordonnances.

La fiscalité à l’épreuve du Covid-19

Sur le plan fiscal, il convient de rappeler que les mesures annoncées par le Gouvernement au profit des entreprises au début de la crise ne concernent que le report sans pénalité du règlement [des] prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires). La TVA, notamment, n’est pas concernée.

S’agissant des obligations déclaratives, il est important de souligner l’importance du respect des délais de déclaration, quand bien même l’entreprise ne disposerait pas de tous les éléments permettant un calcul précis – il faut alors faire une déclaration estimative – ni de la trésorerie pour effectuer le paiement correspondant.

Outre le régime des sanctions qui est plus sévère en cas de retard ou de défaut de déclaration, la responsabilité solidaire du dirigeant social peut être recherchée par l’administration. Rappelons également la nullité, pour défaut d’enregistrement dans les dix jours de leur acceptation par leur bénéficiaire, des promesses unilatérales sous seing privé portant sur les immeubles, fonds de commerce, parts ou actions de sociétés de copropriété, etc.

S’agissant des contrôles fiscaux et du contentieux (assiette et recouvrement), les ordonnances devraient suspendre les délais qui pourraient être opposés à l’administration (par exemple la limitation à trois mois de la durée du contrôle pour les petites entreprises), mais aussi les délais imposés au contribuable, pour répondre à une proposition de rectification ou pour introduire une réclamation contentieuse, proposer des garanties dans le cadre d’une demande de sursis de paiement, ou saisir le juge de l’impôt.

Nous analyserons et commenterons les dispositions prises par les ordonnances au fur et à mesure qu’elles seront publiées.

 

Philippe Reigné
Professeur agrégé des facultés de droit
Knowledge Manager
#COVID-19 Manager

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François Thomas
Avocat à la Cour

NMW